RMA : baisse prolongée de la profitabilité
Après un cycle euphorique de 2006 à 2011, qui en a fait le champion incontesté de la rentabilité du secteur de l’assurance au Maroc, RMA (Royale Marocaine d’Assurance) enregistre une phase de sous-performance chronique. Contrairement à celui qui lui a ravi son fauteuil de leader au passage (Wafa Assurance), la filiale du groupe Benjelloun a raté son virage africain et a même détruit de la valeur à travers ses investissements en Europe. Sont-ce là les seules raisons de sa perte d’altitude ?
Que la pluie succède au beau temps (ou l’inverse) d’un exercice à l’autre, notamment dans un métier comme l’assurance où la cyclicité de sa branche Dommages est assez établie, cela n’a jamais choqué personne. Mais qu’un champion incontesté de la profitabilité qui toisait de très haut tous ses concurrents immédiats pendant une longue période vire subitement, et pour une phase prolongée, dans une dépression sévère de ses performances financières et techniques, cela mérite de s’y appesantir un peu et ce, d’autant plus que ni l’évolution globale du marché (le marché de l’assurance continue de croître significativement au Maroc), ni la situation financière intrinsèque du groupe privé auquel il appartient (en l’occurrence le groupe Benjelloun) ne viennent ébaucher un début d’explication plausible. En effet, la récente publication par le groupe français Crédit Mutuel de son rapport annuel 2016 est venue jeter la lumière sur la persistance du marasme chez RMA, numéro deux de l’assurance au Maroc (avec 18% de parts de marché) dont la rentabilité est en baisse continue depuis 2012.
Ce repli significatif est d’autant plus interpellateur que pendant la même période, le principal actif de RMA à savoir BMCE Bank (l’autre vaisseau amiral du groupe Benjelloun dont RMA détient 30% du capital et des droits de vote), enregistre depuis cinq ans un véritable récital de croissance vertueuse où la profitabilité progresse plus vite que celle des revenus (avec un PNB et un résultat net consolidés qui affichent des taux de croissance annuels moyens respectifs de 10% et 19%). Certes, les deux métiers de l’assurance et de la banque ont des cycles de production inversés (l’un perçoit un revenu avant de subir éventuellement un risque en passant à la caisse et l’autre passe d’abord à la caisse – en débloquant les crédits – avant de générer des revenus et de supporter probablement un risque corrélatif – celui de crédit) mais économiquement, ils sont loin d’être contra-cycliques.
Quid de l’entité née du rapprochement en 2003 entre RMA et Al Wataniya (compagnie que le groupe Benjelloun a rachetée auprès du français GAN quelques années auparavant) ? Retour sur les chiffres : À partir de 2006, RMA allait connaître une phase euphorique où une rentabilité à faire saliver tous les autres concurrents a permis de se consoler de la perte en 2008 du fauteuil de leader de l’assurance au Maroc (au profit du rival de toujours Wafa Assurance), mais surtout de servir aux actionnaires menés par la holding de tête Financecom et GCAM (filiale d’assurance du français Crédit Mutuel) qui en détiennent respectivement 57% et 22% plus de 4,8 milliards de DH en dividendes en six ans (un record absolu pour le secteur de l’assurance, encore inégalé à ce jour). Aussi, dès 2007, le résultat net allait bondir au-delà du milliard de DH (de loin le meilleur du secteur) pour s’y maintenir pendant cinq années successives en exhibant des taux de marge nette supérieurs à 25% (avec un pic à 33%). Mais prenant fin en 2012, ce cycle vertueux céda le pas subitement à une phase prolongée de dégonflement de la profitabilité avec un résultat net revenu à un étiage que la compagnie n’avait plus connu depuis 2006 (exercice où le chiffre d’affaires était par contre presque deux fois moins important). Pendant ce temps, les principaux compétiteurs de RMA affichaient des croissances régulières de leurs bénéfices, à commencer par le leader Wafa Assurance (dont le résultat net a bondi de 313 millions de DH à 841 millions de DH au titre de la même période) qui, de surcroît, a réussi avec brio ses premiers pas d’internationalisation. Certes les marchés financiers, notamment le compartiment boursier et le segment obligataire, ont connu au cours des dernières années une certaine atonie, ce qui a sans doute davantage affecté un acteur comme RMA dont la performance globale devait la part belle à son portefeuille financier davantage que son activité purement assurantielle (qui par moments affichait un ratio combiné supérieur à 100%) ; mais la conjoncture économique et financière ne saurait (en tout cas à elle seule) expliquer une telle évolution à rebours de son benchmark. À défaut d’explications apportées directement par les managers (contactés à plusieurs reprises sans succès), il ne serait peut-être pas de mauvais aloi de rappeler qu’à l’inverse de ses deux principaux concurrents maroco-marocains qui ont réussi leur développement en Afrique (Saham et Wafa Assurance), RMA a, pour sa part, complétement raté son virage africain (après quelques opportunités non saisies en 2011/2012). A défaut, elle s’est plutôt rabattue sur une « internationalisation » de ses placements financiers en profitant de l’ouverture réglementaire consentie à cet effet par les autorités réglementaires au début de l’actuelle décennie. Or, sa filiale RMA Capital International, fer de lance de sa stratégie d’implantation en Europe, s’est rapidement transmuée en foyer récurrent de pertes au point où sa maison mère a dû provisionner la moitié de sa mise dans cette entité basée à Paris. Par ailleurs, RMA a subi de plein fouet le contrecoup de son « sponsoring » capitalistique des fonds d’investissement lancés par Argan Invest, le pôle de private equity du groupe Financecom, et dont ceux dédiés à l’immobilier et au tourisme se sont avérés de véritables gouffres financiers.