Samir : risque d’extension de la liquidation judiciaire aux dirigeants
Alors que tout le monde appelle de ses vœux une sortie du tunnel, la Samir s’enfonce dans un imbroglio judiciaire qui sans nul doute se prolongera pour de nombreuses années. Actuellement, plusieurs procédures sont en cours devant les tribunaux de Casablanca et Mohammedia, dont la demande d’extension de la liquidation judiciaire aux dirigeants.
Engagée à l’initiative de l’ex-syndic, l’action à l’encontre des dirigeants se déroule devant le Tribunal de Commerce de Casablanca et ce, en conformité avec le Code de Commerce qui stipule dans son article 703 que « le tribunal compétent pour prononcer les sanctions patrimoniales est celui qui a ouvert la procédure ».
Loin d’être perçu comme un excès de zèle de la part du syndic, l’engagement de la procédure d’extension ne doit surprendre personne compte tenu de la gravité de certains actes mentionnés dans les attendus du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la Samir.
L’extension de la liquidation judiciaire aux dirigeants est encadrée par le Code de Commerce. Dans quels cas peut-elle intervenir ? Plusieurs cas sont prévus. Nous allons nous contenter de deux d’entre eux qui nous intéressent dans le cas de la Samir. Le premier porte sur la « tenue d’une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière ». À ce sujet, le jugement d’ouverture de la liquidation de la Samir souligne que la «comptabilité de l’entreprise ne semble pas donner une image fidèle au sujet du passif enregistré dans les états de synthèse et en particulier la situation des fonds propres». Il en ressort que les dirigeants peuvent être rattrapés sur ce point.
L’autre cas prévu par le Code de commerce et qui est susceptible d’être retenu pour justifier l’extension de la liquidation, est lorsque le dirigeant «fait du crédit de l’entreprise un usage contraire à l’intérêt de celle-ci ». C’est exactement ce qu’a reproché le Tribunal de commerce de Casablanca aux dirigeants de la raffinerie dans son jugement lorsqu’il invoque la distribution de bénéfices pour un montant de 594 millions de DH entre 2007 et 2014, totalement versés grâce aux facilités bancaires.
Que risquent les dirigeants ?
Dans le cadre de la procédure engagée, les dirigeants risquent deux sanctions : le comblement du passif de la Samir et la liquidation judiciaire. La première sanction est prévue par l’article 704 du Code de commerce qui énonce que « lorsque la procédure concernant une société commerciale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que cette dernière sera supportée, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants ou seulement certains d’entre eux».
Quant à la seconde sanction, elle est plus sévère dans la mesure où le dirigeant peut être placé sous le régime de la liquidation judiciaire et dans ce cas, le passif est constitué, en plus du passif personnel, de celui de la Samir.
Compte tenu du fait que l’insuffisance du passif de la Samir se chiffre en plusieurs milliards de DH, l’enjeu de la procédure en cours est énorme tant pour les dirigeants marocains, qu’étrangers. Sachant que l’actif de la raffinerie est évalué à 21 milliards de DH alors que les créanciers réclament 43 milliards de dirhams.
Et le risque des sanctions ne s’arrête pas à ce niveau ; les dirigeants de la Samir peuvent être rattrapés par d’autres sanctions. Ainsi, ils s’exposent à la déchéance commerciale si le tribunal retient à leur encontre un certain nombre de faits énumérés par le Code de commerce ou si une fois condamnés, ils n’acquittent pas l’insuffisance de l’actif mis à leur charge. La déchéance commerciale est lourde de conséquences dans la mesure où « elle emporte l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisane et toute société commerciale ayant une activité commerciale ». Plus grave, les dirigeants peuvent être déclarés en banqueroute qui est punie d’un emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende de 10.000 à 100.000 DH. C’est dire que la justice a encore beaucoup de cartes entre ses mains.