Santé. Vers une usine à gaz ? [Par Jamal Berraoui]
Monsieur Lekjaâ, ministre du Budget, a fait une déclaration au Parlement, qui aurait dû soulever une tempête. En parlant du salaire des médecins, il a estimé que « passer de 7000 à 8000 DH ne changeait pas la situation ». C’est tout à fait vrai et c’est à son honneur de le dire.
Mais, il a dit que les médecins « pourront gagner jusqu’à 100 Mille DH, puisqu’ils seront payés à l’acte, par le biais des indemnités ». C’est une vieille idée qui consiste à croire qu’en introduisant des modes de management du privé, on améliore les résultats de l’administration. C’est juste faux. Les pays qui ont tenté cette approche se sont plantés, parce que le service public n’a pas les mêmes déterminants que le privé, et que fatalement, les modes de management issus du privé entrent en contradiction avec l’objectif du service public.
Lire aussi | COP 26. Bank Al-Maghrib fait le pari du verdissement du système financier
Des médecins de la Santé publique payés à l’acte, cela signifie d’abord toute une administration, pour valider les actes, les comptabiliser, les payer, c’est une véritable usine à gaz qu’on imposera à la Santé publique. Il y a pire, le spécialiste qui a le choix entre une thérapie médicale et une opération chirurgicale, ne fera-t-il pas le choix de la dernière, parce qu’elle rapporte plus ? Arrêtons de parler de conscience professionnelle, 40 % des césariennes ne sont pas justifiées médicalement, mais, permettent aux gynécos de payer leurs villas.
Monsieur Lekjaâ dit « il y aura un plafond ». Le chirurgien qui atteindra ce plafond le 20 du mois, a tout intérêt à déplacer ses rendez-vous au mois prochain, puisque cela ne lui rapporte rien. Le ver est dans le fruit, depuis que l’on a accepté le temps aménagé. Les spécialistes, dans leur majorité, parce qu’il y a des gens engagés, passent plus de temps dans les cliniques qu’à l’hôpital. La solution esquissée, c’est de faire de l’hôpital, un trust des cliniques privées. Pour l’auteur de ces lignes, c’est définitivement non.
Lire aussi | Dr Said Guemra : « Ce que la délégation marocaine doit faire lors de la COP 26 »
Monsieur Lekjaâ a aussi dit que le projet était prêt. Aucun parti n’en a parlé dans son programme électoral, le gouvernement n’est là que depuis un mois, qui l’a préparé ? Croire que McKinsey et les autres bureaux d’études nous sauveront, c’est un complexe de colonisé. Le débat national, lui, peut faire émerger des solutions novatrices. Il suffit d’y croire.