Secteurs régulés : qui s’occupe de la concurrence ?
Le Conseil de la concurrence n’est pas seul sur le terrain de la concurrence. D’autres instances, en particulier les autorités de régulation sectorielle, opèrent à ses côtés. C’est le cas de l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT) qui est habilitée à se prononcer sur les pratiques concurrentielles dans le secteur placé sous son contrôle.
On s’attendait à ce que le «coup de poing sur la table» soit donné par le Conseil de la Concurrence pour rappeler aux opérateurs économiques les règles basiques d’une économie libérale. Eh bien non, c’est un régulateur sectoriel qui a pris l’initiative de le faire en infligeant une lourde sanction à Maroc Telecom, pour abus de position dominante. C’est une sanction qui restera dans les annales vu son montant et qui, espérons-le, contribuera à réhabiliter le droit de la concurrence dans notre pays.
Sans se prononcer sur cette décision qui reste contestable comme toute décision administrative devant le juge administratif, il serait important de savoir pourquoi la sanction est prise par le régulateur du secteur des télécommunications et non pas par le Conseil de la Concurrence. Sachant que ce dernier est érigé par la Constitution en « institution indépendante» avec pour mission d’assurer, « dans le cadre de l’organisation d’une concurrence libre et loyale, la transparence et l’équité dans les relations économiques, notamment à travers l’analyse et la régulation de la concurrence sur les marchés, le contrôle des pratiques concurrentielles, des pratiques commerciales déloyales et des opérations de concentrations économiques et de monopole ».
Le régulateur c’est bien l’ANRT
En un mot, le Conseil de la Concurrence n’a pas droit à la parole dans le secteur des télécommunications où c’est l’ANRT qui mène le jeu de bout en bout. C’est elle qui est chargée de veiller au respect du jeu de la concurrence et tranche les litiges y afférents. Toute la procédure se déroule en son sein sans aucune intervention de la part du Conseil de la Concurrence qui, une fois la décision prise, en reçoit une copie pour information. Ainsi, le rapporteur général qui supervise l’instruction du dossier est désigné par le conseil d’administration de l’ANRT parmi le personnel de l’Agence. Les enquêtes sont diligentées par ses propres agents. De même, les amendes, les astreintes et les sanctions pécuniaires prévues en matière de pratiques anticoncurrentielles sont prononcées par son Comité des infractions.
L’ANRT tient ce pouvoir de la loi relative aux télécommunications. Celle-ci stipule dans son article 8 bis que l’ANRT «applique les dispositions de la législation relative à la liberté des prix et de la concurrence en matière de pratiques anticoncurrentielles et d’opérations de concentration économique dans le secteur des télécommunications». Il en ressort que l’ANRT applique le même dispositif juridique que celui du Conseil de la Concurrence.
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Outre les télécommunications, la loi sur la liberté des prix et la concurrence stipule que la compétence du Conseil de la concurrence n’englobe pas les secteurs relevant des instances de régulation. Son application à un secteur régulé est laissée à l’appréciation du gouvernement qui en fixe la date par voie réglementaire. Il s’agit là d’une restriction importante vu que les secteurs régulés représentent des pans importants de l’économie nationale (assurances, banque, marché des capitaux, audiovisuel…) et que le gouvernement a parfaitement la latitude de laisser un secteur régulé en dehors du champ d’intervention du Conseil de la concurrence.
Dans certains cas, les textes relatifs aux instances de régulation règlent les rapports de ces instances avec le Conseil de la Concurrence. C’est le cas de la loi bancaire qui instaure une collaboration entre la banque centrale et le Conseil, ce qui laisse comprendre que la compétence de ce dernier s’étend au secteur bancaire. En effet, l’article 49 de cette loi, énonce que lorsque le Conseil de la Concurrence procède de sa propre initiative à des études portant sur les établissements de crédit ou lorsqu’il est saisi de litiges concernant des établissements bancaires, il requiert au préalable l’avis de Bank Al-Maghrib.
L’avis des autorités de régulation est d’ailleurs requis chaque fois que le Conseil de la concurrence se penche sur des questions de concurrence dans les secteurs dont elles ont la charge, selon la loi relative au Conseil de la Concurrence. Il en ressort donc clairement que dans les secteurs régulés, le contrôle des règles de la concurrence fait l’objet d’un partage entre les autorités sectorielles et l’autorité de concurrence à vocation générale.