Sociétés anonymes : quelle place pour l’administrateur indépendant ?
A compter d’avril 2020, les sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne seront tenues de nommer dans leurs organes d’administration (conseil d’administration ou conseil de surveillance) des administrateurs indépendants. En introduisant cette fonction, le législateur vise à améliorer la gouvernance des entreprises grâce à la liberté d’action et la compétence dont dispose l’administrateur indépendant.
Avec la récente refonte de la loi sur les sociétés anonymes, la gouvernance des entreprises créées sous forme de S.A est appelée à connaître des changements importants avec l’arrivée de l’administrateur indépendant. Certes, cette fonction n’est pas totalement absente de la vie des entreprises marocaines mais elle reste très peu répandue. Seuls les établissements de crédit sont tenus en vertu de l’article 35 de la loi bancaire de 2014, de nommer des administrateurs indépendants dans leurs conseils d’administration.
Dorénavant, toutes les sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne seront tenues d’intégrer dans leurs organes d’administration (conseil d’administration ou conseil de surveillance) des administrateurs indépendants. Quant aux autres sociétés anonymes, le recours aux administrateurs indépendants demeure facultatif. De même, le nouveau texte n’est pas applicable aux établissements bancaires qui obéissent à une réglementation spéciale en la matière.
Qu’est-ce qu’un administrateur indépendant et quelle est sa place dans l’entreprise? D’une manière générale, un administrateur indépendant est un membre « libre d’intérêts qui contribue par sa compétence et sa liberté de jugement » à l’accomplissement des missions dévolues au Conseil d’administration. Il ne doit pas être confondu avec l’administrateur non-exécutif qui n’exerce pas de fonctions de direction au sein de l’entreprise. A la différence de ce dernier, l’administrateur indépendant n’est pas actionnaire et n’a aucune relation d’intérêts avec la société, ses actionnaires et ses organes d’administration, de gestion et de contrôle.
La qualification d’administrateur indépendant est conditionnée par le respect d’un ensemble de critères qui visent à éviter que l’administrateur ne se retrouve dans une situation de conflits d’intérêts ou de dépendance. Le but est de faire en sorte que l’administrateur puisse exprimer en toute liberté son point de vue au sein du Conseil d’administration. A titre d’exemple, il ne doit pas être actionnaire de la société et ne doit avoir aucun lien de parenté avec un actionnaire ou un membre de l’organe d’administration.
De notre point de vue, les critères retenus par la loi marocaine ne sont pas suffisants pour garantir l’indépendance de l’administrateur indépendant. Tout d’abord, le texte reste muet sur l’organe qui a la responsabilité de vérifier le respect des critères et ne prévoit aucune périodicité pour leur réexamen, sachant que la situation de l’administrateur est susceptible d’évoluer avec le temps. A ce sujet, la réglementation de la Banque centrale est plus pertinente. Selon la directive du wali, l’organe d’administration de l’établissement de crédit, s’assure, lors de la nomination d’un administrateur indépendant, du respect des critères d’éligibilité et procède à leur réexamen au moins une fois par an.
D’un autre côté, la loi marocaine se contente de critères formels et ignore celui de la compétence. Ce silence risque d’ouvrir la porte à la nomination d’administrateurs indépendants sur le plan de la forme qui ne présentent pas la compétence et l’expérience nécessaires pour l’accomplissement de leur mission. Or, ce qui est recherché à travers cette fonction est le renforcement du Conseil d’administration par des profils à même de l’aider à accomplir ses missions qui sont de plus en plus complexes.
Pour les banques, la réglementation de la banque centrale fait de la compétence un critère indispensable. Ainsi, un administrateur indépendant au sein d’un conseil d’administration d’une banque, doit «disposer de compétences et d’expériences appropriées en lien notamment avec le domaine bancaire, la gestion des risques, le contrôle interne et la gouvernance». Même plus, avant la nomination de l’administrateur indépendant, le conseil d’administrations procède à une évaluation de la compétence de ses membres pour déterminer le profil du candidat.