Sport et démocratie
Le projet de loi de Finances réserve 800 millions de dirhams au soutien du sport national. Le montant en ce temps de crise est important, même si relativement au budget de l’Etat, il n’est pas exorbitant. Ce qui impose un vrai débat, c’est l’utilisation de cette allocation. Depuis des décennies, c’est le sport dit d’élite qui consomme la part du lion. Le soutien aux fédérations, aux équipes nationales et les infrastructures constitue l’essentiel de la dépense publique de ce département. Or, les citoyens ont de moins en moins de lieux pour la pratique de l’exercice physique ou d’un sport collectif, sans ambition de performance.
Parce que l’on a politisé la performance de nos sportifs, l’Etat s’est retrouvé piégé. Il finance le sport d’élite au détriment de sa vocation, celle du soutien au sport de masse. Vocation constitutionnalisée par le texte plébiscité le 1er juillet 2011. Il n’est pas simple de changer d’orientation aujourd’hui. Que ce soit le football, l’athlétisme ou les autres sports, vivant au-dessus de leurs moyens intrinsèques grâce au soutien de l’argent public.
Ce changement d’orientation est éminemment politique. Il faut accepter l’autonomie totale des sports d’élite, qui deviennent comme partout dans le monde, partie intégrante de l’industrie du spectacle. Cela n’est possible que si l’on dépolitise les performances sportives. Seuls les pays sous développés, gouvernés par des dictatures, continuent à vouloir gérer le sport d’élite. Il est affligeant de voir le ministre des sports « convoqué » par le Parlement chaque fois que l’équipe nationale perd, comme si c’était lui qui avait raté le penalty. Cette relation incestueuse est, malheureusement bien ancrée dans les esprits, publics et médias y adhèrent. Le travail pédagogique nécessaire risque d’être ardu. Mais cela commence par la démocratisation des fédérations et du Comité national olympique. Il faut que les institutions politiques laissent les assemblées générales souveraines dans leur choix. C’est la seule voie pour les responsabiliser devant l’opinion publique, sur la marche de leur sport et donc des résultats recueillis à l’international. Si sur le plan financier, le désengagement ne peut être que progressif, le respect de la démocratie s’impose comme une résultante de la nouvelle Constitution.
Par ailleurs, la création d’espaces pour l’exercice physique, de petites salles omnisports ouvertes à tous est une exigence sociale pour l’amélioration du cadre de vie. La plupart de nos enfants, habitant dans des quartiers bétonnés, n’ont aucun lieu pour courir sans danger, ou jouer au football sans risquer le choc avec un véhicule. Socialement, le budget du ministère des Sports est plus utile à ce niveau-là. Mais le sport d’élite n’en sortira pas perdant. L’élargissement de la base, le sport de masse, permet de détecter les jeunes doués et de les intégrer aux structures compétitives. Aujourd’hui, nous dépensons beaucoup trop d’argent pour des résultats médiocres, sans assurer le droit des citoyens à la pratique du sport.