Sport et « tajnid »
Il y a beaucoup de concordances entre l’activité sportive et l’activité militaire.
Les deux obéissent à une organisation où il y a un chef et des troupes (des équipes) qui suivent une tactique dont le sérieux et l’application garantissent la réussite… ou l’échec quand les consignes n’ont pas été respectées ou mal préparées et donc mal perçues par les exécutants.
Le soldat et le sportif se doivent d’avoir une condition physique irréprochable et accepter une discipline de vie qui les prépare à aller au combat, que ce soit sur le front ou sur un terrain.
Pour le premier on parle de frontières à défendre, pour le second de terrains … de jeux, mais pour les deux, les mots sont identiques : il y est question d’attaque et de défense.
On y parle de fierté nationale et de porter haut les couleurs du pays. Une défaite en sport, surtout en football, provoque une déception qui parfois déclenche un stress ressenti comme une humiliation par tout le peuple.
En décembre 1979, alors que la guerre du Sahara marocain faisait rage, il y eut le fameux match Maroc-Algérie à Casablanca, dont on connait le score et les circonstances. Le quotidien parisien « Le Monde » résuma la situation en un titre assassin : « Quand le Maroc perd sur le terrain ». Amalgamer un score de foot avec la bataille que livraient les Forces Armées Royales aux mercenaires algériens du Polisario était insultant et outrancier, mais il faut bien en convenir, la littérature sportive permet ces mélanges, ou si vous préférez, ces mariages … incestueux.
Au-delà du vocabulaire, il y a les valeurs. Les notions de patriotisme, de sacrifice, de respect sont sacrées au sein des armées. Or, pourrait-on en dire autant pour le sport ? Cela était possible, et même vrai depuis la fin de la guerre mondiale et jusqu’au début des années quatre-vingt, quand l’argent est devenu l’élément moteur sinon l’élément souverain dans le sport. On l’a dit ici et répété bien souvent, le plus riche venait s’installer et bousculer jusqu’au crédo de l’olympisme. (Citius, Altius, Fortius) Il ne s’agissait plus d’être le plus rapide, le plus fort ou de sauter le plus haut mais de devenir celui qui aurait le plus de moyens financiers pour s’acheter tout et tous.
Si en football, bien contrôlé par la FIFA, on ne peut pas nationaliser qui on veut (sinon le Qatar, par exemple, se payerait la plus forte équipe du monde) en athlétisme et d’autres sports, vous avez tous remarqué ces kényans, ces éthiopiens, ces Ukrainiens qui concourent sous les maillots turcs, portugais, bahreïnis, australiens et israéliens.
Est-ce éthique, est-ce normal ? Oui si l’on prend pour seul critère le fric.
Mais l’argent suffit-il à faire le bonheur ? Non répondent en chœur les sages, les moralistes et les bien-pensants.
Il y a 50 ans, des éditorialistes mettaient en garde contre l’arrivée de l’argent dans le sport. Aujourd’hui, ces hommes, ces idéalistes, quand ils sont encore de ce monde, sont devenus des consultants qui font l’apologie des grands groupes industriels ou financiers impliqués dans le sport.
Et c’est bien triste, et c’est bien dommage.
Un sport qui ne serait régi que par des règles éthiques et de valeurs de saine concurrence et d’émulation bien comprises peut construire une société idéale.
De la discipline, pas de triche, un monde où l’on ne gagne que ce qu’on mérite. La performance reposerait sur les qualités physiques et techniques et non sur le pognon.
En Europe, où le football est devenu «pornographique » à force de fric, selon la formule de Blatter qui savait de quoi il parlait en matière de moyens colossaux et frauduleux, en Europe donc, l’UEFA a essayé de réguler et d’intimider les « nababs » en instaurant le fair-play financier. Une mesure qui s’est révélée être un simple épouvantail. Personne ne peut déployer autant d’arguments que l’argent, ce pouvoir absolu.
Il pervertit la formation, corrompt les résultats, trahit tous les idéaux mais tous s’inclinent devant sa puissance.
On peut le regretter car un « vrai» sport pourrait être aussi positif que le service militaire, ce fameux «tajnid», que l’on veut instaurer pour réapprendre aux jeunes les valeurs d’éducation et de civisme.
Il est dommage d’arriver à reconnaître que le sport s’est perverti, on y cultive l’hooliganisme, le dopage et l’on arrive à faire détester l’adversaire au point d’en siffler l’hymne national et de souhaiter le battre par n’importe quels moyens, même les plus inavouables.
La presse aurait pu avoir un rôle de garde-fou pour protéger le sport et les sportifs. Cependant, faut-il dire qu’elle a été la première à succomber au chant des sirènes et de s’allier aux riches et aux puissants.
Aux jeux de l’argent et du pouvoir, il n’y aura pas de gagnants mais des vaincus humiliés et des vainqueurs honteux.
Et c’est triste. Il restera les yeux pour verser des larmes de crocodile en se souvenant de ceux qui jouaient pour l’amour du maillot et de supporter ce sport qui d’ascenseur social, est devenu fabrique de mercenaires.