Tests Covid-19. Les laboratoires privés gagnent-ils trop d’argent ? La réponse du Conseil de la concurrence
Sur la base d’un avis favorable du Conseil de la concurrence, le gouvernement a plafonné, en septembre dernier, les prix des tests PCR classiques à 400 DH et ceux des tests rapides à 600 DH. Depuis, le Conseil qui suit étroitement la situation de ce secteur, vient de publier son « étude à l’analyse et au suivi de l’évolution de la situation du marché des tests Covid », dont les conclusions ont relevé des marges élevées réalisées par les laboratoires privés malgré le plafonnement des prix par l’Etat.
Sollicité le 31 août dernier par le Ministre de l’Economie, des Finances pour un avis concernant la fixation des prix des tests de dépistage de la Covid-19, le Conseil de la concurrence, s’est déclaré, le 6 septembre 2021, favorable au vu des conditions du marché à une réglementation des prix desdits tests pour une période transitoire ne dépassant pas six mois, conformément aux dispositions relative à la liberté des prix et de la concurrence. C’est ainsi que le gouvernement, sur la base de cet avis du Conseil, a plafonné, quatre jours plus tard, les prix des tests PCR classiques à 400 DH et ceux des tests rapides à 600 DH. A l’époque, les prix pratiqués variaient de 600 à 800 DH selon les laboratoires. Mais, en raison de la persistance des circonstances exceptionnelles dues à la propagation du virus de la Covid-19, ces mesures temporaires ont été prolongées par un Arrêté du ministère de l’Economie et des Finances du 3 mars 2022, prorogeant l’application des mesures temporaires contre les hausses des prix des examens biologiques de dépistage et de diagnostic de l’infection par le virus SARS-CoV-2, pour une période de six mois à compter du 6 mars 2022.
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Depuis, le Conseil de la concurrence présidé par Ahmed Rahhou, s’était réservé, dans son Avis, le droit, une fois les mesures temporaires sont prises par le gouvernement, de suivre étroitement la situation de ce marché, de l’étudier en profondeur, et de proposer des recommandations à même d’améliorer son fonctionnement concurrentiel. Partant, le Conseil a publié le vendredi 27 mai une étude qui se situe dans le prolongement des travaux d’instruction entrepris dans le cadre de l’Avis précité, et qui ont été actualisés dans le cadre des réunions tenues avec les différents intervenants dans le marché des tests Covid-19.
Selon ce rapport, malgré le plafonnement des prix des tests Covid-19 en septembre 2021, les laboratoires privés continuent de réaliser des marges bénéficiaires relativement confortables, allant de 12 DH à 115 DH, tout en considérant les frais liés à la composante du personnel et à l’amortissement des équipements et d’aménagement qui devraient baisser en fonction de l’augmentation du nombre de tests par jour et la réalisation parallèle des autres types de tests de diagnostic par le même laboratoire.
L’étude a également révélé également que les marges varient en fonction de la taille du laboratoire, le nombre de tests réalisés et le choix d’investissement adopté pour chaque laboratoire. Selon les calculs réalisés par les équipes de Rahhou, « les résultats nets annuels des laboratoires privés peuvent varier de plus de 126 952 milles dirhams, si le laboratoire ne réalise que la prestation de PCR conventionnelle, à plus de 1,7 million en cas de réalisation simultanée de tous les types de tests ».
Sur la base de l’audition de certaines sociétés, le Conseil a conclu que les marges réalisées par les laboratoires privés demeurent élevées et largement confortables. Ceci prouve que ces derniers ne subissent pas de pertes suite au plafonnement décidé par le gouvernement.
Et d’ajouter que certains laboratoires privés ont dégagé des marges encore supérieures, en optant pour des réactifs moins chers et des équipements de diagnostic, des fois gratuits, accordés dans le cadre des négociations d’achats avec certains importateurs. « Ce qui a permis à certains laboratoires privés de bénéficier des économies d’échelle », souligne le rapport.
Pour rappel, le Conseil de la Concurrence est arrivé à cette conclusion en examinant scrupuleusement le coût de production des tests. En détails, les instructeurs du Conseil ont constaté que le prix de revient du test PCR conventionnel dépend fortement des coûts de réactifs et consommables à raison de 38% pour un prix minimum de coût de revient, à 61% pour un prix maximum. « La part du prix du réactif à lui seul varie entre 13% pour le cas d’un réactif produit localement, à 37% pour le cas d’un réactif importé », note le rapport. Sur ce point, le Conseil trouve le prix de revient sous-estimé dans la mesure où les charges communes (personnel, amortissement, équipements, charges divers…) ayant été comptabilisées pour chaque type de test, n’ont pas été répartis par type de tests faute de clé de répartition adéquate.
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Ainsi, le Conseil a émis une série de recommandations. L’étude recommande d’atténuer la dépendance du marché national des chaînes d’approvisionnement mondiales. Ceci est d’autant plus nécessaire que le marché national est dominé par les importateurs et les distributeurs qui génèrent plus de 90% de son chiffre d’affaires. A titre d’exemple, le Conseil évoque le marché des réactifs de tests Covid qui, selon l’étude, compte un seul fabricant national avec un produit « 100% marocain », et deux fabricants avec des licences de fabrication d’origine coréenne. Pour renforcer le tissu productif national, le Conseil préconise un cadre législatif de référence pour la mise sur le marché des réactifs « 100% marocains » et de favoriser l’innovation dans l’industrie de tests de diagnostic. Le rapport propose également d’encourager la consommation des réactifs fabriqués localement.
De plus, pour un tissu productif plus solide, le Conseil recommande une amélioration de la gouvernance du secteur des médicaments et des dispositifs médicaux. Raison pour laquelle l’étude plaide pour la mise à jour et l’opérationnalisation de la plateforme de soumission des demandes d’enregistrement. Pour ce faire, la mise en place de l’Agence Nationale du Médicament est indispensable. A noter que selon le Conseil, la contribution des entités privées ne dépasse pas 31% du total des tests effectués depuis le début de la pandémie à la fin de l’année 2021. Pour sa part, le secteur public a réalisé 68% des tests PCR dont 40% ont été assurés par l’Hôpital militaire.