Tourisme : Le grand retour au charter
Le Maroc remet au goût du jour les vols charters qu’il avait enterrés avec l’arrivée des compagnies aériennes low-cost. Objectif : régler la crise que traverse le transport aérien depuis le début de l’année et qui affecte le tourisme national. Certains se posent la question de savoir s’il s’agit de la bonne approche et si les tours opérateurs, principaux concernés, vont adhérer.
Au début de la décennie 2000, l’arrivée des compagnies aériennes low-cost avait fait rêver les professionnels marocains du tourisme. Avec l’ouverture du ciel marocain (open-sky), ces compagnies dites à « bas coût» qui révolutionnent le transport aérien se sont ruées sur les routes aériennes marocaines pour le plus grand bonheur des professionnels du tourisme. Résultat : elles ont fait oublier les vols charters qui transportaient des bataillons de touristes vers le Maroc.
Cependant, depuis le début de l’année, les compagnies low-cost ont revu à la baisse leurs ambitions sur le Maroc en diminuant leurs fréquences sur certaines lignes quant elles ne les suppriment pas. Pire, elles ont multiplié leurs tarifs par trois à quatre sur la destination. Depuis, les professionnels du tourisme, sonnés par la crise qui affecte leur secteur, réclament des mesures pour le transport aérien. Aujourd’hui, le Maroc envisage un retour au charter. Ainsi, des mesures pour le transport aérien, accordant une grande place aux charters, seront dévoilées par la tutelle dans quelques jours. «D’une manière générale, l’évolution des cours du pétrole a conduit les compagnies low cost à reconsidérer leur modèle, revoyant à la baisse leur voilure, quitte à laisser des dizaines d’avions au sol», souligne Hamid Addou, directeur général de l’ONMT. «Notre volonté de revenir au charter s’inscrit dans une stratégie globale de soutien à l’aérien», ajoute-t-il. Il explique que «celle-ci porte également sur une volonté de rééquilibrer le type de desserte de la destination par un démarchage plus poussé des compagnies régulières. Nous avons déjà commencé à enregistrer nos premiers succès en la matière, avec le renforcement de la desserte de Marrakech par British Airways et l’arrivée sur cette destination de compagnies aériennes prestigieuses, comme Air France ou Lufthansa».
L’offre marocaine
Quoiqu’il en soit, la tâche risque de ne pas être facile. Etant donné qu’il y a un risque que les tours opérateurs (TO) n’adhèrent pas au projet. Autrement dit, ce n’est pas gagné qu’ils prennent des engagements aériens. «La logique des TO est purement économique : ils subissent de plein fouet l’action conjuguée d’une révolution de la distribution», fait remarquer Marc Thépot, vice-président de Risma. «Ainsi, ils ne sont pas disposés, aujourd’hui, à prendre des risques financiers majeurs au-delà d’un certain seuil. Et il ne faut pas trop se faire d’illusions sur leur capacité ou leur volonté de soutenir des dessertes qui seraient durablement déficitaires. Ils n’ont, d’ailleurs, pas vocation à subventionner des dessertes nouvelles. Tout sera donc fonction de l’engagement de l’Etat et des efforts de promotion engagés par l’ONMT pour soutenir un engagement de leur part», souligne-t-il.
Les effets des turbulences, tant économiques que politiques, traversés depuis 2008 par le secteur du tourisme et le secteur du transport aérien, ont fondamentalement bouleversé la situation de la distribution du voyage. Avec un consommateur devenu plus maître de l’organisation de son voyage, en particulier avec la forte croissance de l’offre low-cost, et le développement de la distribution sur Internet en «last minute», les TO ont été confrontés à une évolution brutale de leur business model. «Les TO sont capables de s’adapter car ils sont très flexibles. Nous avons toujours travaillé avec le Maroc. Il est évident que les TO négocient pour construire leurs offres. Cette nouvelle approche pour le charter est une bonne chose car le Maroc a intérêt à développer tous les segments. Regardez par exemple Essaouira ! La destination connaît un développement hôtelier sans que l’aérien ne suive», souligne René-Marc Chikli président du CETO (Association de Tour-Opérateurs français). Pour développer le segment charter, le ministère du Tourisme mettra la compagnie aérienne nationale à contribution pour la mise au programme de vols charters sur les marchés de la France, de l’Allemagne et de l’Europe du Nord… « Ce que nous leur proposons avec RAM est un système qui permet d’aborder les problématiques du risque et du prix d’une manière plus flexible. Notre but est de re-mobiliser les réseaux de distribution de ces TO, en leur offrant des prix cohérents, avec une prise de risque plus limitée. La question ne se pose donc pas en termes d’engagements sièges, mais en termes de capacité du TO à mobiliser son réseau », précise Hamid Addou.
Pour l’heure, une chose est sûre : le Maroc peut compter sur les TO qui sont déjà très engagés sur la destination et qui disposent de leurs propres hôtels (FRAM, Marmara…). «Nous espérons qu’ils mobiliseront davantage leurs réseaux pour améliorer l’occupation de leurs hôtels. Le dispositif mis en place en coopération avec RAM s’adresse surtout à des TO très peu engagés sur la destination, et visent le développement de la programmation, et des flux nouveaux », estime Addou.
20 %
L’offre sur le Maroc devrait baisser de 20% en 2012 à cause de la réduction de la voilure des compagnies aériennes low cost.
PAR Adama Sylla