Tramway de Casablanca : 70.000 à 80.000 voyageurs quotidiens
La première ligne du tramway de Casablanca est désormais opérationnelle. Cependant, plusieurs ajustements restent encore à faire avant que le tramway de la capitale économique ne monte en puissance. Le directeur général du délégataire d’exploitation livre à Challenge ses premières impressions.
Challenge. Quel bilan faites-vous des quatre premiers jours d’exploitation ?
Khaled Rahmani. Le bilan est très positif parce que nous avons senti durant ces quatre jours, une réelle montée en puissance du Tramway. Les équipes ont vécu intensément cette expérience avec beaucoup d’enthousiasme, de motivation et de fierté d’avoir fait en sorte que cette rame avance comme convenu le 12-12-2012. Nous circulons depuis quatre jours avec les voyageurs, et n’avons enregistré aucun incident, même mineur.
Des chiffres à avancer ?
Il faut être prudent avec les chiffres parce qu’on est dans une phase de mise en service où le comptage voyageurs n’est pas tout à fait au point. Mais en ordre de grandeurs, on peut parler de 70 à 80.000 voyageurs quotidiennement. N’oublions pas que la mise en service s’est faite un jeudi, soit en fin de semaine. Les gens ont donc eu le temps de découvrir le tram. La direction de Ain Diab a été, pour ces quatre premiers jours, très plébiscitée pour des raisons diverses. Le dimanche, notamment marqué par le derby RCA-WAC, a été une journée exceptionnelle qui s’est passée dans de bonnes conditions grâce à la mobilisation de tous, notamment des forces de l’ordre. On lit, ici et là, près de 255.000 voyageurs. Il faut savoir que ce chiffre correspond à un objectif qui aboutira après l’achèvement des phases successives du projet.
Plusieurs témoignages récoltés de la part d’utilisateurs du tram font ressortir certains dysfonctionnements, comme une longue attente, des stations pas encore totalement opérationnelles,… Que pouvez-vous nous en dire ?
Il est inutile de nier que ce début d’exploitation risque de présenter quelques insuffisances. Nous ne les avons pas ignorées ou pas anticipées. Il est vrai qu’il y a des perturbations dans le réseau. Mais Casablanca est une grande ville très complexe à gérer, qui compte plus de 5 millions d’habitants et donc un nombre important de voyageurs potentiels. Aussi, il faut avouer que le système d’aide à l’exploitation pour réguler et superviser n’est pas complètement au point. Nous sommes en train de le stabiliser. Ceci est en relation avec cette formidable course contre la montre pour garantir la mise en service le 12-12-2012. Tous les jours, nous récoltons les retours sur expérience heure par heure, et notifions tous les dysfonctionnements, qu’ils soient sur le plan de la circulation (trafic), de la communication, de l’information voyageurs ou de la billettique et monétique,… Toutes ces informations sont traitées au fur et à mesure pour mettre en place les solutions. Nous nous sommes engagés à mettre en service le tram avec les moyens dont nous disposons et nous y avons mis toute l’énergie, l’expertise et le savoir- faire du groupe RATP. Je peux vous assurer que nous apprenons de chaque jour qui passe pour déceler ce qui marche de ce qui ne marche pas. Par ailleurs, nous n’avions que cinq mois pour nous approprier les systèmes. Nous avons toujours été clairs dans le sens où pendant quelques mois, nous allons tout faire pour monter en puissance.
Pour les utilisateurs, le plus important est le délai d’attente au niveau de la station, ce qui leur permet de planifier leurs déplacements. Qu’en est-il actuellement ?
Nous n’avons promis aucun délai d’intervalle. Par contre, nous faisons tous les jours des efforts considérables pour essayer de stabiliser le système et garantir aux voyageurs des intervalles très réduits, à savoir entre 10 à 15 minutes en tronc commun et forcément, dans certaines branches, un peu plus. Mais la finalité, ce n’est pas de donner un chiffre, mais plutôt de réduire ces intervalles pour permettre aux voyageurs d’avoir un plan de déplacement quotidien en fonction de leurs impératifs, qui soit plus juste par rapport à ce que l’on peut leur offrir. Aujourd’hui, notre préoccupation première est de permettre aux voyageurs d’avoir un maximum d’informations sur leur temps de parcours ou de déplacements.
La sécurité est tout aussi importante. Quelle politique de prévention avez-vous mis en place?
Depuis le 15 octobre, soit depuis plus de deux mois, nous effectuons la marche à blanc qui consiste en une centaine d’exercices opérationnels sans voyageurs, en testant toutes les configurations, en provoquant même des situations compliquées ou encore des avaries sur le matériel, afin d’acquérir les automatismes et corriger ce qu’il y a à corriger. In fine, il y a une chose sur laquelle le groupe RATP est intransigeant, c’est la sécurité ferroviaire. Pendant plus de deux mois, nous n’avons enregistré que quatre incidents, qui sont pour trois d’entre eux des dommages de tôles causés par des infractions du code de la route. Pour le quatrième accident, où il y a eu dégâts corporels, l’enquête se poursuit. Ce sont toujours quatre accidents de trop, je vous le concède. Mais n’oubliez pas que le tracé du tramway passe par 82 carrefours. Pour donner un exemple illustratif, à Rabat il y a moins de 30 carrefours. Quand on se lève le matin, notre seule préoccupation, c’est que la journée du tramway se termine sans accidents. Nous avions une campagne de communication à l’attention des automobilistes, mais aussi des piétons,… dans la presse écrite, les radios, la télé, les panneaux d’affichage. Tram Expo qui se trouve au niveau de la place Nevada depuis plusieurs semaines, continue son travail de sensibilisation et d’information… et deviendra itinérante sur Casablanca pour se rapprocher des habitants des autres quartiers par lesquels passe le tram.
Sur un autre ordre, le prix du ticket à 6 dirhams permettra-t-il d’assurer une rentabilité sur le long terme ?
C’est une question régalienne qui appartient aux autorités locales. Elles sont les seules habilitées à fixer les tarifs, les faire évoluer. Tout ce que je peux vous dire en tant que délégataire de ce service public, c’est que la gamme tarifaire mise en place est très intéressante. Par ailleurs, on ne peut pas parler de rentabilité financière telle qu’on la conçoit pour d’autres secteurs, quand on parle de service public. Mais il y a une rentabilité socioéconomique dans le sens où cela apporte une richesse et une dynamique sociale. Si la question est de savoir si ce transport public a besoin d’une bonne gestion pour permettre que le modèle économique soit viable, je suis tout à fait d’accord. Et nous sommes responsabilisés là-dessus. Nous avons un véritable contrat, avec des exigences de performances que nous devons réaliser, sinon nous devrons payer des pénalités.
Quid de la maintenance ?
Notre stratégie sur la maintenance du matériel roulant, des équipements et installations est d’une rigueur inouïe. Nous avons déjà mis en place des plans de maintenance depuis quelques mois : de la maintenance curative, préventive, prédictive. Nous avons défini un plan d’action sur les cinq ans d’une façon extrêmement rigoureuse. Car, la maintenance est une activité cruciale et déterminante pour offrir un service à la hauteur des performances attendues. 95% des mainteneurs, sont des forces vives du Maroc. Cela veut dire, que ce sont des gens qui vont s’approprier ce nouveau mode de maintenance pour le porter et le déployer.
SON PARCOURS
Khaled Rahmani : directeur général de Casa tramway, a été promu à ce poste après une longue carrière au sein de la RATP. Né à Oran (Algérie) en 1967, Khaled Rahmani arrive à Paris à l’âge de 23 ans, avec une qualification d’ingénieur civil. Il obtient un Doctorat d’économie des transports avec mention très honorable de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. Il a intégré la RATP en 1998 comme consultant, avant d’être embauché par l’entreprise un an plus tard. Depuis, Khaled Rahmani n’a cessé de gravir les échelons, jusqu’à prendre la responsabilité de l’exploitation de la première ligne de tramway à Casablanca.
SON ACTU
Le lancement du tramway de Casablanca a été sans équivoque un évènement majeur de l’année 2012.