Travail temporaire: les industriels s’arrachent les intérimaires
Les entreprises industrielles recourent de plus en plus à l’intérim, en raison de la crise et de la recherche de fl exibilité. Un recours qui cache en fait quelques dysfonctionnements de ce secteur qui demeure mal encadré, malgré l’existence d’une loi. PAR ABDELALI DARIF ALAOUI
La crise a frappé durement le secteur industriel. L’économie marocaine a perdu 109.000 postes d’emploi. L’industrie, particulièrement, en raison de la baisse des commandes européennes et de la concurrence des importations ne sait plus à quel saint se vouer. Le fleuron des secteurs industriels traditionnels, le textile, qui assurait des emplois massifs a perdu plus de 30% des ses commandes européennes. Les autres secteurs ne sont pas mieux lotis.
Au nom de la flexibilité
Faute de visibilité, les entreprises industrielles recourent depuis le début de la crise par ricochet au Maroc, à de plus en plus aux intérimaires. Ce phénomène se retrouve dans les grands bassins industriels du Maroc comme Tanger, Kénitra, Casablanca et la région de Rabat-Salé.
A Tanger et selon Adil Radi, responsable recrutement d’une agence d’intérim, ce trend haussier du recours à l’intérim est palpable. « Les entreprises de la zone tangéroise recourent régulièrement à l’intérim et nous sommes sollicités par ces entreprises de manière régulière, mais non pointue. Nous avons senti une augmentation de la demande pour l’intérim depuis 2008. Il y a une peur de s’engager de manière permanente avec la main d’oeuvre en contrat à durée indéterminée. Le secteur industriel local, dans son sens le plus large est concerné.
Il y a eu une nette augmentation du recours à l’intérim depuis le début de la crise », souligne Adil Radi. Le même constat est dressé par un autre responsable de recrutement dans une agence d’intérim casablancaise. Sous couvert d’anonymat, il a affirmé qu’effectivement « les entreprises recherchent la flexibilité car elles n’ont pas de visibilité sur le déroulement de leur business. Ce n’est pas une tendance contrastée à Casablanca. C’est même dans la continuité de ce que font certaines multinationales dont le personnel est parfois constitué à raison de 70% par les intérimaires, ce qui est énorme ». Mieux encore, alors que la loi a fixé une durée d’un contrat de travail temporaire à six mois, avec possibilité de renouvellement (contre 18 mois en France), celle-ci est détournée par les entreprises. « L’intérim est censé suppléer à une carence, mais dans la pratique, il y a certains abus. Le seuil fixé par la loi est de six mois. C’est une toute autre réalité. Il existe des pratiques non avouables pour contourner la loi », indique notre source.
Une loi contournée
Le manque de structuration et d’organisation du secteur, la mauvaise loi…sont autant d’abus qui mettent à mal les droits des intérimaires. Les entreprises profitent des flous laissés par la loi pour faire appel massivement aux prolongations et aux renouvellements fréquents de ce type de contrats, afin de garder l’intérimaire le plus longtemps possible en poste. Le nombre d’agences d’intérim oscille entre 1.300 et 1.400 et ce ne ont là que des estimations. Représentant, toujours selon des estimations, un volume de chiffre d’affaires de 5 milliards de DH, l’intérim permet aux agences spécialisées de percevoir une marge légale bénéficiaire qui varie entre 12 et 15%. Seuls 10% des agences d’intérim exercent en totale conformité avec la loi. C’est ce qui pousse d’ailleurs certains à dire que l’intérim n’est en fait qu’une machine à produire le chômage. ■