Un football paradoxal et… cannibal
Bamous, vous vous en rappelez ? Bien sûr, du moins on le souhaite, sinon on va essayer de rafraichir les mémoires à l’intention des plus jeunes ou des amnésiques.
Bamous, Driss Bamous fut un formidable footballeur des F.A.R du temps où le sport roi se jouait en noir et blanc et se vivait principalement à la radio.
Capitaine d’équipe en Coupe du Monde 70, il sera seize ans plus tard, en 1986, chef de la délégation de la génération Faria au 2ème mondial de l’Histoire du foot marocain.
Elégant, racé, Driss Bamous, outre une grande culture, de celle qu’on retrouve chez les officiers militaires, avait une autorité naturelle qui le mènera de capitaine à général, et il finira sa riche carrière, loin de la gestion du football après avoir quitté la FRMF en 1995.
Il serait trop long de revenir sur ce qu’a réalisé et vécu le regretté Driss Bamous qui aujourd’hui, repose en paix au cimetière Chouhada de Rabat, mais on rappellera une idée qui fut suivie d’une lettre à la chaine 2M en 1991.
Alors président de la FRMF, Bamous écrivit aux responsables de la chaine de Aïn Sebaâ pour s’indigner de la programmation des matchs du championnat italien ou européen, le dimanche après-midi, à l’heure où les rencontres du championnat marocain se déroulaient sur les stades nationaux.
« Ce n’est pas normal, avait-il dit dans un style bien à lui, que notre football subisse une concurrence inadmissible. Qui ira voir les matchs de notre « botola » si à la maison, on peut suivre tranquillement, via la télé, des matchs de la Juventus et du Milan AC » ?
A l’époque, la direction de 2M avait moyennement apprécié l’intervention du président Bamous. La chaîne privée obéissant à des impératifs commerciaux (vente de décodeurs et annonces publicitaires) faisait du foot et du cinéma, ses plus puissants produits d’appel et ne voulait pas voir en quoi son match européen du dimanche après midi pouvait porter atteinte au championnat marocain.
C’était il y a près de quarante ans, car depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et des tas d’évènements sont survenus qui ont rendu la situation dénoncée par Bamous, à l’époque, complètement dépassée et obsolète.
La déflagration médiatique du football en ce 21ème siècle, est formidable. Formidable dans le vrai sens du terme car selon les dicos spécialisés, formidable signifie effrayant tout autant qu’extraordinaire.
D’ailleurs, la proposition footballistique sur les écrans domestiques est proprement … effroyable.
Jadis, il suffisait d’un week-end, voire du seul dimanche après-midi pour «liquider» une journée de championnat. On l’attendait le samedi, on la regardait le dimanche, on en parlait le lundi et puis on passait à autre chose.
Aujourd’hui, le foot vous colle au regard, aux oreilles et à la peau tout au long de la semaine. Et avec les chaines satellitaires, les programmes se bousculent pour accéder à votre salon.
Dès le vendredi soir et jusqu’au jeudi d’après, vous en avez pour tous les goûts. Bayern de Munich, Ajax d’Amsterdam, Réal de Madrid, FC Barcelone etc … etc .. en passant par Liverpool, Chelsea et tutti quanti… tous ces clubs prestigieux ne sont plus des friandises qui se dégustaient une ou deux fois par an, à l’occasion des Coupes d’Europe, car ils sont désormais présents chez vous pratiquement toute l’année.
Le samedi à midi, rares sont ceux qui vous parleront du Ittihad de Tanger ou Hassania d’Agadir, tout le monde est déjà branché sur le Paris St Germain, ou Manchester United s’ils sont programmés en cette journée.
Ça continuera le dimanche avec le trop plein sur les écrans prêts d’exploser avec les offres italiennes, anglaises, françaises et espagnoles.
Notre championnat se faufile comme il peut dans cette cohue et notre vaillante SNRT se livre à des miracles de retransmission pour tenter de survivre et faire survivre les matchs de notre «Elite pro».