Un manager formé chez Disney, et expert en hôtellerie
Il a su saisir les opportunités lorsqu’elles se sont présentées. Ce manager d’hôtels se destinait à l’enseignement avant qu’il ne quitte le Maroc pour les Etats-Unis. Il passe plus de 10 années chez Disney, et y occupe maintes fonctions tout en complétant sa formation universitaire. Il change d’entreprise pour préparer son retour au pays en douceur.
«On ne peut entreprendre des études sans assurer le quotidien. Mais l’intendance assurée, nulle excuse pour ne pas veiller à la formation intellectuelle”. Cette citation que n’avait cessé de “rabâcher” mon grand père, qu’il a tenu lui même de son vieux voisin juif du Mzab. C’est que dans la vie, on étudie souvent pour gagner sa vie. Mais parfois, c’est la vie professionnelle qui permet d’étudier et d’allier l’expérience professionnelle à la formation académique, confirmant des compétences acquises sur le tard. Hassan El Bouatmani est de ceux qui ont connu ce genre de cheminement. Il a en effet, su suivre sa bonne étoile pour gagner en expérience, découvrir de nouveaux horizons et gravir les échelons, tout en poursuivant des études qui ont favorisé sa carrière.
Il est né en 1971, à Casablanca. Dernier né des cinq enfants d’un commerçant de la place, le jeune Hassan se retrouve juste quelques mois après sa naissance projeté à Agadir où sa famille avait déménagé. C’est donc dans la capitale du Souss qu’il grandit, et se forme progressivement. “Agadir cumule les avantages de la grande ville et ceux de la modeste petite M’dina. Sa grande étendue et contrairement à la logique admise, n’empêche pas les gens de se connaitre entre eux, presque individuellement. Lorsqu’on se lie d’amitié avec quelqu’un là bas, c’est pour la vie,” explique-t-il. C’est l’époque où Agadir panse encore les plaies du tremblement de terre qui l’avait ravagé, onze années auparavant. Mais la reconstruction de la ville, sous la houlette du Prince Héritier, impulse l’activité économique, en plein boom. Les touristes affluent du monde entier et l’immobilier bat son plein. C’est sans doute cette ferveur touristique qui a motivé le choix de Hassan de se lancer dans l’hôtellerie, une fois arrivé à l’âge adulte.
Mais l’enfant coule des jours heureux dans l’insouciance. Il est scolarisé dans le système de l’école publique, où la qualité de l’enseignement gardait encore son standing. Le goût de la lecture le conduit à se plonger, de longues heures durant, dans les ouvrages spécialisés. Hassan se met également au cyclisme, mais rapidement, se rend compte qu’il n’avait pas le physique approprié pour cette activité. Alors il se tourne vers le surf, sous le regard attentif de sa fratrie : “j’ai six années de différence avec mon frère ainé. Je bénéficiais de l’attention unanime et protectrice de tous mes frères. On ne cessait de me mettre en garde contre toutes sortes d’écueils, tels le tabagisme. On contribuait en quelques sorte à mon éducation. Pour eux, le pire serait que je finisse comme un “beach boy”, ces surfeurs qui passent leurs journées à la plage en espérant qu’un jour, une touriste les emmènera avec elle dans un pays lointain. En fait, ce n’est que bien plus tard que nos rapports familiaux changeront”, analyse-t-il, reconnaissant envers ses frères et sa soeur. A l’école, il passe ses classes normalement, et une fois par mois son père emmène la “smala” rendre visite au grand père, aveugle et resté à Tafraout. Le jeune Hassan grandit dans cet univers protégé dont il semble garder le meilleur souvenir. Après un baccalauréat scientifique obtenu au Lycée Ibn Tachfine, il s’oriente néanmoins vers des études littéraires. Plus précisément, des études de langue anglaise à la faculté d’Agadir.
Le virage tant attendu
“A l’Université, ce sont vos amis qui contribuent à vous faire réussir ou échouer. Lorsque je suis arrivé à la fac, mes amis venaient des régions des alentours, mais avaient des idées précises quant à ce qu’ils voulaient faire. L’idéal était de devenir enseignant d’anglais après une licence, ou professeur d’université après un doctorat. Les choses étaient très claires dans nos têtes”, explique-t-il, avec des accents aigus dans la voix. Notre discussion en anglais était ponctuée par des phrases en arabe et émaillées de quelques mots de français.
Le cursus universitaire connaitra un tournant, lorsqu’un ami de Hassan lui annonce son départ pour les Etats-Unis. Disney organisait alors un programme d’échanges d’une durée d’une année aux USA pour des étudiants marocains triés sur le volet. L’année suivante, Hassan et un ami tenteront l’aventure, conditionnée par la réussite d’un test. Les deux compères passeront l’entretien à Marrakech après une nuit blanche dans le car qui relie Agadir à la ville ocre. Le jeune Hassan doit avoir fait bonne impression, puisque malgré la fatigue et l’habillement rudimentaire, il sera retenu. Il se rappelle de l’interviewer, Rob Higfeld, qui lui parle d’un programme boursier avec Disney. Ce qui enchante le jeune candidat, prêt à tenter l’aventure. Nous sommes en 1991, et Hassan arrive en Floride, en compagnie des 60 étudiants étrangers retenus, issus de 11 nationalités différentes. Par la force des choses et les conditions de l’initiative, les participants sont amenés à faire la promotion de leur pays dans les universités et les lycées du pays d’accueil. “C’était amusant et très enrichissant de parler de son pays et de sa culture avec des jeunes américains qui ne les connaissaient pas. A titre d’exemple, le port de la djellaba était une curiosité qui suscitait leur surprise et éveillait leur intérêt”, se remémore-t-il avec un rire discret. A l’instar de ses camarades américains, il travaille trois jours par semaine et étudie en parallèle, le reste du temps. A l’issue de cette année d’échange, il réalise que les Etats-Unis sont un pays plein d’opportunités et décide d’y rester. Il est retenu par Disney et sera affecté aux relations clients. En fait, cela couvrait un large périmètre, depuis la gestion des réclamations, à la visite du parc pour les clients VIP. Il se forme au protocole dans le comportement avec des célébrités, et dans ce cadre aura à côtoyer la famille royale marocaine. Arrive 1995, quand on lui propose de prendre en charge le département de conscience culturelle qui permet l’acclimatation des stagiaires venus du monde entier. Mais l’aventure ne dure que trois années, quand la représentation diplomatique américaine au Maroc fait pression pour arrêter le programme. C’est que les participants marocains au programme Disney ne revenaient jamais dans leur pays. On propose alors à Hassan des fonctions dans les ressources humaines de Disney. Sa mission consiste alors à recruter des effectifs en Allemagne, en Arabie Saoudite, en Israël et au Royaume-Uni, en plus d’essaimer les universités américaines pour trouver des stagiaires. Il restera à ce poste pendant près de 10 années, au bout desquelles, il devra décider de son destin.
Débuts dans l’hôtellerie
Entre-temps, il avait repris ses études et s’était marié. “Ma femme m’a toujours soutenu et poussé de l’avant. Mais mon autre chance a été que mon entreprise payait mes études à partir du moment où je justifiais que mon savoir acquis m’était utile dans mon travail. D’autres camarades marocains dans la même situation et sans cette manne dont je bénéficiais, se sont retrouvés avec des dettes d’études auprès du gouvernement américain”, temporise-t-il. Le 11 septembre est passé par là. Mais Hassan ne vit pas les débordement xénophobes qui suivirent, tels l’ incendie des temples Sikhs, en raison de leur port de la barbe et du turban. Hassan se réoriente vers l’hôtellerie avec pour objectif de rentrer au Maroc. Il sera affecté au management d’un hôtel sans jamais avoir travaillé dans l’hôtellerie et passe par les différents services et apprends le métier sur le tas. “C’est la beauté de Disney, j’ai fait différents métiers sans jamais changer d’entreprise”, exprime-t-il reconnaissant. Puis on l’affecte à une nouvelle mission: prendre en charge la division de luxe d’un des hôtels les plus prestigieux de la chaîne: le Grand Floridian. Son travail consiste essentiellement à former des agents en mesure de répondre aux besoins et autres désiratas de personnalités diverses, de stars et d’émirs du Golfe. Nouvelle opportunité: Il est requis à la division de l’Admiral Kingdom Lodge, véritable hôtel au milieu d’un zoo. Il reprends du service et continue de se former aux standards de l’hôtellerie de luxe américaine tout en décrochant son MBA. Mais l’aventure prend fin en 2010. “Je me suis retrouvé face à un choix de carrière. Soit je restais à un niveau certes intéressant, soit je changeais d’entreprise pour prendre une dimension internationale”, explique-t-il doctement. Son choix est vite fait, et il rejoint le groupe Hilton qui vient de racheter la chaîne Waldorf Astoria. Il y fait ses débuts comme directeur des services junior et y restera jusqu’à il y a deux mois. Depuis, il a rejoint l’équipe Ketzner pour gérer le Mazagan Beach Resort. “Welcome home”.