Un nouveau plan de sauvetage pour la station balnéaire Mogador
Treize ans après son lancement, la station balnéaire Mogador (située à quelques dizaines de kilomètres au sud de la ville d’Essaouira) est toujours au stade de mirage. En effet, des 9000 lits que l’aménageur développeur devait y réaliser en sept ans, seuls un peu plus de 400 ont effectivement vu le jour au sein de l’unique hôtel qui y a été construit, à savoir l’Hôtel du Golf qui arbore l’enseigne prestigieuse Sofitel Luxury golf & spa. Autant dire que sur le palmarès de l’échec patent des six stations que compte le défunt plan Azur, celle d’Essaouira figure en bonne place (au regard de son taux de réalisation encore plus faible que ceux de Taghazout ou de Saïdia). Et pourtant, personne ne prédisait cela à un projet au tour de table des plus prestigieux et composé du premier groupe hôtelier marocain (RISMA et son actionnaire de référence Accor) aux côtés d’un panel d’institutionnels marocains de premier plan dont RMA Watanya, Axa Assurances Maroc et Saham Assurances.
1 milliard de DH de fonds propres déjà injecté
Mais, est-ce à dire après plusieurs annonces de plans de restructuration restés dans les limbes que le projet est définitivement enterré ou réduit à un avorton de complexe balnéaire? Il semblerait que non et que l’espoir d’un réel sauvetage se profile à l’horizon de cette année 2017. Et cette fois-ci, les actionnaires qui ont déjà injecté près d’un milliard de dirhams de fonds propres dans ce projet sont déterminés à le faire sortir de l’ornière. Aussi, en marge des discussions assez avancées avec les autorités publiques pour revoir la convention d’investissement signée en 2004 et qui prévoyait la création de 18 unités hôtelières, de plusieurs maisons d’hôtes et résidences touristiques ainsi que des espaces de loisirs, d’animation et deux parcours de golf (dont un seul de dix-huit trous est aujourd’hui opérationnel), les créanciers principaux que sont BMCE Bank, Attijariwafa bank et Crédit du Maroc ont consenti une rémission de leurs créances à hauteur d’une centaine de millions de DH dans le cadre d’un accord global comprenant, d’une part, un abandon partiel de leurs engagements initiaux qui totalisaient 970 millions de DH et, d’autre part, un reprofilage de l’encours résiduel (lequel culminait encore à 790 millions de DH à fin 2015). La troisième composante du plan de sauvetage consiste en une recapitalisation de la société en charge de l’aménageur-développement, en l’occurrence SAEMOG (Société d’Aménagement d’Essaouira Mogador), dont le capital est détenu à hauteur de 40% par Risma et 60% par T Capital, un fonds d’investissement touristique géré et promu par CFG Bank et qui regroupe au côté de la banque d’affaires fondée par Adil Douiri (l’ex ministre de tourisme et parrain du Plan Azur) les autres actionnaires institutionnels. Pour l’instant, rien ne filtre sur le montant de l’augmentation de capital ni sur l’identité des actionnaires qui vont y participer, mais l’arrivée d’investisseurs publics ferait, somme toute vraisemblance, partie du package de l’intervention étatique comme cela fut déjà le cas pour les stations de Taghazout et Lixus auxquelles la CDG et le FMDT (Fonds Marocains du Développement Touristique) se sont joints à l’aventure capitalistique, jusqu’alors assez houleuse.
Des pertes de plus de 400 millions de DH
Rappelons tout de même que SAEMOG a déjà englouti en pertes plus de 400 millions de dirhams depuis le lancement des travaux de construction du site en 2008 ; tandis que son principal actif productif à savoir l’Hôtel du Golf de Mogador, inauguré en 2011, n’arrive pas à trouver le chemin de l’équilibre financier avec des fonds propres laminés par les pertes récurrentes (reports à nouveau négatifs de plus de 300 millions de DH pour un capital de 447 millions de DH). C’est dire que toute relance requiert non seulement le redéploiement de la station (en faisant la part plus belle aux segments économique et loisirs et en abandonnant vraisemblablement le projet d’un deuxième golf), mais également une injection massive d’argent frais estimée à plusieurs centaines de millions de dirhams sur la base d’un nouveau business plan bien ficelé. Et c’est à ce dernier à quoi s’attelle depuis des mois la nouvelle équipe dirigeante installée en 2016 sous la direction de Leila Haddaoui (ex directrice d’établissements touristiques au sein du groupe français Pierre & Vacances). « Les questions que vous posez font actuellement l’objet de négociations avec l’État pour étudier les différentes modalités de financement nécessaires à la poursuite de l’investissement dans la station. L’objectif de cette démarche est d’identifier de nouveaux leviers de financement et de structurer l’ensemble des pré-requis nécessaires au bon fonctionnement de la Station et à son développement », Omar Bennani, PDG de SAEMOG.
Il faut dire que la station d’Essaouira qui s’étend sur plus de 400 hectares est, avec celle de Taghazout (à 15 km au nord d’Agadir d’Agadir), l’une des seules adossées à des destinations touristiques déjà établies. Son échec inattendu s’explique principalement par une mauvaise structuration initiale des différentes composantes du projet avec une forte prédominance d’une offre touristique immobilière très haut de gamme dont le lancement a coïncidé, à fortiori, avec la crise financière internationale. En outre, l’insuffisance des dessertes aériennes directes vers Essaouira en provenance des principaux marchés émetteurs de touristes pour le Maroc, malgré l’entrée en lice au cours des dernières années des deux compagnies low-cost Easyjet et Transavia, a longtemps handicapé les objectifs des taux d’occupation visés par les promoteurs. Certains observateurs ne manquent pas de stigmatiser également le manque d’efficience dans l’exécution et l’ordonnancement des investissements, ce qui a poussé les actionnaires à changer de gouvernance en 2014 en retirant le pilotage du projet à CFG (la banque d’affaires qui fut le cerveau du Plan Azur au début des années 2000 pour le compte du ministère du Tourisme et qui a directement investi plus de 160 millions de DH dans la station Mogador à travers T Capital) pour le confier à des équipes indépendantes.