« Un vrai complot » par ( Jamal Berraoui )
Pourquoi est-ce que les Marocains continuent à être nombreux, selon les chiffres à regarder les chaînes nationales après la rupture du jeûne ? Il faudrait une étude menée par des spécialistes, y compris des psychiatres, parce qu’il y a un masochisme collectif là-dedans. Chaque année, on se dit qu’on a touché le fond, mais l’année d’après, on creuse encore. Il n’y a pas un seul programme, une sitcom, qui puisse arracher le moindre sourire. Ni idée, ni vannes, justifiant les génériques très longs, avec souvent les mêmes noms de famille, les fameux ateliers d’écriture. Rien de vulgaire, du très imbécileCette année, en plus, nous avons droit à une ruralisation de la télé. Il n’y en a plus que pour la campagne, l’accent « Arroubi », et ce qui se voudrait un humour « Arroubi ». Cette catastrophe est justifiée par certains professionnels par le manque de temps.
En effet, la plupart des productions ont été réalisées dans un délai très court, certaines continuent à livrer les dernières copies. Dans ce contexte on imagine mal comment les chaînes peuvent contrôler avant diffusion la qualité des productions. Il y a plus de dix ans, la RTM avait refusé de diffuser une sitcom de Noureddine Lakhmari. Elle avait le temps de se retourner et la possibilité de la remplacer. Ce n’est plus le cas. L’argument est pertinent, bien que je sois persuadé qu’il y a un vrai problème d’écriture, surtout pour les sitcoms et que les artistes nationaux sont incapables de produire, avec une qualité adéquate, de quoi occuper les écrans des trois chaînes deux heures par jour, pendant un mois. La sitcom est un format très exigeant qui a ses règles et c’est de la prétention de croire qu’on peut en faire de bons, à pied levé, chaque année et en quantité industrielle. La preuve c’est que seul « Lalla Fatima » avait tenu quelques saisons alors qu’ « Oncle Charlie » est là depuis 15 ans, sans interruption !
Si ce retard a eu lieu, c’est aussi de la responsabilité du ministère de la communication. Nous apprenons que le montant de 236 Millions de dirhams qui constitue la part de la SNRT dans le fonds de soutien à l’audio-visuel, n’a toujours pas été viré au compte de celle-ci alors que le trésor l’a débloqué, il y a des mois. Le motif est terrifiant, le ministre aurait opéré un transfert de crédits au profit d’autres entités. Ce qui signifie que la SNRT ne pourra pas faire face à ses engagements, puisque l’on sait qu’elle ne roule pas sur l’or.
Au-delà des discours, nous sommes devant un désintérêt total face à la déchéance des médias publics, au pire une volonté de l’accélérer. Je le dis d’autant plus aisément que je n’ai jamais été complaisant avec ceux qui les dirigent. Déjà que ce n’était pas brillant, si en plus, on les prive des faibles moyens qui leur sont alloués, alors on ne peut qu’espérer éviter l’écran noir. Je n’ai pas évoqué une seule fois l’indépendance, le contenu etc.… Ces débats n’ont de sens que si les entreprises ont les moyens d’un fonctionnement normal. Je doute fort qu’une SNRT tout à fait indépendante puisse fonctionner sans le sou, dans un marché publicitaire très étroit et concurrencer les centaines de chaînes disponibles pour les foyers citadins marocains.