Une décision courageuse par ( Jamal Berraoui )
« Challenge » avait publié un dossier sur les prix du médicament. Chiffres à l’appui, nous avions conclu qu’ils étaient trop élevés, y compris pour les génériques. Le ministre de la Santé, en professionnel de la médecine, en avait fait un cheval de bataille. Il a résisté au lobbying des industriels et des pharmaciens, y compris au parlement, et a publié une liste de 1120 médicaments, touchés par des baisses allant jusqu’à 70 % en réformant au passage les procédures de fixation des prix au public.
Sans avoir l’habitude de jeter des flous au gouvernement, me situant plutôt dans l’opposition, l’objectivité m’impose de saluer les réalisations. Ce décret en est une, et d’importance.
Dans un pays où dix millions de personnes ne bénéficient d’aucune couverture sociale, selon le rapport du CESE, où une partie de la population est dans la précarité absolue, le prix du médicament est un enjeu social, parce qu’il est un élément principal de l’accès aux soins. Des cancéreux se laissent mourir parce qu’ils ne peuvent assumer un traitement mensuel à deux fois le SMIG. D’autres sont obligés de recourir à la charité publique. Les programmes radiophoniques, faisant l’interface entre les donateurs et les familles sont le reflet de toutes nos insuffisances, de la souffrance humaine face à la maladie même chez des travailleurs dont le petit salaire ne suffit déjà pas à subvenir aux besoins élémentaires de la famille.
L’autre chantier de Louardi, contre lequel les lobbys s’agitent c’est celui des cliniques. Il reprend à son compte l’idée d’ouvrir ce secteur aux investisseurs non issus du corps des médecins. Leurs arguments c’est que cela constituerait une marchandisation de la santé et favoriserait les comportements inéthiques. Ils nous prennent pour des imbéciles, parce que c’est exactement ce qu’ils font subir à leurs patients. A part de rares exceptions, ils considèrent le malade comme un client captif qu’il faut sucer au maximum. Ils n’affichent pas les prix des prestations, se font payer en liquide, réclament du noir aux assurés, en sus des prix conventionnels. Un cahier des charges bien ficelé, un contrôle réel, des sanctions pénales puisqu’il s’agit de dignité, de vies humaines, voilà ce qu’il nous faut. Si Louardi s’y attelle, il ne peut avoir que le soutien de tout démocrate. Les lobbys ne doivent pas infléchir les politiques publiques quand elles vont dans le sens des intérêts de la collectivité.