Blog de Jamal Berraoui

Une démocratie sans élites

Dans l’un de ses discours devant le Parlement, il y a presque dix ans, le Roi avait dit « il n’y a pas de démocratie sans démocrates ». Cette phrase est encore plus actuelle aujourd’hui que l’on voit bien que les corps intermédiaires, les élites ne sont pas au niveau de l’avancée que constitue la nouvelle Constitution. A chaque fois qu’un parti a tenu un congrès, la démocratie de façade a été de mise. A chaque fois, les perdants dénoncent des falsifications électorales dignes des législatives de 1984, où les résultats étaient prêts avant la fin du vote. Le SNESUP c’est le syndicat des professeurs–chercheurs, élite des élites ou supposée telle. Le dernier congrès est une mascarade. Les représentants du PJD constituaient une forte minorité. Ils ont exigé une refonte  des statuts, pour imposer la proportionnelle. Il y a des juristes parmi eux et ils savaient que seul un congrès extraordinaire peut changer les statuts. En face, ils avaient une alliance de gauche et d’extrême gauche, soutenue par « Al Adl Wal Ihsane », faiblement représenté, il est vrai.

Les Islamistes du PJD ont quitté le congrès et se dirigent vers une scission. L’extrême gauche considère que l’USFP n’a pas tenu parole, n’a pas respecté ses engagements et menace de quitter les instances dirigeantes. Est-ce la fin, indigne, d’un syndicat qui a longtemps été un acteur du mouvement démocratique ? Cela constituerait un coup dur pour les tentatives de réforme de l’université. Il faut se poser une question basique : si ces militants «démocrates», souvent dirigeants de parti, leaders d’opinion, n’arrivent pas à respecter les règles démocratiques, alors comment peuvent-ils mobiliser les masses autour de ce même idéal ? La question est d’autant plus importante que ces élites n’assument aucune de leurs responsabilités. Elles se refusent à défendre les libertés individuelles, leur propre mode de vie, quand celui-ci est quotidiennement attaqué par des fatwas, des groupuscules, tolérées par les autorités. Elles acceptent la faillite de l’école publique oubliant que sans elle, l’égalité des chances n’est qu’une chimère. Nos élites sont depuis longtemps dans la logique des solutions individuelles et ne sont plus porteuses d’un véritable projet sociétal. Dans ces conditions, s’étonner ou s’inquiéter de la montée du populisme est une pure hypocrisie. Celui-ci a un discours basé sur des promesses, peu susceptibles d’être tenues, le travestissement des réalités objectives, mais il a le mérite d’exister. Ceux qui devraient le combattre sont, dans le nombrilisme, se refusent à tout combat collectif et sont donc peu crédibles. Si ces attitudes ne changent pas, il n’y a aucune chance que le rapport de forces soit inversé.  

 
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