Une fête encombrante ( Par Jamal Berraoui )
Dans beaucoup de milieux, l’Aïd est controversé, bien que respecté. Les saletés, le sang, les bouchers armés courant dans tous les sens, les feux à nos portes pour brûler les têtes cela dérange. Hassan Abouyoub avait avancé une théorie intéressante : si on s’abstenait pendant quelques années, le cheptel permettrait une forte baisse du prix de la viande. Mais est-ce vraiment une bonne chose ? Les petits éleveurs gagnent difficilement leur vie. Faire pression sur les prix, ce n’est pas leur rendre service.
Il faut savoir que la fête du mouton c’est l’occasion d’un transfert de plusieurs milliards de dirhams des villes vers les campagnes. En profitent aussi les transporteurs et les inévitables intermédiaires, les fameux « chanaka ». C’est un rendez-vous très important pour les petits éleveurs qui, durant l’année, sont dans un rapport de force de favorable face aux chevillards. Ils préfèrent attendre la grande demande de l’Aïd pour obtenir de meilleurs prix. C’est une donnée très importante.
Les nuisances peuvent être évitées par l’éducation. Une bonne initiative a été prise, à savoir l’ouverture des abattoirs aux particuliers, cela s’est fait à Casablanca. On pourrait généraliser l’expérience à l’ensemble du Maroc, ce qui permettrait, à terme, de limiter les boucheries au sein d’appartements exigus.
On peut aussi envisager l’interdiction des feux sauvages. Cela offre l’accession d’un petit revenu aux adolescents, mais cela comporte des risques pour l’environnement, des arbres sont saccagés en nombre le jour de l’Aïd.
Par contre, il est inacceptable, même du point de vue de l’Islam, que les gens vendent leur mobilier, s’endettent pour acquérir un mouton. Et ce sont eux qui achètent les plus chers. C’est aux religieux d’entamer le nécessaire travail de sensibilisation à ce sujet.
Parce que l’extrême majorité des familles marocaines maintient cette tradition, il faut ouvrir le débat autour des moyens susceptibles de limiter les nuisances. La solution idéale c’est le recours aux abattoirs, de manière forcée, là où ils existent. Pour le moment ils ne suffisent pas et donc une telle disposition ne peut concerner qu’une minorité.
Bonne fête, tout de même et attention au cholestérol.