Une génération malmenée par ( Jamal Berraoui )
Ceux qui ont actuellement entre 20 et 26 ans ont été élevés par des gens de ma génération. Leur coût est démultiplié par rapport à ce que nos parents ont déboursé pour nous. Nos études étaient gratuites, à l’université nous avions une bourse dont le montant est resté le même, pendant quarante ans, les perspectives d’emploi étaient réelles, jusqu’au milieu des années 80.
Aujourd’hui, tout couple marocain, même les familles les moins nanties, croient qu’il faut recourir à l’enseignement privé pour donner les meilleures chances à sa progéniture. Cela retarde l’acquisition d’un logement, élimine la possibilité de voyages, réduit la consommation. Les effets économiques de l’échec de l’école, devraient prendre en considération cet aspect-là. Si, une partie des marocains ne réservaient pas le tiers ou plus de leurs revenus à la scolarisation de leurs enfants, cet argent tirerait l’économie vers le haut. D’autant plus que l’enseignement privé, grâce à son lobbying, a pendant des décennies échappé à l’impôt. Aujourd’hui, nous sommes face à un vrai scandale. Les lauréats des écoles privées supérieures, avec leur master ronflant, sont aussi confrontés au chômage, sinon plus. Les grands comptes du recrutement, les banques par exemple, n’acceptent plus ces lauréats-là.
Il y a bien évidemment le déséquilibre entre les possibilités du marché de l’emploi et le nombre de diplômés toujours croissant, qui est une donnée objective. Par la plus grande des imbécillités, on a éliminé la sélection avant le bac. Mais, on l’a installée à l’entrée des écoles, de la médecine, de la pharmacie. Si vous ne voulez pas que votre enfant s’inscrive dans une filière où ils seront cinq mille en première année à la fac, vous êtes obligés de lui payer ses études universitaires, dès lors qu’il n’a pas 17 de moyenne au baccalauréat.
C’est une véritable tragédie pour un père que de payer pendant 5 ans des études à sa fille ou son fils, au minimum 50.000 dhs par an et de le voir déprimer parce qu’il ne trouve pas d’emploi. Certains sont diplômés depuis 4 ans et n’ont pas eu accès au monde du travail. Ces parents ont passé leur vie à tenter de suppléer les insuffisances de l’Etat. En majorité salariés, ils sont saignés par le fisc, sans bénéficier du moindre service public. Leur patience est à bout, parce que cela ne suffit pas à donner des chances à leurs enfants. Ces
classes moyennes sont beaucoup plus à craindre que les autres couches sociales. Elle se révolteront et elles sauront y faire.