Une vraie bataille ( par Jamal Berraoui )
Il faut réellement s’inquiéter, les Marocains n’accordent plus aucun intérêt à la vie politique. Toutes les discussions tournent autour de la situation en Egypte. Les négociations entre Benkirane et Mezouar sont à l’origine de quelques blagues, sans plus. Pourtant une bataille majeure fait rage au sein du Parlement.
Dans le cadre de l’application, qui prévoit le renforcement du rôle de la représentation nationale, en particulier en facilitant la constitution de commissions d’enquête, les parlementaires étudient une proposition de loi organique, à l’initiative du PJD.
Le gouvernement a eu plusieurs positions très différentes. Choubani, Ministre chargé des relations avec le Parlement, a d’abord annoncé qu’il soutiendrait la proposition de loi. Puis quand le Secrétariat Général du gouvernement a présenté sa propre copie, après avoir boudé, il est revenu devant les élus pour expliquer que c’est le Président de la première chambre qui est à l’initiative de l’arrêt de l’étude de la proposition parlementaire, avant de dévoiler la vérité. Le gouvernement considère que les lois organiques sont, exclusivement, de son ressort. Ce n’est prévu nulle part dans le texte de la constitution.
Les parlementaires ont adopté à l’unanimité leur proposition de loi en commission. Ils promettent de faire barrage au projet du gouvernement. C’est une vraie bataille constitutionnelle. Abdelilah Benkirane aura beaucoup de mal à dégager une majorité pour faire honneur au Secrétariat Général. Les parlementaires considèrent, à juste titre, qu’il s’agit là d’une atteinte aux droits de l’assemblée, tels que consacrés par la constitution, d’autant plus que les commissions d’enquête font partie du travail normal d’un parlement et qu’il était judicieux dans le cadre d’une « application démocratique » de laisser l’initiative législative à la représentation nationale. Ce point de vue était partagé par l’exécutif, avant de faire un virage à 180 degrés et de se plier au diktat du Secrétariat Général.
Au même moment, l’opposition avec le RNI et l’Istiqlal, refuse d’assister à l’oral mensuel de Benkirane, sous prétexte que celui-ci ne respecte pas le Parlement. C’est un vrai débat sur le rôle de contrôle de l’action publique par les élus, sur fond de crise en plus.
Cela ne suscite aucun intérêt réel des citoyens, ni même des médias. Il y a un problème et il est sérieux. Comment avons nous réussi en 18 mois à démobiliser l’opinion publique ? C’est la question que devrait se poser la classe politique qui se disqualifie totalement par son attitude de fossoyeur de la construction démocratique.