Victoire de l’eurocentrisme fiscal
Suite à la décision unilatérale de l’Union européenne (UE), le Maroc ne figure plus dans sa « liste grise » des paradis fiscaux. Devrait-on vraiment être heureux et fanfaronner ?
L’UE n’est pas une organisation internationale telle que l’ONU où les États sont juridiquement égaux et prennent des décisions de manière multilatérale et souveraine. Auparavant, l’UE et les institutions financières internationales (IFI) prônaient le libre-échange et la création de conditions attractives des capitaux. C’est ce qu’a fait le Maroc en créant des zones offshores. Et bien non, cela a commencé à déranger le Nord et à présenter des risques de « concurrence fiscale dommageable », c’est-à-dire de perturbation de rapports de force traditionnellement assis sur la domination des anciennes puissances coloniales qui ont, entre temps, élaboré de nouveaux mécanismes de domination indirecte pour pouvoir conserver leurs privilèges d’antan.
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Ainsi, l’UE, bien que ne représentant plus le centre du monde, continue à décider pour le reste du monde en établissant unilatéralement des listes grises, vertes ou noires. En fait, la dimension fiscale n’est qu’un aspect parmi tant d’autres de l’ancienne hégémonie de l’UE, en perte de vitesse par rapport à l’émergence de nouvelles puissances économiques, notamment les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), et aujourd’hui, en particulier la Chine vis-à-vis de laquelle il n’est plus possible de mener de nouvelles guerres de l’opium. La décision du 22 février de l’UE qui a retiré le Maroc de l’Annexe II, intitulée « Liste des juridictions en attente de l’évaluation par l’UE de leurs engagements en matière fiscale », dite aussi « liste grise », est un acte unilatéral traduisant tout au moins un « eurocentrisme fiscal » prétendant définir la « bonne gouvernance fiscale », selon des normes non pas « internationales », que seul une organisation multilatérale peut prétendre définir, mais par l’UE, c’est-à-dire un bloc d’États œuvrant pour sauvegarder sa position de puissance au niveau mondial.
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Devrait-on simplement rappeler que l’essentiel des paradis fiscaux dans le monde se situe au cœur de l’Europe (Luxembourg, Liechtenstein, Suisse, Irlande, City de Londres…) ? Devrait-on signaler aussi que l’Espagne, membre de l’UE, vient de créer une 8ème zone franche au Sud, juste en face de Tanger Med ; un acte similaire pour lequel le Maroc s’est retrouvé « puni » et classé dans la « liste grise » ? Ou bien devrait-on tout simplement rappeler l’application du principe : « Ce qui est permis pour moi, ne l’est pas pour les autres » ?