Ynna Holding sort l’artillerie lourde
C’est l’un des mastodontes de l’économie marocaine. Le groupe Chaâbi, bien ancré dans presque tous les secteurs vitaux de l’économie nationale depuis sa création en 1948, est à une période charnière de son développement.
En effet, cela fait maintenant un peu plus d’un an que son légendaire fondateur, feu Miloud Chaâbi n’est plus. Pierre angulaire de toute l’organisation du groupe Ynna Holding, sa disparition, le 16 avril 2016, a non seulement été un choc mais plutôt un séisme au sein du groupe, comme nous l’a récemment confié un haut cadre de Ynna Holding. Miloud Chaâbi, le self made man, est parti de rien et a réussi à bâtir un empire financier pesant de tout son poids. Ynna Holding aujourd’hui compte plus de 20.000 employés, faisant du groupe fondé par le « berger d’Essaouira », l’un des plus gros employeurs du Maroc. Normal que tous les yeux soient rivés sur L’Haj. Mais, jusqu’où pouvait-il aller dans son aventure ? Il faut dire qu’au fil des années, le groupe a opéré une véritable diversification qui lui a permis d’être aujourd’hui un acteur majeur dans plusieurs secteurs comme l’immobilier, les BTP, l’hôtellerie, la grande distribution, la chimie/pétrochimie, la céramique, l’industrie et bien d’autres. Au total, Ynna Holding est présent dans au moins 16 secteurs. Un opérateur de taille qui concentre donc beaucoup d’attention de la part des observateurs de la sphère économique nationale.
Tanger, Settat, Marrakech, Agadir, Rabat, Casablanca et dans les régions du sud, le groupe étend ses tentacules et s’attaque à de nombreux secteurs dont le ciment avec son usine Ynna Asment (production de ciment et de clinker), dans les énergies renouvelables avec Ynna Bio Power (production d’énergie renouvelable de 70 MW) ou encore dans la fabrication de bobines d’acier plat galvanisées et pré-laquées avec Ynna Steel. En 2006, Ynna Holding, investit 5 milliards de DH dans huit projets (des complexes immobiliers et résidentiels, une unité de fabrication de sucre, une marina, des hôtels, un palace, un appart hôtel, des villas-riads, un hypermarché), confirmant sa vocation d’investisseur national de premier plan. Sur la même lancée, feu Miloud Chaâbi opère la première introduction en Bourse de l’une des entités de son groupe en 2007 avec la SNEP. Mais, les ambitions du puissant homme d’affaires, dont la fortune est estimée à 1,5 milliard de dollars dans le classement Forbes en 2015, vont bien au-delà des frontières marocaines. Ainsi, le groupe se lance à l’international dès les années 70. Libye, Sénégal, Tunisie, Mali, Côte d’Ivoire, Mauritanie, ou encore Egypte, il va sans dire que feu Miloud Chaâbi a misé gros sur le continent africain. Surtout dans l’immobilier. En Egypte, le groupe s’est lancé, en 2007, dans un gigantesque projet immobilier de construction d’une nouvelle ville dans la vallée du Nil. Il y fabrique également des batteries électriques. Le groupe investit 50 millions de DH en Côte d’Ivoire, en 1997, dans une usine de fabrication de tubes en PVC. Au Sénégal, au Gabon et au Mali, le groupe est surtout présent dans les BTP et le tourisme. Soulignons que Ynna Holding est l’un des tous premiers groupes marocains à s’engager sur le continent africain.
À la croisée des chemins
Toutefois, il y a lieu de préciser que tout n’a pas été rose pour le groupe Chaâbi en Afrique, puisque certains de ses business ont tourné court, comme en Guinée Equatoriale. Aujourd’hui, plusieurs sources affirment d’ailleurs qu’en dehors des opérations d’exportation réalisées par certaines de ses filiales via des partenariats commerciaux en Afrique de l’Ouest notamment, Ynna Holding n’a plus de business en Afrique subsaharienne.
Aujourd’hui, Ynna Holding, qui enregistre en moyenne un chiffre d’affaires de 10 milliards de DH annuellement, est à la croisée des chemins. Le décès de son emblématique fondateur en avril 2016 à l’âge de 86 ans a été un choc. Quid de la succession ? Le groupe va-t-il imploser ? Autant de questions que se sont posées de nombreux observateurs qui redoutent un conflit entre les héritiers à la tête du groupe familial. Tout le marché s’interroge sur l’avenir de Ynna Holding. Mais, le groupe comme à son habitude, a trouvé une meilleure réponse pour rassurer ses partenaires et le marché. «Nous avons annoncé il y a quelques mois de nouveaux investissements, et bien d’autres investissements sont en cours d’étude. Nous sommes un groupe 100% marocain qui va continuer à se diversifier et à innover pour maintenir son élan de croissance», confie Mama Tajmouati, la veuve de Miloud Chaâbi et nouvelle présidente-directrice générale (PDG) du groupe. En effet, Ynna Holding a amorcé depuis quelques mois une nouvelle phase d’investissement. Et, l’agenda du groupe est bien chargé. Outre les deux unités hôtelières à Casablanca (Grand Mogador Casablanca et Mogador Marina Casablanca), le groupe a ouvert à Essaouira son deuxième hypermarché Aswak Assalam le 25 mai dernier, portant à 13 le nombre total de ses magasins et confortant ainsi son positionnement dans la grande distribution. L’enseigne compte aujourd’hui 1700 employés et est présente dans 10 villes. Dans le secteur de la céramique, Super Cérame met le turbo avec la construction d’une nouvelle usine dans les prochaines années avec un investissement de l’ordre de 300 millions de DH et devrait lui permettre de porter sa production à 140.000 m² par jour au lieu de 120.000 m² actuellement. Cette année, cette filiale prévoit aussi d’investir au moins 80 millions de DH dans la R&D et aussi dans la réalisation de nouveaux showrooms. La filiale GPC (Gharb Papier & Carton) devrait se doter d’une nouvelle unité de production d’une capacité de 60.000 tonnes étalée sur 5 ha dans la plateforme industrielle Atlantic Free Zone (AFZ) à Kénitra. A travers ces nouveaux investissements, le groupe veut montrer qu’il est déterminé à accélérer la vitesse de son développement pour aller encore plus loin, même si l’après Miloud Chaâbi reste un défi de taille, car le businessman était unique en son genre.