Zakaria Fahim : « La transmission des entreprises est un métier »
Dans cette intervies, Zakaria Fahim, expert comptable, spécialiste de l’accompagnement des entreprises familiales, Managing Partner BDO présente les tenants et aboutissants de la transmission des entreprises.
Challenge : Que peut apporter la nouvelle Charte d’Investissement pour améliorer la transmission d’entreprise au Maroc?
Zakaria Fahim : La nouvelle charte doit intégrer les leviers pour dépasser les obstacles qui s’opposent à la transmission d’entreprise au Maroc :
• Des mesures fiscales insuffisantes.
• Absence de cadre juridique régissant les opérations de transmission au Maroc.
• Absence d’accompagnement du fondateur: crainte d’ouverture de capital pour financer le projet de transmission.
• Absence de financement alternatif de type crowdfunding et business angels. Par ailleurs, le taux de financement de la transmission est similaire au taux de crédit personnel et non pas au taux d’un crédit d’investissement.
En effet, l’absence d’un cadre, notamment fiscal spécifique, décourage souvent les chefs d’entreprises et bloque les opérations de transmission dans le sens large du terme. A l’heure actuelle, aucun avantage fiscal n’est mis en place pour encourager la transmission des entreprises en dehors du cadre familial.
Le Maroc travaille sur une stratégie pluriannuelle d’amélioration du climat des affaires 2020-2025 afin de fluidifier l’opération de transmission des entreprises familiales et motiver davantage le fondateur à préparer sa succession en faisant appel à des experts. La transmission est un métier et le chef d’entreprise n’est pas le mieux placé pour le faire.
Comme disait un grand coach à une brochette de patrons, s’il y a une personne que vous ne voyez pas dans cette salle : c’est Vous-mêmes ».
Le Maroc doit avoir une stratégie complète et ambitieuse cette année pour accompagner la place qu’il veut prendre pour être le Hub Africa.
Notre objectif affiché : intégrer le top 50 des meilleures économies dans le monde en matière de qualité du climat des affaires à l’horizon 2021 nécessite de développer des synergies et de travailler en team.
L’accent sera mis sur la promotion des meilleures pratiques internationales dans le monde de l’entreprise, telles que la simplification et numérisation des procédures administratives, la modernisation des cadres juridiques et législatifs de l’entreprise, la généralisation du guichet unique ainsi que l’amélioration des prestations en leur faveur.
Dans le détail, le comité devra assurer le suivi de la mise en application de la réforme du livre V du Code de commerce relatif au redressement des entreprises en difficulté par l’adoption des textes d’application se rapportant aux syndics et à la numérisation des procédures administratives.
Il s’agit également de généraliser la dématérialisation des prestations liées au transfert de la propriété, ainsi que des documents et procédures en matière de commerce extérieur, en plus de l’adoption et la mise en œuvre du projet de création des entreprises par voie électronique, ainsi que la digitalisation des services communaux. Cette démarche encouragera de plus en plus les repreneurs à esquiver les difficultés en matière de paperasserie et les poussera à se focaliser sur l’aspect empirique du projet de transmission.
L’année 2019 connaîtra aussi la mise en œuvre de la réforme des Centres régionaux d’investissements (CRI).
Par conséquent, la nouvelle charte de l’investissement, qui sera annoncée bientôt, constituera un cadre juridique incitatif à l’investissement par le biais de mesures simplifiées destinées à améliorer l’environnement des entreprises, à renforcer l’attractivité et la compétitivité du Royaume et à accompagner les stratégies sectorielles.
Tout cela pour dire, que nous devons agir ici et maintenant pour le Soldat « Entreprise familiale», clé du succès de toutes les politiques socio-économiques du pays.
Challenge : Faut-il améliorer les outils de financement (crédit LBO, garantie de prise de participation…) pour fluidifier la transmission/revente d’entreprise?
Si du côté du cédant, c’est surtout l’abandon d’une structure à laquelle on s’est attaché toute la vie qui fait obstacle, du côté de l’acquéreur, le financement de la transmission constitue le souci majeur. 50% des cédants ont déjà été approchés pour le rachat de leur entreprise, mais le coût de financement est souvent prohibitif.
Le repreneur ne dispose pas toujours des fonds nécessaires pour réaliser la transaction et il est souvent amené à procéder à une acquisition par emprunt.
Le taux de financement doit être assimilé au taux d’un crédit d’investissement et non à celui d’un crédit personnel » En dépit de la multiplicité des sources de financement, le Maroc avance plusieurs pistes d’amélioration de l’écosystème du financement des transmissions.
Il est important d’accélérer la mise sur orbite des financements alternatifs du type Business Angels et crowdfunding, capables d’être plus rapides et plus adaptés dans certains cas.
Par ailleurs, en raison du caractère jugé lacunaire et insuffisant des statistiques sur le financement de la reprise, il plaide notamment pour la mise en place d’un tableau de bord complet permettant le suivi de l’ensemble des financements consacrés aux transmissions qui permettrait de mieux percevoir les conditions d’accès aux financements par catégorie et taille d’entreprises, par secteur et par type de repreneurs. Parmi les points à mettre en lumière, ce sont les lignes de financement dédiées à la transmission de la CCG.
Afin de mieux évaluer et valoriser l’entreprise à céder, il est essentiel que les cédants s’entourent de spécialistes en matière de financement de reprise et en matière de conseil fiscal.
Ensuite, concernant le prix de cession effectif, le rapport recommande d’éviter un poids trop important du service de la dette par rapport à la rentabilité de l’entreprise. L’équilibre du projet passe alors par un apport personnel plus conséquent ou un prix de cession plus faible.
Malheureusement, les banques indiquent rencontrer régulièrement des cas avec des remontées de dividendes nécessaires au remboursement de la dette senior venant trop fortement impacter la structure cible et ainsi réduire ses moyens financiers.
Il est recommandé à tous les repreneurs d’être accompagnés par un ou des spécialiste(s) possédant une expertise en matière de transmission : expert-comptable, réseau d’accompagnement ou cabinet spécialisé. La préparation du financement prend du temps et, entre le moment où le repreneur voit son banquier et le moment où le décaissement des fonds a lieu, il peut s’écouler plusieurs mois. Le temps de préparation et de montage d’un dossier de financement, notamment lorsqu’il comporte plusieurs acteurs (Co-financeurs, apporteurs de garantie…), ne doit pas être sous-estimé par le repreneur.