Interview

Abdellah Mouttaqi : «30 permis de recherche sont actuellement dédiés exclusivement à l’exploration gazière»

Les sociétés internationales spécialisées en prospection pétrolière et gazière sont optimistes et confiantes :  la géologie du sol marocain est riche en gaz naturel. Cet espoir a grandi récemment, avec la mise en production de la découverte de Sound Energy, la plus importante jamais réalisée au Maroc, qui sera effective prochainement. Où en est le Maroc dans la prospection gazière ? Pour y voir plus clair, Challenge est allé à la rencontre d’Abdellah Mouttaqi, Secrétaire Général de l’Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM).

Challenge : Le Maroc est-il aujourd’hui attractif aux yeux des sociétés internationales spécialisées en prospection gazière ?   

Abdellah Mouttaqi  : Il convient de rappeler que les sociétés pétrolières attirées par le potentiel pétrolier du Maroc sont intéressées par les hydrocarbures de manière générale, sans distinction pour le gaz ou le pétrole ; c’est au fur et à mesure de l’avancement et le développement des travaux d’exploration et d’évaluation, que la nature du ou des systèmes pétroliers fonctionnant dans un bassin sédimentaire donné est précisée, permettant ainsi de savoir s’il est favorable à la genèse et à l’accumulation de gaz ou de pétrole. Afin d’assurer une attractivité permanente du Maroc pour l’investissement dans le secteur hydrocarbures, le Royaume a mis en place un cadre très incitatif.

Les contrats pétroliers que propose le Maroc offrent plusieurs avantages aux sociétés pétrolières, notamment : une part de l’Etat de 25% maximum, une exonération de 10 ans de l’impôt sur les sociétés et des taux attractifs pour le droit de concession et le loyer superficiaire, ainsi que plusieurs exonérations fiscales (TVA, taxe professionnelle…). Ces avantages attirent continuellement les sociétés pétrolières internationales.

En parallèle, la géologie pétrolière de notre pays offre des opportunités d’exploration diversifiées dans plusieurs types de bassins. Les études d’évaluation géologiques et géophysiques effectuées au cours des dernières décennies, ont permis d’identifier un large éventail de plays concepts en onshore et en offshore, dont certains ont été prouvés par des forages, même s’ils sont limités en nombre. En outre, l’ONHYM continue d’entreprendre des investissements stratégiques dans l’acquisition et l’analyse de nouvelles données en amont du cycle d’exploration, afin d’améliorer la connaissance de la prospectivité des bassins sédimentaires marocains, d’ouvrir de nouvelles zones pour l’exploration et accroître l’attractivité du pays pour les investissements.

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Challenge : Quel est aujourd’hui le potentiel d’opportunités d’exploration gazière du Maroc ?

Le Maroc dispose de plusieurs bassins sédimentaires en onshore et en offshore dont la géologie a permis la genèse de différents systèmes pétroliers qui pourraient être potentiellement favorables à l’accumulation de gisements gaziers. Ainsi, pour les zones en développement et production, nous avons : 

-Bassin du Gharb

Les efforts déployés par l’ONHYM et ses partenaires en exploration gazière, ont été couronnés par la découverte de gisements productifs de gaz dans le bassin du Gharb, qui bien que de petite taille, sont économiquement intéressants et rentables grâce à l’existence, sur place, d’un réseau de gazoducs important, ainsi que la proximité de plusieurs industries dans la Province de Kénitra. Les gisements de gaz découverts dans l’onshore du bassin du Gharb, sont systématiquement mis en production et connectés au réseau de pipeline existant et aux stations de séparation. Le gaz produit alimente nos huit clients habituels dans la zone industrielle de la région de Kénitra : la CMCP, Super Cérame, GPC, EXTRALAIT, SETEXAM, PSA, CITIC et OMNIUM PLASTIC.

-Zone de Tendrara

Suite à des travaux d’acquisition, de traitement et d’interprétation de données sismiques 3D, notre partenaire Sound Energy a réalisé dans cette zone entre 2016 et 2018, des puits d’exploration dont deux ont confirmé la présence de gaz naturel. Suite à ces résultats encourageants, une concession dite ‘’Tendrara Concession’’ a été attribuée à Sound Energy en août 2018 pour le développement du gisement. La mise en production de cette découverte sera effective avec la mise en place d’un projet de micro LNG. Un autre accord signé tout récemment avec l’ONEE, permettra de livrer du gaz à l’opérateur national via le gazoduc Gaz Maghreb-Europe (GME) après la construction d’une bretelle de 120 km.

-Bassin d’Essaouira 

Le gaz produit dans ce bassin est acheminé vers le centre minier de l’OCP à Youssoufia, pour les besoins énergétiques des unités de séchage et de calcination des phosphates. Le condensat est vendu à l’ONEE. A cela, s’ajoutent les zones pour l’exploration. Il s’agit des zones qui pourraient disposer d’un potentiel en gaz, et qui sont encore dans la phase d’exploration. Dans la partie offshore du bassin du Gharb, la société Chariot est en phase de démarrer un forage d’exploration et d’appréciation au niveau du permis de Lixus Offshore, ce qui permettrait de renforcer le potentiel gazier du Gharb en offshore. 

Sound Energy détient en plus de la concession de Tendrara, des zones à potentiel pour le gaz dans le cadre d’accords pétroliers sur le Grand Tendrara et Anoual ; ces deux zones sont adjacentes à la concession de Tendrara, et font l’objet de travaux d’évaluation. Sound Energy opère aussi dans le bassin d’Essaouira dans le cadre de l’accord pétrolier Sidi Mokhtar onshore.

Une autre zone mérite d’être mentionnée et au potentiel gazier qui reste à confirmer par la réalisation de travaux de forages, il s’agit du bassin de Guercif, où notre partenaire Predator mène des travaux d’exploration et d’évaluation poussés, avec un forage prévu en 2022. La zone de Haha au sud du bassin d’Essaouira, est également concernée par des travaux d’évaluation et d’exploration gazière, en cours de réalisation par notre partenaire PEL, et qui pourraient aboutir à des résultats.

Enfin, plusieurs autres bassins sédimentaires sont connus pour leur potentiel gazier révélé par d’anciens forages et des indices, il s’agit essentiellement des bassins de Zag, Boudenib, Missour, et qui sont tous en phase d’exploration et d’évaluation par les moyens propres de l’ONHYM. Le message le plus important à retenir est que l’exploration des hydrocarbures au Maroc, et plus particulièrement celle du gaz naturel, confirme que là où l’effort de l’exploration est continu et maintenu, les chances de réaliser des découvertes commerciales s’avèrent possibles.

Challenge : Quid aujourd’hui du nombre de permis de recherche et de concessions d’exploitation attribués à des sociétés internationales spécialisées en prospection gazière ?

A fin novembre 2021, 13 sociétés opèrent en partenariat avec l’ONHYM pour la recherche des hydrocarbures (pétroles et gaz) sur une superficie totale de 216 974,62 km² répartie en 27 permis onshore, 26 permis offshore, 1 autorisation de reconnaissance onshore, 1 autorisation de reconnaissance offshore et 8 concessions d’exploitation. Le portefeuille du partenariat hydrocarbures a connu une nouvelle entrée à fin novembre avec la signature d’un contrat de reconnaissance avec la société RATIO PETROLEUM. Parmi ces permis de recherche, 30 sont dédiés exclusivement à l’exploration gazière, dont 2 en offshore.

Challenge : Combien de puits d’exploration de gaz ont été forés dans le Royaume ? Pourquoi le grand bassin de Tendrara reste le plus médiatisé parmi ceux-ci ?

Actuellement, un total de 365 puits a été foré dans l’ensemble des bassins sédimentaires marocains pour les hydrocarbures (pétrole et gaz), ce qui représente une densité très faible de 0,04 puits pour 100 Km² seulement, contre une moyenne mondiale de 10 puits pour 100 Km². Depuis 2015, un total de 40 puits a été foré pour la prospection gazière, dont la majeure partie par SDX dans le bassin du Gharb.

La découverte de Tendrara représente en quelque sorte l’actualité du moment, puisqu’il s’agit d’une « nouvelle » découverte à coté de celles du Gharb et d’Essaouira. En outre, parmi les autres raisons qui renforcent l’importance du bassin de Tendrara, est sa position à proximité du GME et la présence d’autres zones prospectives qui sont toujours en phase d’exploration. Il faut souligner cependant, que la prospectivité de ces zones ne peut être confirmée que par un programme consistant de forages nécessitant des investissements importants.

Challenge : L’exploitation commerciale grand bassin de Tendrara est prévue pour 2022, une des grandes annonces du secteur. Peut-on s’attendre à d’autres annonces du genre dans le court-terme ?

Il faut tout d’abord rappeler que d’importants travaux d’infrastructures sont à réaliser au préalable avant le démarrage de l’exploitation du gaz de Tendrara. En outre, l’exploration pétrolière est un processus très long, hautement capitalistique et très risqué. L’évaluation du potentiel pétrolier d’un bassin nécessite des travaux et des techniques en perpétuelle évolution et demande des investissements très lourds, d’autant plus que les bassins sédimentaires marocains demeurent sous explorés par rapport à leur potentiel. Néanmoins, grâce à un effort soutenu et à une dynamique maitrisée combinant études, évaluations et promotion, nous espérons faire une découverte en hydrocarbures (huile ou gaz) et de pouvoir l’annoncer à moyen terme.

Challenge : Combien a-t-il été investi au Maroc au fil de ces dernières années dans la prospection gazière? Qui sont ces partenaires investisseurs ?

Les investissements réalisés pour l’exploration pour les hydrocarbures entre 2000 et 2020 sont de 27 milliards 134 millions de dirhams entièrement financés par nos partenaires. Depuis 2015, le total des investissements réalisés par nos partenaires dans la prospection gazière a atteint un total de 2,957 Milliards de DHS, entièrement supportés par nos partenaires qui sont Chariot Oil, Sound Energy, SDX, Predator, PEL et Circle Oil.

 
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