Ali Sedrati:« Le salut viendra de l’Etat »
L’industrie marocaine s’est adaptée à la pandémie du coronavirus pour la confection de produits deve-nus vitaux en cette période de crise sanitaire. Un tel regain d’intérêt pour l’industrie destinée au marché local n’a plus été vu au Maroc depuis les années 60, avec la stratégie d’industrie de substitution aux importations. Outre cette nouvelle dimension de leur secteur industriel que les Marocains ont découvert durant cette période de crise sanitaire et économique, ils sont nombreux à se demander pour autant, pourquoi cette filière ne décolle pas et comment pourrait-elle jouer un rôle stratégique pour créer davantage d’emplois ? Témoignage de Ali Sedrati, Président de l’AMIP (Association Marocaine de l’Industrie pharmaceutique).
L’industrie pharmaceutique marocaine, est une fierté pour le pays qui a eu la sagesse de réglementer le secteur. Les pouvoirs publics ont réussi dès les années 60, à encourager les multinationales à s’installer dans le Royaume. Celles-ci ont bien joué le jeu en procédant à un transfert de technologie. Aujourd’hui, 98 % du personnel du secteur sont des Marocains. Ce ratio était de 80 % jusque dans les années 90. A partir de ces années-là aussi, on a commencé à enregistrer plus de médicaments importés dans le pays, ce qui par ricochet a entrainé la diminution de la production locale. De 1990 à aujourd’hui, il y a eu 12 à 15 nouveaux investissements dans le secteur dont les plus importants proviennent de groupes ma-rocains. Avec un tel niveau d’investissement, le secteur couvre 40 % de la consommation locale sachant que ce pourcentage était de 15 % dans les années 90. Les Marocains ont ainsi investi au cours de ces 7 dernières années dans les hormones, l’insuline, les médicaments biosimilaires. Avec cette crise sanitaire, le secteur est resté plus que jamais mobilisé. Les usines tournent avec 2 à 3 équipes par jour. Et comme la loi nous oblige, nous avons trois mois de stock de sécurité par médicament ainsi que pour les matières premières. Je rappelle que le médicament est le produit le plus stratégique au monde.
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En guise d’exemple, lors de la crise H1N1, c’est une société locale qui avait permis à l’état de disposer d’un stock de sécurité. Pour le trai-tement de l’hépatite C, un laboratoire local a fait passer le prix du médicament de 8 millions de centimes à 8000 DH.Pour autant, notre secteur a des difficultés et a be-soin depuis plusieurs années, d’accompagnement des pouvoirs publics pour la continuité de ses ac-tivités. Dans les années 90, le Maroc était parmi les trois pays africains qui étaient en pointe dans le domaine de l’industrie pharmaceutique. A cette épo-que, l’Algérie et la Tunisie achetaient 80 à 90 % de leurs besoins par appel d’offres. Aujourd’hui, la Tuni-sie a autant d’usines pharmaceutiques que le Maroc et assure 50 % de ses besoins. Quant à l’Algérie, elle dispose de 80 usines et satisfait la moitié de ses besoins en médicaments. Dans la zone MENA, les opérateurs bénéficient d’un accompagnement de leurs Etats. En Tunisie, par exemple, si un opérateur investit dans un médicament, on arrête de l’importer. Autre exemple : la Jordanie exporte 80 % de sa pro-duction, alors que le Maroc ne réalise que 10 %, principalement en Afrique subsaharienne francophone. Pourtant, même si l’industrie pharmaceutique marocaine est classée Zone Europe par l’OMS du fait de la qualité de production, le développement des exportations est tributaire de l’aide gouvernementale, capable de faciliter la péné-tration des marchés cibles. Cela commence par le franchissement des barrières à l’entrée qui prennent parfois la forme de procédures légales comme l’enregistrement des médicaments, réputé très cher dans les pays concernés. Notre secteur pèse 1,5 % du PIB, soit 5% du PIB industriel. Nous avons besoin de soutien comme d’autres opérateurs dans leur pays.
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