Amina Benkhadra: « Aboutir à des découvertes à la hauteur de nos ambitions »
L’Office et les sociétés pétrolières vont lancer de nouveaux travaux de recherche pour décider de la réalisation de forages d’exploration durant les années à venir. Tour d’horizon sur la situation actuelle.
Challenge. Vous venez de tenir votre conseil d’administration. Il est question que l’ONHYM investisse plus
cette année. Pour quelles raisons ? Cela augure-t-il de choses de plus en plus concrètes ?
Amina Benkhadra. Le budget prévisionnel pour l’exploration pétrolière en 2013 est de l’ordre de 132 millions de dirhams (3,6% de l’investissement en exploration) prévu par l’Onhym contre environ 4 milliards ( 96,4%) budgétés par les partenaires. L’Office devra investir davantage cette année pour pouvoir réaliser le maximum de travaux de recherche, afin d’accompagner notamment, les compagnies qui s’apprêtent à forer leurs premiers puits dans leurs zones respectives. Les principaux travaux d’exploration, par les moyens propres de l’Office, resteront également axés sur l’évaluation du potentiel pétrolier des régions côtières de Boujdour et sur le développement des gisements de Meskala- Toukimt, pour maintenir et éventuellement augmenter la production actuelle en gaz naturel dans le bassin d’Essaouira, ainsi que l’ouverture de nouvelles zones frontières pour l’exploration des hydrocarbures conventionnelles et non conventionnelles.
C. Vous annonciez dernièrement qu’après des forages, des études géologiques, sismiques… des zones prospectives paraissent encourageantes. Lesquelles ?
A.B. Les partenaires de l’Onhym, en se basant sur les résultats encourageants de leurs évaluations géologiques et géophysiques entreprises sur leurs permis, aussi bien en onshore qu’en offshore, s’apprêtent à réaliser d’autres travaux de recherche pour prendre des décisions quant à la réalisation de forages d’exploration durant les années à venir.
C. Quels sont les gisements au stade le plus avancé ?
A.B. Les zones les plus avancées en termes d’exploration, sont détenues par des sociétés qui ont déjà programmé la réalisation de leurs premiers puits pour l’année 2013. Tangiers sur Tarfaya offshore, Capricorn sur foum Draa offshore, Genel sur les permis Sidi Moussa offshore en plus de Cabre et Circle Oil, qui entameront une nouvelle campagne de forage dans le bassin du Gharb, chacun dans leurs permis pour augmenter leurs productions de gaz naturel.
C. Celui de Talsint présente-t-il (encore) du potentiel ? Y a-t-il un opérateur qui s’y est intéressé depuis le début des années 2000?
A.B. Talsint fait partie des permis de Tendrara, qui sont actuellement détenus par la compagnie Ogif qui continue l’exploration dans ces zones géologiquement complexes mais avec des indicateurs encourageants.
C. Depuis des décennies, des études, des forages… sont réalisés. Pourquoi n’a-t-on pas encore d’idée bien précise concernant la présence (ou non) de pétrole au Maroc ?
A.B. Tout d’abord, rappelons, que l’exploration pétrolière est un processus très long, hautement capitalistique et très risqué. L’évaluation du potentiel pétrolier d’un bassin ou d’une zone d’un bassin, et la mise en évidence d’une accumulation d’hydrocarbures commerciale, sont déterminés par la caractérisation des paramètres pétroliers. La définition de ces paramètres nécessite de nombreuses analyses et études progressives, parfois très longues, selon la nature et la complexité géologique du bassin considéré. Ces travaux et investigations ont recours à des techniques, en perpétuelle évolution, et demandent des investissements très lourds. En cas de découverte, des opérations d’appréciation seront nécessaires pour estimer les réserves en place avant de commencer la phase de développement. Ces différentes étapes peuvent durer entre 8 et 12 ans, selon la nature et le type de gisement avant de rentrer dans la phase de production et en réalisant des investissements continus au niveau requis.
C. Que reste-t-il à faire pour arriver à une conclusion quasi définitive? Cela devra prendre combien d’années encore?
A.B. Les experts internationaux des compagnies qui opèrent en onshore et en offshore marocain, concorcateur dent à qualifier notre pays de région potentiellement encourageante. En dépit de la relance de l’exploration pétrolière dans notre pays et de la nouvelle dynamique instaurée, les travaux de recherche, et plus particulièrement le nombre de forages d’exploration, tributaire des risques géologiques, restent en deçà de nos aspirations et du degré d’investigations des bassins sédimentaires marocains qui demeurent encore sous explorés. Les bassins sédimentaires marocains onshore ne comptent qu’un nombre limité de forages d’exploration (272 puits). En offshore atlantique et méditerranéen, on compte uniquement 36 puits, dont la majorité a été effectuée dans le domaine marin peu profond. Ce qui nous ramène à un total de 308 puits d’exploration sur une superficie totale d’environ 900 000 Km² (soit environ 0.04 puits par 100 Km² contre une moyenne mondiale de 10 puits par 100 Km²). Il en ressort que le Maroc reste encore marginalement exploré en termes de nombre de forages, indi-réaliser notre mission dans un cadre de pérennité et de croissance durable.
C. Justement, au mois d’avril 2012, la société Longreach Oil & Gas annonce une estimation pour les sites de Foum Draa et Sidi Moussa, en moyenne de 2,1 milliards de barils de pétrole et 1000 milliards de pieds cubes de gaz. A l’époque, vous n’aviez pas réagi. Aujourd’hui, que pouvez vous nous en dire ?
A.B.En effet, la compagnie britannique Longreach Oil & gas a annoncé les résultats des premières évaluations des ressources sur les licences de Foum Draa et Sidi Moussa réalisées par le groupe Néerlandais Sewell & Associates, avec les estimations moyennes que vous avez annoncées. Longreach Oil and Gas et ses partenaires, ont mené des travaux de retraitement et de réinterprétation de données géophysiques existantes, complétés par diverses études géologiques et d’estimation de ressources.
Ces études ont permis de définir, dans les blocs offshore Foum Draa et Sidi Moussa des zones prospectives; mais il ne s’agit-là que des ressources résultant de premières phases de l’exploration et non de réserves. L’annonce de Longreach est une annonce de presse à travers laquelle elle informe ses actionnaires de l’état d’avancement des travaux d’exploration menés au Maroc. Les dernières annonces de Longreach Oil and Gas et ses partenaires, nécessiteront des travaux d’évaluation plus approfondis avant de déclarer toute découverte économiquement exploitable.
C. Ce ne sont donc pas des réserves estimées ?
A.B. Ces sociétés ne sont pas encore arrivées à l’étape de réalisation de forages, et n’ont à aucun moment fait allusion à des découvertes, dans leur communiqué, mais seulement à des ressources potentielles (NDLR : cartographiées par des méthodes géologiques et des technologies pétrolières). Ces annonces sont le résultat d’études préliminaires suite aux travaux de traitement, retraitement et de réinterprétation de données géophysiques qui ont permis de définir un certain nombre de play concepts. Pour pouvoir se prononcer sur le potentiel réel des zones d’intérêt, des travaux d’évaluation qui peuvent s’étaler sur une période de 8 à 12 ans sont nécessaires. Les forages d’exploration, d’appréciation et de développement, constituent la part essentielle du processus d’exploration avec plus de 80% des investissements requis, alors que les travaux géologiques ne représentent que 2 à 5 % des investissements et les acquisitions géophysiques 10 à 15 %.
C. Il semblerait que de plus en plus de majors s’intéressent au Maroc. Le confirmez-vous ?
A.B. L’augmentation du prix du pétrole et l’accroissement de la demande énergétique des pays émergents, présentent une conjoncture favorable à l’intensification de l’exploration pétrolière partout dans le monde. Au Maroc, en plus de ce facteur, la promotion proactive entreprise par l’Onhym, ainsi que diverses incitations offertes par le code des hydrocarbures ont permis d’attirer davantage d’investisseurs étrangers, y compris les majors comme Total, ou les super
indépendants tels que Anadarko, Repsol et Kosmos. Le choix des sociétés pétrolières est généralement tributaire de leur propre stratégie et des moyens techniques et financiers dont elles disposent. L’offshore Atlantique profond du Maroc, de par son potentiel encourageant, fait partie de ces zones frontières convoitées par les sociétés majors. D’autres sociétés, de taille moyenne, sont souvent intéressées par des bassins à objectifs pétroliers bien définis, peu profonds, facilement exploitables et nécessitant des investissements relativement réduits. C’est le cas par exemple des bassins onshore du Gharb et du Prérif.
C. Pourquoi maintenant ?
A.B. Le timing dépend de plusieurs facteurs, comme ceux cités précédemment et qui sont liés à la stratégie de la compagnie, mais d’une manière générale, ces sociétés majors choisissent des zones relativement larges à risque, et nécessitant des investissements lourds, mais qui peuvent déboucher sur des réserves importantes et donc une rentabilité plus élevée à la taille de leurs efforts et de leur engagement. ■