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Amnesty : Echec des pouvoirs publics

L’ONG internationale dresse un bilan contrasté, mettant en exergue les avancées législatives, mais aussi les réalités constatées. par J.B`

Maroc, Nigéria, Mexique, Philippines et Ouzbékistan, ce sont les cinq pays que l’ONG Amnesty international a choisi de mettre sous les sunlights. Ce sont des pays où la torture subsiste, mais où elle peut être éradiquée. Concernant le Maroc, le rapport fait l’historique de la torture depuis les années 60. La torture était systématique, les méthodes connues. La torture morale était aussi de la partie puisque les détenus étaient menacés par des actes contre leurs proches.

Dans les années 70, surtout après les deux coups d’Etat avortés, l’horreur est montée d’un cran : viol par le biais de bouteilles, flagellation, chocs électriques sur les parties génitales etc… Ces pratiques étaient systématiques vis-à-vis des opposants politiques, mais aussi de détenus de droit commun.

Mais, l’organisation note que l’arsenal législatif contre la torture a été renforcé. En particulier par l’adoption d’une loi proscrivant toute torture et ouvrant voie à la poursuite de ses auteurs. Son représentant au Maroc note « Malgré toutes ces dispositions, les autorités marocaines ont échoué à mettre fin à cette pratique. Selon Amnesty « si la torture n’est plus un fait systématique, il existe plusieurs cas qui démontrent que la torture est encore présente de manière continue ». L’ONG note surtout que les allégations de torture aboutissent rarement à des poursuites. 

Amnesty a choisi un cas emblématique, celui de Ali Aarass pour mener une campagne de signatures contre la torture au Maroc. Arrêté en Espagne en 2006, suspecté de terrorisme, il a été transféré au Maroc en 2010 et condamné à 12 ans de prison. Il affirme qu’il a été torturé au siège de la DST de Témara et a saisi Amnesty international. L’ONG a choisi de faire signer partout dans le monde, une lettre adressée au ministre de la Justice réclamant « une enquête indépendante sur la torture subie par Aarass », adoptant sans ambiguïté la version de celui-ci.

Devant le Parlement, Mustapha Ramid a déclaré « je ne nie pas qu’il y a des dépassements et parfois même des crimes contre les droits et les libertés, mais on ne peut pas parler de reculs, il y a même des avancées sérieuses… Quand il y a des preuves, nous lançons des poursuites ». Et effectivement, il y a actuellement quatre procès en cours contre des gendarmes, pour des suspicions de torture.

Selon Sektaoui, le représentant d’Amnesty international au Maroc, l’un des moyens d’éviter  que des aveux soient extorqués sous la contrainte serait de permettre aux avocats d’assister aux interrogatoires lors de la garde à vue. C’est une revendication des militants de droits de l’Homme depuis des années. Les gouvernements successifs ne s’y opposent pas par principe, mais en arguant de la difficulté de la mise en œuvre face à des contraintes qui sont réelles et non pas fallacieuses. Imagine-t-on le nombre d’avocats commis d’office qu’il faudrait et les retards que prendraient les procédures alors que la garde à vue est limitée à 48 heures ?

Faut-il en avoir peur ?

Nos gouvernants, au nom de l’image du pays, sont souvent frileux face à ce genre d’initiative. « L’aveu » de Ramid prouve qu’il y a matière à s’indigner et que des cas de violations existent. L’ONG reconnaît que le recours à la torture n’est pas systématique, que les pouvoirs publics fournissent des efforts pour l’éradiquer. Il faut s’appuyer là-dessus pour avancer dans le bon sens.

Un travail de sensibilisation sur les choix du pays, mais aussi sur la responsabilité pénale personnelle, individuelle des auteurs doit être mené. C’est souvent par un prétendu souci d’efficacité que les tortionnaires agissent.

Mais, il faut surtout casser l’OMERTA. L’esprit de corps incite à la couverture de tels faits, ce qui complique la tâche aux enquêteurs, quand enquête il y a. Il faut casser ce mur à la fois par la persuasion, mais aussi par des poursuites pour non dénonciation de crimes.

Enfin, la sacralité des aveux faits devant la police judiciaire doit être remise en cause, en l’absence d’autres éléments de preuve matériels. Ce combat a un large consensus au sein de la société qui adhère depuis longtemps à l’idée que la sécurité ne peut pas être obtenue au mépris des droits humains. La campagne d’Amnesty est une aubaine, une occasion pour réaffirmer la volonté politique des gouvernants et réfléchir, ensemble, aux moyens susceptibles d’éradiquer la torture, d’appliquer efficacement la loi. 

 
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