Energie renouvelable

Basse et moyenne tension : dans l’attente des textes d’application

Plus d’un an après l’entrée en vigueur de la « nouvelle » loi 58-15 sur les énergies renouvelables (ENR), des textes d’application manquent toujours à l’appel pour élargir la libéralisation de la production de l’électricité verte à la basse et moyenne tension. En attendant, plusieurs investissements restent suspendus et des millions de consommateurs finaux n’en profitent pas encore. 

Si le Maroc est un véritable champion africain des ENR, ce n’est pas encore grâce à la libéralisation du secteur amorcée par la loi 13-09 de 2010 et consacrée cinq ans plus tard par un texte plus libéral (du moins sur le papier), à savoir la loi 58-15. En effet, sur les presque 2.700 MW de capacités installées à ce jour en production d’électricité à base d’ENR (dont 1.770 MW en énergie hydroélectrique), seuls un peu plus de 200 MW sont le fait d’initiatives privées entreprises dans le cadre de la libéralisation précitée et dont Nareva Holding en représente, à lui seul, plus de 99% !

Et pourtant, la loi 58-09, promulguée en janvier 2016, était censée pallier les insuffisances en la matière du cadre précédent et en faciliter l’application, en vue notamment d’accompagner le développement du secteur des ENR, de l’adapter aux évolutions technologiques futures et de donner un puissant coup d’accélérateur aux initiatives privées. Mais, si le contenu de ce nouveau dispositif juridique a, en effet, poussé les feux de la libéralisation encore plus loin, c’est au niveau de sa mise en œuvre que le bât blesse. En effet, la possibilité donnée aux producteurs d’électricité à partir de sources d’ENR d’accéder aux réseaux électriques urbains et ruraux de basse tension (après ceux de la haute tension et très haute tension déjà accessibles depuis la loi de 2010 et alimentés réellement depuis 2013) souffre toujours de l’absence des textes d’application. Idem pour le réseau de la moyenne tension, déjà prévu dans le cadre précédent mais dont la mise en application devait s’accélérer dans le sillage de la promulgation de la nouvelle loi 58-09. Certes, il y eut la fixation, en novembre 2015, des conditions et des modalités d’accès à ce réseau par les producteurs privés d’électricité à base d’ENR, mais l’injection effective des premiers kilowattheures verts attend encore un arrêté conjoint du ministre chargé de l’Energie et du ministre de l’Intérieur, dont le but sera notamment de clarifier comment le futur marché libre de la moyenne tension (où les prix sont librement fixés entre l’opérateur privé d’ENR et le consommateur ou le groupement de consommateurs) va-t-il s’articuler et cohabiter avec le marché réglementé des opérateurs de distribution d’électricité (concessionnaires privés tels Lydec ou Amendis ou l’ONEE dans les zones non concédées) où les prix sont, par contre, administrés par l’ONEE.

Cette situation est préjudiciable aussi bien au consommateur final de la basse tension, soit le particulier et la PME notamment, que le manque de concurrence empêche de bénéficier des meilleurs tarifs, qu’aux producteurs privés dont certains (comme Valorem, Quadran, Energie Terre et autres) ont déjà dépensé des dizaines de millions de dirhams dans les études préalables de tout genre pour des projets de micro-stations hydroélectriques (qui fonctionnent au fil de l’eau sans avoir besoin d’un barrage en amont pour réguler l’exploitation de l’énergie hydraulique) ou de micro-fermes éoliennes et solaires dont la capacité unitaire est généralement inférieure à 5 MW. Autant dire que c’est le développement de toute la filière industrielle de petites et moyennes installations, notamment le photovoltaïque et la micro-hydroélectricité, qui se trouve aujourd’hui obstrué par le manque de célérité dans l’application des lois censées ériger le Maroc en parangon de la libéralisation du secteur de l’énergie et consolider sa position de champion des ENR.

En attendant une production législative et administrative à la hauteur des ambitions du pays, la loi 58-09 a fait surtout le bonheur des grands acteurs d’ENR qui ont investi ou sont en passe d’investir dans les installations de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines, de MW (donc plutôt destinés à quelques clients de haute tension et très haute tension avec lesquels les contrats à long terme dits « off-take » sont suffisants pour rentabiliser les milliards de DH investis) et ce, en raison des deux avancées ci-après :
• La possibilité de vente de l’excédent de la production électrique de sources renouvelables (non vendue à l’« off-taker ») à l’ONEE et aux gestionnaires de réseaux de distribution et ce, dans la limite de 20 % de la production annuelle.
• L’augmentation du seuil de la puissance installée pour les projets d’énergie de source hydraulique de 12 à 30 MW, sachant que la loi précédente (la 13-09) excluait de son champ d’application les projets dont la puissance était supérieure à 12 MW, ce qui constituait une barrière pour l’exploitation du seuil maximal offert par les caractéristiques morphologiques et hydrologiques de certains sites potentiels.

 
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