Boussaid s’attaque aux déficits
Mohamed Boussaid veut réduire les déficits jumeaux, mais le pari n’est pas gagné d’avance. Si ses propositions sont claires concernant les dépenses, il cherche encore pour ce qui est de l’amélioration des recettes du Trésor. Côté balance commerciale, il veut que l’on s’attaque au dumping et qu’on mette en place des normes de qualité pour ramener le déficit courant à 5%.
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our sa première sortie devant toute la presse nationale et internationale ce mercredi 8 janvier 2013, il a voulu montrer qu’il vient pour imprimer son empreinte au département de l’Economie et des Finances. Mais dans ce contexte de crise où l’économie nationale devra faire face à un ralentissement de la croissance en 2014, il est confronté aux déficits jumeaux. Il y a d’abord le déficit budgétaire où il faut des solutions urgentes. Puisque si Fathallah Oualalou avait pratiquement réussi à ramener l’équilibre des finances publiques grâces à une série de privatisation, la crise des matières premières a eu raison des résistances des gouvernements successifs. Du coup, fera remarquer Boussaid, «on est passé d’un excédent de 0,4% en 2008 à un déficit de 7,3% du PIB en 2012 que les corrections devraient ramener à 5,5% en 2013».
Quant au compte courant de la balance des paiements, on est en passe d’oublier qu’elle s’était stabilisée autour de 5% de 2008 à 2010. En 2011, son déficit a atteint 8% pour atteindre le niveau extrême de 9,7% du PIB en 2012. Boussaid parle «d’un redressement qui le porterait à 7,7%».
Si tout ceci n’est pas le bilan d’un ministre qui vient à peine de passer trois mois à son poste, il témoigne du moins de l’ampleur de la tâche à accomplir : rééquilibrer les finances publiques, tout en respectant les objectifs sociaux du gouvernement, en veillant à ne pas entraver la croissance et en ayant l’œil sur le niveau d’endettement.
Ramener le déficit à 3,5% en 2016
Mais, il faut dire que, concernant les finances publiques, si le précédent gouvernement a pu ramener le déficit de 7,3% du PIB à 5,5%, c’est parce que des mesures concrètes ont été mises en œuvre. Sur le plan institutionnel, le gouvernement Benkirane I «avait mis en place un suivi régulier dans le cadre du comité de veille», a rappelé Boussaid. Et au niveau opérationnel, il a fallu parer au plus pressé en agissant à divers niveaux. Il y a d’abord eu la rationalisation des dépenses en réduisant les déplacements coûteux et les achats de véhicules et en coupant sur les dépenses courantes. C’est dans ce cadre que s’inscrit la réduction du budget d’investissement de 15 milliards de dirhams en 2013. L’amnistie fiscale offerte aux contribuables qui avaient une dette fiscale licite ou non sans supporter de majorations, a également permis de générer quelques milliards de dirhams à la cagnotte du Trésor public. A cela, s’ajoute d’une part l’accélération de la mobilisation des dons, notamment dans le cadre de l’accord avec les pays du Golfe et d’autre part, l’activation des décaissements au titre des accords de financement avec l’Union Européenne, la Banque africaine de développement, mais également le FMI.
L’année 2014 s’inscrit dans la continuité de cette volonté de réduire encore davantage le déficit. Et sur les trois prochaines années, l’objectif est de ramener le déficit à 3,5% seulement à l’horizon 2016. Pour ce faire, il faudra continuer à améliorer les recettes tout en rationalisant les dépenses. Mais, à ce niveau Boussaid ne donne pas de détails, il reste plutôt sur des déclarations qui sonnent plus comme une volonté que comme des mesures concrètes. Ainsi, il revient sur les concepts sur lesquels plusieurs de ses prédécesseurs ont buté. En matières de recettes, il annonce «l’élargissement de l’assiette, la suppression progressive des niches fiscales, l’optimisation de la valorisation du domaine privé de l’Etat ou encore l’amélioration du rendement financier des participations de l’Etat». Néanmoins, il est plus précis quand il s’agit des dépenses et cela semble normal puisque l’Etat a plus d’emprise sur ses dépenses que sur ses recettes qui dépendent de beaucoup plus de paramètres.
La fin des reports budgétaires
Quoi qu’il en soit, Boussaid entend maîtriser les charges du personnel, notamment en «remplaçant les départs à la retraite en fonction des priorités et en supprimant les postes devenus vacants en cours d’année». Il va également puiser sur les recettes du précédent gouvernement en réduisant les dépenses courantes par la rationalisation du parc automobile, les déplacements et les mobiliers. Mieux, la nouveauté sera l’assainissement des reports qui totalisent désormais plus de 21 milliards de dirhams. Ainsi, «les crédit reportés seront comptabilisés dans le budget de l’année». En d’autres termes, les projets en cours ne seront pas stoppés, mais l’ouverture de crédit se fera en fonction de la capacité de gestion des dirigeants publics, ce qui permettra d’améliorer l’efficacité des dépenses d’investissement.
Réduire le déficit du compte courant
Concernant le compte courant, Boussaid lâche le mot qui fâche les partenaires commerciaux du Maroc, ainsi que les importateurs. Il annonce l’application des normes de qualité et de sécurité à l’importation et de la lutte contre le dumping et la contrebande. Cela est certes du ressort du ministère du Commerce et de l’industrie qui devra travailler en étroite collaboration avec les agents de la douane. Mais, concrètement pour le ministre des Finances, il n’est plus question que le Maroc laisse faire chez lui ce qu’on refuse à ses opérateurs économiques ailleurs dans le monde. Il faudra s’atteler à produire rapidement des normes pour que le marché domestique ne soit plus submergé de produits qui tuent l’industrie locale. Mais, évidemment, cela n’aura qu’un impact limité dans le temps, car le problème de fond est celui du manque de compétitivité. Il n’est pas concevable qu’à qualité égale, des chemises produites en Turquie par exemple, puissent se vendre moins chères que celles sortant des usines d’Aïn Sebaa. Ce n’est pas juste une question de normes.
Quoi qu’il en soit, il veut que tout aille le plus rapidement possible et que ses agents tiennent les objectifs d’ici la fin de la législature.