Contentieux judiciaire : le fisc s’engage
Non, le fisc ne joue pas au père Noël. La raison d’être du fisc est la collecte d’argent et non la distribution de cadeaux fiscaux. Les exonérations et autres dérogations fiscales, ainsi que le remboursement de la TVA, constituent une exception à la règle. Mais rien n’empêche le fisc d’être aimable dans sa manière de vider les poches des contribuables. Et comme signe fort de cette amabilité, le sourire aux lèvres, le numéro 1 du fisc signe, le 17 janvier 2017, une convention avec le Tribunal Administratif de Rabat, dans laquelle est instauré un «délai amiable» de 30 jours pour l’exécution des jugements et des arrêts devenus définitifs et prononcés à l’encontre de la DGI. C’est que beaucoup de contribuables se plaignent quant à l’exécution/application effective des décisions ayant un caractère définitif et rendues par les tribunaux administratifs, en matière fiscale. Le citoyen se sent désarmé, voire impuissant face au Léviathan. Car les décisions de ces tribunaux, ou bien s’appliquent très tardivement et donc coûteusement, ou bien ne s’appliquent pas du tout. A tel point que le citoyen contribuable ressent une «hogra» et ressort l’ancien concept pour désigner l’Etat : le Makhzen. Une réaction qui veut tout dire : malgré les lois et réglementations en vigueur, malgré les nombreuses garanties juridiques théoriquement offertes au contribuable, la nature despotique de l’Etat est toujours concrètement là. Ou pire encore, quelle image pourra refléter une justice (soi-disant réformée) dont les décisions ne sont pas applicables.
En matière fiscale, la loi a presque mis sur un pied d’égalité l’Administration fiscale et le citoyen contribuable. Or dans la réalité, il est possible de voir un contribuable poursuivi et incarcéré (contrainte par corps) pour refus de paiement d’impôt, alors que le fisc ne risque absolument rien.
Comme le fisc, le contribuable peut contester, devant le Tribunal administratif, les décisions émanant aussi bien des Commissions Locales de Taxation (CLT), que de la Commission Nationale de Recours Fiscal (CNRF), dans un délai de 60 jours suivant la date de notification des décisions desdites commissions, que ces décisions portent sur des questions de droit ou de fait (Article 242 du Code Général des Impôts). S’il s’agit de réclamation (contentieux administratif), le contribuable peut saisir le tribunal administratif dans le délai de 30 jours suivant la date de la notification de la décision prise, et à défaut de réponse de l’Administration fiscale, le délai de recours est de 30 jours qui suit l’expiration du délai de 3 mois donné à l’Administration fiscale pour répondre ( Article 243 du CGI. NB. Ce délai était de 6 mois avant 2016). Au-delà de ces délais, c’est la forclusion.
La convention conclue entre le fisc et le Tribunal Administratif de Rabat est donc porteuse d’un message profond. La force de l’Etat de Droit ne réside pas dans son omnipotence ni dans le sentiment de crainte qu’éprouvent les citoyens (la fameuse «hiba»). Elle réside dans la force et le respect de la loi qui doit s’appliquer de manière stricte, rigoureuse et efficace aux forts et aux faibles.
Cette convention doit contribuer à l’instauration/retour et au développement d’une confiance réciproque, nécessaire à la crédibilité et à la stabilité des institutions.