Coronavirus : l’impact sur l’économie nationale secteur par secteur
La Délégation de l’Union européenne au Maroc, dans sa section commerciale, vient de dévoiler une note sur l’impact de la pandémie du coronavirus sur l’économie marocaine et les mesures prises. Le point sur les secteurs clés touchés.
Ledit document détaille, en effet, les effets de la crise sanitaire sur l’économie nationale, secteur par secteur. « En tant qu’économie axée sur la consommation, le commerce et le tourisme, le Maroc pourrait connaître des pertes importantes en 2020. Jusqu’à présent, les principaux secteurs touchés sont le tourisme, l’automobile et le textile », tranchent d’emblée les auteurs de l’étude. Voici les principaux enseignements par secteur :
Tourisme : 8500 entreprises menacées
Le tourisme fait partie des secteur qui paieront un lourd tribut dans cette crise sanitaire du Covid-19. L’étude cite la Confédération nationale du tourisme (CNT) qui a évalué l’impact de la crise Covid-19 à 34,1 milliards de DH de perte en termes de chiffre d’affaires touristiques en 2020 et de 14 milliards de DH de perte en termes de chiffre d’affaires pour l’hôtellerie, pour une chute globale de près de 6 millions de touristes (-98%), qui occasionneront une perte totale de 11,6 millions de nuitées. La même source estime que pas moins de 500 000 emplois et 8 500 entreprises seraient menacées, dont des entreprises d’hébergement touristiques classées, des entreprises de restauration touristique, des agences de voyages, des sociétés de transport touristique et des sociétés de location de voitures.
Transport : Des milliers d’emplois menacés
En ce qui concerne ce secteur, on note que le transport aérien souffre des mesures de précaution appliquées et de la baisse de la demande. Les auteurs de la note cite l’Association internationale du transport aérien IATA qui estime que la pandémie pourrait entraîner au Maroc des pertes de l’ordre de 4,9 millions de passagers en moins et un manque à gagner de 728 millions de dollars. Et plus de 225 000 emplois sont menacés. Les transports routier et ferroviaire ne seraient pas en reste non plus. Avec l’interdiction, dans l’ensemble du pays, de la circulation des véhicules de transport de voyageurs depuis le 24 mars, il va sans dire que le manque à gagner sera colossal. Au niveau du transport international des marchandises, les opérations se poursuivent normalement jusqu’à présent. Cependant, certains professionnels relèvent une hausse de prix variant entre 50% et 75% au niveau du transport routier, correspondant à un surplus variant entre 2100 euros et 3 500 euros par livraison. Selon les auteurs de l’étude, cette situation s’expliquerait par le fait que les camions de transport international routier partent pleins du Maroc mais rentrent vides, à cause de la baisse de la demande des importateurs marocains et des perturbations de production en Europe et par la pénurie de chauffeurs professionnels sur le marché.
Secteur automobile : L’objectif d’atteindre 1 million de véhicules par an d’ici 2022 très menacé
A ce niveau, force est de souligner que le secteur est actuellement à l’arrêt suite aux décisions de Renault et de PSA, locomotives du secteur automobile au Maroc, de suspendre temporairement leur activité dans le pays depuis le 19 mars. Il faut savoir que l’arrêt temporaire de l’activité de Renault au niveau de ses deux sites de production de Tanger et de Casablanca concerne 11 000 collaborateurs, et la suspension des activités de PSA à Atlantic Free Zone touche 1600 collaborateurs et a des répercussions sur ses équipementiers et ses 66 fournisseurs. Toutefois, à terme, cette suspension de l’activité pourrait se répercuter sur les 180 000 individus employés par l’industrie automobile, les 250 équipementiers automobiles opérant au Maroc autour de neuf écosystèmes (Câblage, intérieur véhicules & sièges, métal emboutissage, batterie, PSA, moteurs, Renault, Delphi et Valeo), fait remarquer l’étude. Mais, outre cela, soulignons qu’en tant que premier secteur exportateur du pays (27% des exportations en 2019 avec un chiffre d’affaires à l’export de plus de 7 milliards d’euros), toute baisse de son activité aura un fort impact sur la balance commerciale. La section commerciale de la Délégation de l’UE au Maroc estime aussi que la crise actuelle risque de compromettre les objectifs annoncés par le Ministre de l’industrie d’atteindre une capacité de production annuelle de 1 million de véhicules d’ici 2022 et d’un chiffre d’affaires à l’export de 100 milliards de DH. L’autre point négatif concerne les ventes nationales de véhicules qui devraient accuser une baisse compte tenu de la faible propension à la consommation en biens durables par la population marocaine et le report du salon Auto Expo initialement prévu pour juin 2020, ajoute l’étude.
Textile/habillement : Aucune visibilité pour les opérateurs
Ce secteur, employant plus de 160.000 individus au sein de 1200 entreprises, rencontre à la fois un problème au niveau de son approvisionnement et de sa demande étrangère, expliquent les auteurs de la note, ajoutant que les approvisionnements au niveau du secteur sont fortement perturbés, comme une bonne partie de la matière première utilisée qui vient d’Asie, particulièrement de Chine. De même, les opérateurs n’ont pas de visibilité au niveau de la demande, notamment au vu de la baisse de la demande européenne sur le textile et habillement (l’Espagne et la France absorbant près de 60% des exportations du secteur).
Agriculture : Les petits agriculteurs et les coopératives menacés
Les auteurs de l’étude soulignent que l’annulation du Salon de l’Agriculture (SIAM), prévu initialement pour avril, devrait coûter au segment des coopératives et des groupes économiques plus de 12 M MAD de biens avec un risque de perte de chiffre d’affaires compris entre 60% et 80%. En ce qui concerne les fruits et légumes, l’association des producteurs et exportateurs de fruits et légumes (APEFEL) indique que les exportations de fruits et légumes vers l’UE sont actuellement en augmentation en raison du ralentissement de la production espagnole, portugaise et italienne. De même, les prix sont également en hausse comparativement aux conditions normales de marché.
Offshoring : Télétravail et réduction d’effectifs
L’étude note que certaines entreprises du secteur organisent le télétravail ou négocient avec leurs clients la possibilité de baisser les flux d’activité pour garder le strict minimum de collaborateurs sur les plateaux avec des systèmes de rotation.
Transformation des produits de la mer : Une situation délicate à partir du 1er avril
A ce niveau, on apprend que la Fédération des industries de la pêche (Fenip) indique que certains opérateurs relèvent une perturbation des chaînes logistiques et d’approvisionnement de matières premières, notamment les boîtes métalliques pour la conserve alimentaire. Pour la pêche, l’impact est à ce stade (mois de mars) minime en raison de la période de repos biologique pour la pêche artisanale et la situation pourrait être, néanmoins, plus délicate à partir du 1er avril, expliquent l’étude.
Industries extractives : le secteur des phosphates immunisé pour le moment
Là aussi, l’étude montre que l’industrie extractive pourrait subir l’effet dépressif de l’économie mondiale, mais que le secteur des phosphates semble pour l’instant immunisé.
Transformation des produits alimentaires : Problème d’approvisionnement en ingrédients en vue
On note que l’industrie agroalimentaire, particulièrement la transformation de produits alimentaires, risque de subir un problème d’approvisionnement en intrants et en produits semi-finis. Et que les 2 000 unités agro-industrielles présentes au Maroc pourraient être amenées à rencontrer un problème d’approvisionnement en ingrédients et additifs (pour la plupart importée) utilisés par la quasi-totalité des filières dans leur processus de fabrication.