Délais de paiement. Le Conseil de la concurrence rend un avis favorable sous condition
Le Conseil de la concurrence émet un avis favorable sous condition de revoir la rédaction des alinéas des articles premier, deux et trois au sujet du projet de loi n° 69.21 modifiant et complétant la loi n° 15.95 formant Code de commerce et édictant des dispositions particulières relatives aux délais de paiement, telle qu’elle a été modifiée et complétée. Les détails.
Dans son avis, le Conseil de la concurrence émet un ensemble de recommandations en relation avec les préoccupations de concurrence soulevées par ce projet de texte. Le but, selon l’instance, est de proposer des éléments susceptibles d’apporter des améliorations au projet de loi et de rendre son application plus effective et en phase avec les règles du libre jeu de la concurrence. Ces recommandations s’articulent autour des six points suivants :
1. Sur le champ d’application
Compte tenu de l’analyse des effets probables du seuil de 10 000 DH fixé pour les factures par le présent projet de loi, en termes d’exclusion des TPE de son champ d’application, vu que l’essentiel de leurs factures se situent au-dessous de ce seuil, en plus des pratiques de fractionnement des factures que ce seuil pourrait engendrer, le Conseil recommande de le supprimer et de maintenir ouvert le champ d’application de ce texte de loi à toutes les factures, quel que soit leurs montants. Le système serait ainsi aligné sur le régime applicable aux factures servant de base de calcul de l’assiette de la TVA (toutes les factures quel que soit leur montant doivent être déclarés pour le calcul de la TVA). En conséquence, il est proposé de reprendre la rédaction du 2ème alinéa de l’article 78.3 modifiant et complétant la loi n° 15.95 telle que modifiée et complétée par l’article premier du présent projet de loi, en supprimant le seuil de 10 000 DH du champ d’application.
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2. Sur le régime de déclaration
Le Conseil s’interroge sur la pertinence du mécanisme de déclaration annuelle liée à la fin de l’exercice comptable et limité uniquement aux débiteurs des factures impayées ou payées tardivement et qui ignore les entreprises créancières émettrices de ces mêmes factures.Pour y remédier, le Conseil recommande de :
–Revoir la fréquence de dépôt de déclaration des factures et le ramener d’une année à un trimestre
Sur ce point, le Conseil rappelle d’abord, que la facture constitue la base de la fiscalité et de la comptabilité qui permet à l’Administration des impôts de vérifier la matérialité et la réalité des opérations des entreprises. En effet, les services des impôts sont destinataires des factures qui servent de base justificative pour la déductibilité de la TVA, ce qui signifie que le régime des délais de paiement est en lien direct avec la fiscalité. A cet égard et compte tenu de la réforme introduite par le présent projet de loi qui lie le fait générateur du délai de paiement à l’émission de la facture, l’harmonisation des règles de traitement des factures pour le calcul des différents impôts conditionne, dans une large mesure, la réussite de la réforme prônée à travers ce texte. Dès lors, il est important de constituer une base de données qui permettra d’organiser la fiscalité aux mêmes niveaux, aussi bien pour la TVA et l’IS que les délais de paiement, de façon à permettre les recoupements nécessaires.
Le Conseil recommande aussi, dans ce cadre, d’aligner la fréquence des déclarations prévues par le présent projet de loi sur les déclarations faites pour la TVA par les PME/TPE, soit une périodicité trimestrielle. Ces déclarations doivent être validées par un commissaire aux comptes ou un expert-comptable ou un comptable agréé en fonction des seuils de chiffres d’affaires prévus par le projet de loi. Ainsi, ce système permettra d’un côté, de garantir une meilleure protection des créanciers et de dissuader davantage les mauvais payeurs et d’un autre côté, d’éviter des contrôles excessifs de l’Administration fiscale qui pourra se contenter d’opérer des vérifications par échantillonnage des factures puisque ces dernières auront été déjà contrôlées et validées par les professionnels comptables précités.
–Instaurer une déclaration globale aussi bien des factures reçues que des factures émises
A ce sujet, le Conseil recommande d’instaurer une déclaration globale sous format électronique intégrant aussi bien les factures émises que celles reçues avec les mentions nécessaires, telles que prévues dans le projet de loi. Ce dispositif va non seulement faciliter le contrôle des factures non payées ou payées tardivement mais il permettra à l’Administration fiscale de faire des recoupements et des rapprochements entre les factures reçues et les factures émises et de détecter ainsi, les fausses factures reçues ainsi que les émetteurs inexistants. De ce fait, l’Administration, en s’appuyant sur le système de déclaration déjà en vigueur pour le recouvrement de la TVA et grâce à la déclaration globale, aura à sa disposition un puissant outil de lutte contre le fléau des fausses factures.
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3. Sur le régime des sanctions
Pour ce volet, l’instance recommande d’introduire un dispositif de sanction proportionnée aux montants des factures et à la taille des entreprises. D’une manière générale, selon le Conseil, une sanction a une double finalité : la première est rétributive et répressive consistant à punir le fautif à la mesure de la gravité de la faute commise alors que la seconde est dissuasive à l’encontre de ceux qui seraient tentés de commettre l’infraction.
Pour ce faire, le Conseil recommande de revoir la méthode de détermination des sanctions pécuniaires de telle sorte qu’elles soient proportionnées par rapport aux montants des factures, particulièrement pour les cas de défaut de déclaration, de déclaration tardive et de déclaration incomplète ou insuffisante. S’il est admis qu’il est tout à fait légitime de mettre en place des sanctions pour lutter, notamment contre le défaut de déclaration, de déclaration tardive et de déclaration incomplète, il est également recommandé de pondérer les sanctions au montant des factures et à la taille des entreprises et ce, en mettant en place un mécanisme appliqué en pourcentage sur le montant de la facture au lieu des amendes forfaitaires en valeur absolue. Par ailleurs, il convient de noter que le projet de loi n’est pas clair sur l’utilisation finale de l’amende pécuniaire qui sera versée sur un compte d’affectation spécial dont le produit serait destiné au financement de l’entreprenariat. A ce sujet, le Conseil propose d’insérer dans la loi de finances, les dispositions relatives à l’institution dudit compte et de définir les mécanismes de son fonctionnement.
Par ailleurs, le Conseil de la concurrence recommande également d’exclure les factures contestées du champ d’application de l’amende. Selon lui, une des préoccupations soulevées par les différents acteurs auditionnés dans le cadre de cette demande d’Avis porte sur le fait qu’il n’est pas convenable de procéder au règlement d’une facture, objet d’un désaccord entre l’entreprise émettrice et celle du destinataire. A cet effet, il propose de ne pas appliquer l’amende pécuniaire prévue par ce projet de loi sur les factures faisant l’objet d’une procédure de contestation déjà entamée par l’entreprise qui l’a reçue, avec la condition que la contestation soit prouvée, notamment par un dépôt d’une plainte devant le tribunal. Dans ce cas de figure, le Conseil recommande que ces factures ne soient pas portées à la charge des entreprises concernées.
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4. Sur le régime des dérogations
A ce niveau, l’instance recommande de réintroduire l’approbation préalable par décret après avis du Conseil de la concurrence, des accords dérogatoires professionnels comme stipulé par l’ancienne loi n° 49.15. Aussi et compte tenu des risques concurrentiels élevés de ce genre d’accords, le Conseil recommande de reprendre la rédaction de l’article 3 du projet de loi en vue de réintégrer ces dispositions pour répondre à une double préoccupation concurrentielle.
Premièrement, l’avis du Conseil est souhaitable parce qu’une concertation sur l’uniformisation des délais de paiement au sein d’une organisation professionnelle pourrait constituer une pratique anticoncurrentielle. De même, l’accord dérogatoire pourrait comporter des clauses non conformes aux règles de concurrence. En outre, ce besoin s’accentue, surtout que la loi n° 104.12 ouvre la possibilité d’exemption automatique des dispositions des articles 6 et 7 relatives aux pratiques anticoncurrentielles lorsqu’elles résultent de l’application d’un texte législatif ou d’un texte règlementaire pris pour son application. Deuxièmement, la possibilité de l’extension de l’accord dérogatoire vise à appliquer l’avantage relatif aux délais de paiement pris par l’accord à la totalité des opérateurs relevant de la profession signataire y compris les entreprises non-membres de l’organisme professionnel et à éviter ainsi, de créer des distorsions de concurrence entre les entreprises opérant dans un même marché.
Pour cela, le Conseil propose de prévoir un cadre clair et précis définissant les conditions d’octroi des exonérations de paiement des amendes pécuniaires. En détails, afin d’assurer la transparence et l’égalité de traitement dans l’octroi de l’exonération sur le paiement des amendes par tous les redevables en respectant les principes de l’équité et de l’égalité, il recommande d’encadrer et de clarifier les conditions et les critères pouvant justifier l’acceptation ou le refus par le ministère chargé des Finances, d’une demande de remise ou de modération des amendes résultant de l’application des sanctions prévues par le présent projet de loi. Ces conditions et critères doivent répondre aux principes de transparence, d’objectivité et de non-discrimination.
En outre, le Conseil de la concurrence propose d’adopter une approche sectorielle ou par zone géographique pour accorder ces exonérations plutôt que celle figurant dans le projet de loi qui est basée sur le traitement au cas par cas, susceptible de créer des situations discriminatoires surtout pour la catégorie des TPE et des PME disposant d’un faible pouvoir de négociation. Dans le cas où le Gouvernement décide de maintenir cette disposition telle que formulée dans l’avant dernier alinéa de l’article 78.3 tel que complété et modifié par l’article premier du présent projet de loi et en vue de sauvegarder le droit constitutionnel de recours du créancier lésé, le Conseil de la concurrence recommande de reprendre la rédaction de cet aliéna en le complétant comme suit : « Le Ministre chargé des Finances ou la personne déléguée par lui à cet effet peuvent accorder…, remise ou modération des amendes visées au présent article et ce, par décision motivée publiée au B.O ». Une telle proposition est de nature, également, selon l’instance, à éliminer le risque de conflit d’intérêts des services de l’État qui auront à statuer, par la même occasion, sur des demandes émanant des EEP dont l’État est propriétaire totalement ou partiellement.
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5. Sur la sauvegarde des droits des créanciers
Pour que les entreprises créancières puissent faire valoir leurs droits, notamment pour la demande portant sur l’indemnité de retard, le Conseil de la concurrence recommande de restituer à ces créanciers une partie de l’information en leur donnant la possibilité d’obtenir une preuve de la part de l’administration fiscale, telle qu’une attestation de non-paiement et ce, à chaque fois qu’une amende est émise. Cette attestation aura une valeur probante puisqu’elle émane de l’administration fiscale, ce qui faciliterait les jugements en matière de paiement au niveau des tribunaux et, par voie de conséquence, serait un facteur de pression additionnelle sur les mauvais payeurs puisqu’ils seront doublement pénalisés : une première fois par l’amende et une seconde fois par les indemnités de retard.
Il est proposé, en conséquence, de prévoir et d’insérer une disposition prévoyant l’octroi de cette attestation dans l’article 78.3 modifiant et complétant la loi n° 15.95 telle que modifiée et complétée par le premier article du présent projet de loi.
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6. Sur la procédure d’achat des EEP
Pour le dernier point, Compte tenu du poids et de l’importance des EEP dans l’économie nationale aussi bien comme locomotive que comme vecteur de l’investissement public et tout en enregistrant les efforts notables déployés par ces entités en matière de réduction des délais de paiement de leurs fournisseurs, le Conseil recommande d’un côté, d’implémenter et de généraliser le système GID à l’ensemble des établissements publics à caractère administratif, tout en invitant les EEP agissant dans les secteurs marchands à digitaliser l’ensemble de leurs procédures d’achat.
D’un autre côté, le Conseil de la concurrence recommande également de faire évoluer la réglementation des marchés publics applicable aux EEP, notamment à ceux opérant dans des marchés concurrentiels en leur laissant la possibilité de disposer de règlements d’achat propres adaptés aux spécificités de leurs activités et de leurs opérations d’achat. Ce règlement permettra ainsi, à ces entreprises publiques de maitriser la traçabilité des dates exactes de réception, de facturation et de paiement.