Électronique

Départ de Samsung de la Chine : comment le Maroc peut-il profiter de la redistribution des cartes ?

Atelier du monde pendant plus de deux décennies, la Chine semble aujourd’hui bien ancrée dans une autre phase de son développement. Le pays voit des constructeurs se retirer devant à un renchérissement des coûts. Effet collatéral du développement économique ou stratégie pensée, d’autres marchés pourraient bénéficier de cette migration de la production mondiale. Le Maroc surtout, s’il s’y prépare.

L’époque d’une croissance économique chinoise à deux chiffres est désormais révolue. Avec des coûts plus élevés, conséquemment à une augmentation du niveau de vie, l’Empire du Milieu semble peu à peu perdre de son attractivité coût, autrefois argument phare de son positionnement dans la chaîne de valeur mondiale. Le déménagement depuis quelques années des activités de production de Samsung vers le Vietnam en dit long. Le groupe sud-coréen devait y fermer, fin août, sa dernière usine de fabrication de PC et de portables en Chine, après la fin de la production des smartphones en 2019. L’usine de Suzhou qui fabriquait ces PC et portables, laisse sur le carreau quelque 1.700 employés. Alors que le site comptait, à son pic, plus de 6.500 personnes en 2012. Le site monté en 2002, en pleine euphorie de la production chinoise, exportait jusqu’à 4,3 milliards $ en 2012. Mais ce chiffre a chuté à 1 milliard $ de matériels informatiques en 2018. Et déjà, en mars 2020, l’entreprise sud-coréenne avait annoncé la fermeture de tous ses sites de production d’écrans LCD dans le pays.

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Officiellement, Samsung veut « améliorer l’efficacité à travers les bases de production ». Mais avec un marché des PC qui a fortement baissé, le revirement vers d’autres pays moins chers comme le Vietnam est rapidement devenu une solution pour plusieurs producteurs. Puis les tensions commerciales entre la Chine et les USA n’arrangent pas les choses. La Corée du Sud, partenaire historique des États-Unis, chercherait-elle à se sortir des tirs croisés entre les deux géants du monde, que le moment ne serait pas plus opportun.

Plutôt un nouveau positionnement de la Chine

Si la hausse des coûts de production, les craintes liées à la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine sont des arguments indéniables, Hafid Griguer pense que même si « ce mouvement migratoire de la production n’a pas été prévu par tout le monde, il s’agit plutôt d’une politique appliquée par la Chine ». Le Vice-président de l’Association du secteur de l’électronique (ASEL), organisation affiliée à la FENELEC, estime que « la Chine ne veut plus être vue comme une destination low cost de la production mondiale, mais plutôt comme une destination de qualité. Elle veut se positionner comme l’Europe et les Etats-Unis. Il s’agit là donc d’un changement de politique vendeur et non de politique acheteur », explique-t-il. En faisant ce choix de repositionnement d’image, la Chine sait que la montée en gamme de sa production va engendrer des coûts de développement plus importants ; ce qui lui fera perdre certains segments d’activité. Mais elle aura fait le choix d’aller vers des produits avec une meilleure valeur ajoutée. C’est un risque que l’atelier du monde veut bien prendre. « D’autres marchés comme l’Europe de l’Est ou encore le Maroc pourront profiter de cette redistribution des cartes dans la chaîne de production mondiale », ajoute Hafid Griguer. Avec un marché qui s’est établi en 2019 à quelque 322,11 milliards de dollars et des prévisions pour 2020 de 375,61 milliards de dollars (1), il y a moyen de capter des parts.

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Les PCB (cartes-mères) : créneau à saisir pour le Maroc

Justement, c’est là où le Maroc a une carte à jouer. Avec une production orientée à l’export de 8.659 millions de dirhams en 2019 (2), le Royaume pourrait saisir des opportunités. À condition, bien entendu, que « le pays renforce son outil de formation pour former des profils et compétences pointus en électronique d’une part. Et d’autre part, qu’il fasse de son mieux pour les retenir sur place. Ceci permettra d’attirer les investisseurs et les convaincre de s’installer au Maroc », détaille Hafid Griguer. Pourquoi ? « Le Maroc peut jouer un rôle essentiel dans ce mouvement de migration de la sous-traitance électronique mondiale. L’électronique est une industrie industrialisante. Et dans la configuration du secteur de l’électronique au Maroc, il y a une brique intermédiaire qui manque, le PCB, et sur lequel le Maroc peut se positionner. C’est le positionnement à adopter si le Maroc veut créer plus de valeur ajoutée supplémentaire », avance le Vice-président de l’ASEL. Celui-ci fait référence à la production de cartes-mères/carte électroniques. En effet, dans le secteur on peut distinguer trois briques. D’abord, la micro-électronique de silicium qui consiste en l’étude et la fabrication de composants électroniques à partir de matériaux semi-conducteurs comme le silicium. « Sur ce créneau, le Maroc est trop en retard et n’a pas besoin d’y gaspiller ses forces. Cela exige beaucoup de recherches, des investissements coûteux sans oublier l’existence d’un grand nombre de brevets, de propriétés intellectuelles », explique Griguer. Plus loin, dans la 3ème brique, il y a les firmware, ces micro-logiciels sur lesquels le Maroc est bien positionné. Entre les deux, se trouve l’électronique de PCB (carte, puce, routage, design de carte électronique, …). « On ne fait pas le PCB, or ce créneau a une grande marge de progression. Le Maroc peut booster plus l’électronique en rajoutant cette deuxième brique. Nous devons aller vers la fabrication de cartes électroniques au lieu de continuer à importer des composants pour un assemblage ici. Cette production servira au moins à satisfaire le marché local et les intégrateurs locaux », souhaite Hafid Griguer. En effet, il n’y a pas de production d’intrants électroniques, nous dit-on au Ministère de l’Industrie. « Par contre, le Maroc produit des semi-conducteurs (les puces électroniques). Cette production a commencé avec l’implantation de ST Microelectronics au Maroc qui en a posé les jalons. Le Maroc cherche aujourd’hui à améliorer la fabrication de composants », explique-t-on.

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Contrairement au Maroc qui n’en dispose pas, la Tunisie compte une dizaine d’acteurs qui peuvent développer du PCB. Mais le Royaume réalise de bonnes prouesses en se positionnant sur l’électronique automobile, médical, aéronautique, énergétique, ferroviaire,  etc. Le secteur est transverse et reste difficile à évaluer concrètement. Le Maroc a donc une carte à jouer pour récupérer une partie de ce flux d’affaires qui risque de se détourner de la Chine dans les prochaines années. Et la stratégie d’écosystèmes et d’industrie de substitution à laquelle le Ministère de l’Industrie s’attèle devra y aider.

La conception de produits de plus en plus externalisée
La conception de produits, qui représente une partie du marché de l’électronique, est de plus en plus mise en sous-traitance par les équipementiers d’origine. Ce sont leurs partenaires des services de fabrication électronique (EMS) qui en bénéficient le plus. Selon TBRC, relayé par un média en ligne, ce marché devrait atteindre 157 milliards d’euros en 2020. L’objectif de ce mouvement, comme toute sous-traitance, étant de réduire les coûts. Un mouvement sur lequel le Maroc pourrait se positionner dans les prochaines années.

(1) Source : Statista
(2) Source : Office des Changes (composants électroniques + électronique de spécialité)

 
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