Portrait

Dirigeante, manager, inventeur

Elle n’a pas 40 ans et pourtant c’est son équipe qui est derrière le premier véhicule utilitaire électrique 100% marocain. Cette ingénieure des arts et métiers a eu un parcours classique qui l’a menée de réussite à l’entreprenariat.

La réussite est parfois un résultat naturel de l’environnement dans lequel on grandit. Une famille stable, des parents éduqués et un milieu privilégié favorisent la reproduction sociale. Tout cela est vrai, mais en même temps ne réussissent que ceux qui veulent réussir. En dépassant leurs obstacles et transcendant leurs conditions. Houda Farrah aurait pu s’orienter vers une voie plus féminine, le marketing ou la communication, mais elle a fait le choix d’un milieu d’hommes, celui de l’ingénierie, et dans une école militaire qui plus est.

Elle est née en 1979, à Marrakech, seule fille, et dernière née d’une fratrie de 4 enfants, c’est dans la ville ocre qu’elle grandit. « J’étais très gâtée par mes frères, puisqu’entre moi et le plus jeune d’entre eux, il y a 7 années d’écart », explique-t-elle, avec une pointe d’humour. Dans son récit, elle s’exprime avec aisance. Ses mots sont fluides, ses idées claires, comme si tout avait été mûrement réfléchi dans de longues introspections.

Son père est enseignant et une sorte de notable à Marrakech. « Il était déjà directeur d’école lorsque je suis née. Il avait formé la plupart des enseignants et connaissait tout le monde. Ils n’étaient pas très nombreux à cette époque », explique-t-elle. Houda est alors une excellente élève, comme souvent le cas pour les enfants d’enseignants. En outre elle faisait ses devoirs sous la férule de sa mère attentive, rappelle-t-elle au passage. C’était aussi une autre époque, où nombre de métiers étaient encore valorisés, comme enseignant, journaliste ou médecin.

Le destin joue en sa faveur
La journée typique d’un élève de cette époque ressemblait à celle des autres. On allait à l’école, on prenait son goûter et on regardait les dessins-animés diffusés par la première chaîne de télévision; la seule en activité au Maroc à l’époque. Les dessins animés japonais avaient alors forgé une génération de jeunes, au Maroc et dans le Monde, promouvant des valeurs de travail, d’effort et de dépassement de soi. Grandizer, Capitaine Majid et Maya l’Abeille berçaient l’enfance de la génération X.

Houda se passionne alors pour la Gymnastique et la littérature. Robert Ludlum et les romans d’espionnage font recette dans les librairies, dans un contexte de Guerre Froide à peine terminée. Elle dévore des romans historiques et différentes biographies, celles d’Amine Maalouf et autres vies de Bethoven et Mozart. Une passion la suit dès l’enfance: le théâtre. Houda brûle les planches à l’école et ne cesse jamais de pratiquer cette activité. Nous y reviendrons.
Elle décroche son Bac en 1997 et doit faire un choix : « Je ne me voyais pas aller en France ou en classe préparatoire, pour préparer les concours d’entrée aux grandes écoles d’ingénieurs », explique-t-elle. Un «coup de pouce du destin» joue alors en sa faveur : « Par hasard, j’apprends que l’École des Arts et Métiers s’installe au Maroc, à Meknès », expose-t-elle. Elle postule et intègre l’antenne marocaine des Gadzarts, fondée par Napoléon Bonaparte.

Un parcours idéal
Meknès, dans les années 1990, est totalement laissée à l’abandon. La ville vit au ralenti, avec nombre de problèmes de sécurité. C’est plus qu’une ville fantôme, c’est une ville qui ne se développe pas !  « L’école était à l’extérieur de la cité, mais chaque fois qu’il fallait acheter quelque chose, on partait alors « en expédition » ». Cela m’a forgé, puisqu’aujourd’hui je suis capable de vivre dans n’importe quelle ville du monde », explique-t-elle.

Houda continue de faire du théâtre, s’investit dans le bureau des étudiants de l’école. Elle décroche son diplôme au bout des cinq années réglementaires. Dans l’intervalle, elle s’envole pour l’Allemagne pour un projet de fin d’études. « Je connaissais déjà le pays, puisque mes frères y ont fait leurs études. En vacances, lorsque j’étais enfant, nous nous rendions en Espagne, en France, pour rejoindre l’Allemagne rendre visite à mes aînés. Mais en général, les vacances c’était la plage d’El Jadida », confie-t-elle.

Houda entre dans la vie active, et débute dans le bureau d’ingénierie du groupe Valéo au Maroc. Une fois encore, elle fait partie de la Première équipe marocaine. Ensuite, alors qu’une «offre en or» se présente, Houda décide de rester au Maroc, au lieu de s’envoler pour la France, et donner suite à une offre du prestigieux groupe aéronautique, Safran. A ce moment l’investissement au Maroc est sur toutes les lèvres. Houda décide de développer sa carrière, et intègre le portail de recrutement Emiratie Bayt.com. C’est enfin pour elle le moment de se lancer à son compte, son souhait de toujours. Une nouvelle opportunité se présente à elle : s’associer dans un bureau d’ingénierie Engima. En même temps, son « rêve devient réalité » : une seconde opportunité, celle de lancer sa propre académie de théâtre. « Lorsque je travaillais dans le recrutement, je me suis rendu compte qu’il fallait développer les facultés de communication des managers et des étudiants », analyse-t-elle. Ce sera la Hellen O’Grady Drama Academy qu’elle lance au Maroc. Et comme l’on dit si bien, « la vie est un théâtre », alors autant la « jouer » pleinement…

Bio express

1979 : Naissance à Marrakech
1997 : Bac Sciences Maths au Lycée Abou Abbas Sebti
2002 : Ingénieure en Génie industriel et productique de l’École des Arts et Métiers de Meknès
Entrée à Valéo
2005 : rejoint le groupe Safran
2007 : rejoint le portail de recrutement Bayt.com
2011 : fonde la Hellen O’Grady Drama
Academy de Casablanca et Engima

 
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