E-entrepreneur, magnat de l’hypermarché en ligne
Malgré son air juvénile, il a déjà un CV des plus impressionnants. Entré dans le monde des affaires le bac en poche, ce « e-entrepreneur » d’un nouveau genre a déjà une demi-douzaine d’entreprises à son actif, et a lancé cette année le premier hypermarché en ligne. Par Noréddine El Abbassi
Rizk Housni c’est la joie de vivre, une curiosité d’enfant couplée à une intelligence pratique. Lorsque nous le rencontrons, il arbore l’un de ses nombreux styles, cette fois jeune «e-entrepreneur» avec une veste croisée sur un jean et des baskets. Mais dans le quartier du Bd Mohammed V, en plein centre historique de Casablanca, on le voit souvent changer de style selon les occasions. Feutre de paille vissé sur la tête, ou même costume de poissonnier avec un bonnet de laine et une barbe de trois semaines.
Rizk est un homme qui sait s’adapter à toutes les situations. Son mentor? Son père, parti trop tôt et dont il avoue au détour de la conversation: «je donnerais tout pour lui parler 5 minutes. Je suis comme lui, et lui se reconnaissait en moi, me soutenait dans tout ce que j’entreprenais. En affaires, je fonce quitte à me casser la figure», se remémore-t-il avec un rire triste.
Il est né en 1983, à Casablanca. Ses parents sont tous deux des anciens de la Royal Air Maroc, qui se sont reconvertis dans le business de l’agence de voyage. Après leur mariage, ils ont un fils unique qu’il est. Mais si ce dernier est un enfant sage, il a cependant une santé fragile. Son asthme chronique est alors un réel handicap, et fera de lui un enfant «arrondi» par la cortisone, un vaporisateur de ventoline vissé à la main.
«Mes parents ont pourtant tout tenté pour me soigner. Alors que nous résidions à Casablanca, je me rendais régulièrement à Mohammedia, pour des séances d’acupuncture. Scolarisé à la Mission Française et pour les mêmes raisons, on m’a envoyé en internat, en France, pour suivre un traitement expérimental. A Clermont-Ferrand, précisément», confie-t-il.
Entrepreneur dans l’âme
Les épreuves donnent une âme, et des épreuves, Rizk en connaît plus qu’il n’en fallait. En France, il doit faire face au racisme ambiant, et apprendre à composer avec: «Le traitement médical a marché. Du coup, libéré, j’ai commencé à faire jusqu’à trois heures de sport par jour, durant la semaine. Un week-end sur deux, mes parents venaient me voir en France. Mais j’étais également le seul arabe de l’école, et mes camarades étaient pétris de préjugés sur le Maroc. Pour me défendre, je devais plonger dans des encyclopédies, pour prendre connaissance de l’histoire de mon pays et dans les livres de droit, pour savoir comment me défendre, sans utiliser de la force», explique-t-il. Cet intérêt pour le droit restera même pendant ses études, mais il tempère: «on doit savoir se défendre partout».
En meilleure santé, Rizk rentre au Maroc, auprès de ses parents et prend la revanche sur son enfance maladive. Il retrouve sa confiance en lui même, s’adonne au sport, et s’impose comme un «caïd» dans la cour de l’école. Dans son récit, il a un air «pondéré», presque sage, d’un jeune homme qui, avec l’expérience acquise, a mûri entre-temps. Mais ce n’est pas un matheux et il s’oriente vers des études plus pratiques, les Sciences Techniques et Tertiaires, en Action Commerciale et Communication. L’ORT, qui organise l’enseignement principalement pour les enfants juifs, est alors une école de la seconde chance, dirigée par M. Abergel qui le traite comme un fils et lui conseille de refaire une année scolaire insuffisante. Il finit par décrocher son Bac en 2003. Mais il ne voit pas les études comme la seule manière de réussir.
Rizk usera les bancs de l’ESG puis de l’ESIAC avant de laisser les études derrière lui. «J’avais envie d’entrer dans le bain. De sortir des sentiers battus», explique-t-il, avec un air «volontaire», mais toujours avec des manières douces.
Débuts dans les affaires
Nous sommes en 2005 lorsqu’il se lance dans le monde des affaires. «J’ai racheté une entreprise d’évènementiel en faillite, pour la remettre à flot», lance-t-il, avec un rire taquin. Les yeux malicieux, il a des airs gourmands d’enfant dans une confiserie. A ce moment, ce sont les débuts d’internet et Rizk lance un premier site internet de photos de soirées. «Il n’y avait pas beaucoup d’entreprises capables d’en faire, et le marché était là», explique-t-il.
C’était avant la razzia de Facebook sur ces marchés du monde de la nuit. Dans la foulée, Rizk lance une webradio. L’aventure dure quelques temps. A ce moment, il dispose d’un ordinateur portable, un micro acheté au Derb Ghallef et de la bonne volonté de jeunes qui se feront un nom dans l’audiovisuel: «pour passer les appels, on avait scotché un téléphone en haut parleur au micro. Comme je n’avais qu’une seule fiche micro sur mon PC, nous fonctionnions en fiches multiples, de proche en proche, jusqu’à ce que le son « sature » de temps en temps», lâche-t-il dans un éclat de rire.
Premier coup dur, lorsqu’en 2007, il organise une soirée avec le célèbre DJ Sébastien Léger le vendredi 13 avril. Le buzz est monumental sur le web, mais les gens ne sortent pas de chez eux, suite à une malencontreuse explosion dans un cybercafé dans un quartier populaire. «J’ai perdu 300 000 dirhams en une soirée, toute ma fortune d’un coup. Heureusement j’ai pu absorber 50% des pertes. Mon père a été compréhensif et pour lui, la leçon était qu’il faut toujours un plan B», explique-t-il. Il poursuit quelques temps dans l’évènementiel, avant de se tourner vers l’entreprise familiale.
L’entreprise familiale et l’entrepreunariat
Entre 2006 et 2007, il fait des allers retours à l’agence de voyage familiale. «Déjà enfant, je trainais dans l’agence pour apprendre le travail. Mais mon père ne m’a pas bombardé immédiatement Directeur. J’ai commencé derrière le comptoir. D’abord comme assistant, puis comme agent pour vendre des packs de voyage et faire des réservations de billets pour les clients», explique-t-il. Il apprend le métier, admettant qu’il s’agit moins d’une formation que d’un apprentissage sur la durée. Lorsque le B A BA du métier a été assimilé, il sera nommé assistant au Directeur Commercial, avant d’être confirmé en titre dans la fonction.
En parallèle, Rizk a toujours cette soif d’entreprendre. Ce sont les débuts du e-commerce, et il a une idée. «Tout le monde me décourageait. On me disait: comment veux-tu vendre des chaussures à des femmes qui ont besoin, avant de les porter, de les essayer, de les « sentir »? J’ai néanmoins foncé, assuré que de toutes les manières et sans savoir pourquoi, ces futures clientes achèteront», avance-t-il, encore fier de son « feeling ». A ce moment, Rizk renoue avec son côté autodidacte. Il apprend tout ce qu’il y a à savoir sur le web marketing, le web design et le e-commerce.
C’est la période où pour lui, les derniers développements du web constituent sa « bible ». Il passe des journées à consulter les référencements de son portail et les consultations de ses campagnes. Deuxième coup dur. Son père est sur la fin de vie et son décès en 2011 est pour Rizk une épreuve pénible: «c’était très dur et très rapide. Ce jour là, j’étais sorti alors que son état n’était pas inquiétant. Mais un appel urgent de ma mère m’annonçait dans l’après midi, son décès. Ses derniers mots étaient «le patron s’est réveillé». Le plus grave n’a pas été de tomber, mais je m’en suis relevé», développe-t-il avec un brin de tristesse, en remerciant le ciel de ne pas avoir sombré. Suivra une période de reconstruction au cours de laquelle il rencontre son épouse qui le soutient et le pousse de l’avant.
Depuis 2015, Rizk Housni s’est lancé un nouveau challenge, My Market.ma, un hypermarché en ligne. L’entreprise n’en est qu’à quelques mois en ligne, mais déjà, elle annonce le nouveau développement de la grande distribution. Il sut devenir un «magnat d’internet».
BIO EXPRESS
1983 : Naissance à Fès
2010: Lancement de l’agence digitale
2016: Lancement de la plateforme Adlive Digital Network