Elections, mode d’emploi
La campagne est déjà lancée, elle risque d’être longue, ennuyeuse et pas fair-play. Abdelilah Benkirane a brulé la politesse à son ministre de l’Intérieur. Il a annoncé lui-même le calendrier des élections municipales, régionales, qui doivent aboutir au renouvellement de la deuxième Chambre, dans l’inconstitutionnalité depuis deux ans.
Il a fait mieux, il a lancé la campagne électorale un an à l’avance. Aucun Chef de gouvernement ne s’implique autant que lui dans la vie de son parti. Il est présent chaque week-end, depuis trois mois, dans une réunion partisane. Ce n’est pas anodin, cela dévoile une vraie stratégie, un positionnement politique.
Que dit-il dans ces réunions ? D’abord, il attaque le PAM. Il sait ou il pense que ce parti constituera le principal adversaire lors des élections locales à venir. En 2003, le PJD n’a pas pu envoyer d’élu à la deuxième Chambre, victime des alliances locales. Le PJD gouverne sans avoir une présence au sein de la Chambre des conseillers. L’objectif est clair, y faire une entrée fracassante, mais on peut s’interroger sur le discours véhiculé. Le Chef du gouvernement parle souvent de “risques” de manipulations, alors qu’il est aux commandes. Son discours, c’est “soit nous sommes devant, soit les élections ont été manipulées”. Il l’avait formulé en ces termes avant les législatives et ça avait marché. Mais cette fois, il n’est plus dans l’opposition, il dirige le gouvernement. Ce qui rend le discours pour le moins bizarre. Mais pas pour ses bases. Celles-ci se complaisent dans la position d’un parti de gouvernement en opposition à un prétendu état-profond. Toutes les difficultés, tous les échecs, pourtant patents, sont mis sur le compte des poches de résistances qui ne laisseraient pas travailler les Islamistes. Aussi imbécile que cela puisse paraitre, c’est le discours du PJD et cela à l’air de marcher.
Gloire aux notables
Les autres partis ne sont pas en reste. Ils savent que pour contrecarrer la machine islamiste il ne faut pas attendre les dernières semaines. Mais, ils ont tous fait le choix de se disputer les notables. Les élections locales au Maroc ne sont pas très politiques, on vote d’abord pour des individus quand on vote. Toute la classe politique pense que le taux d’abstention sera fort élevé et que cela se jouera entre les notables et leurs méthodes et les Islamistes soutenus par le MUR, leur véritable colonne vertébrale.
Ceux qui essayent de donner du sens à l’action politique, en préparant des projets pour la ville, comme le fait l’USFP à Casablanca ont du mal à exister tel que c’est enclenché, il y a peu de risque que la mobilisation se fasse projet contre projet. Benkirane impose son tempo : “Nous sommes les réformateurs de bonne volonté, les autres, tous les autres nous empêchent de travailler et sont donc contre l’intérêt général». Mais ce discours fatigue, lasse et porte de moins en moins. Les notables remuent leurs circuits et se préparent à la bataille. Des partis comme le RNI, le PAM ou la Haraka sont déjà en ordre, les victimes risquent d’être l’Istiqlal et l’USFP. Leur ADN leur impose de donner un sens politique à leur action. En interne, ils sont en ébullition face à une volonté de renouvellement des élites. Ils sont en déphasage relatif face à des élections qui se préparent autrement, l’enjeu pour ces partis sera le taux de participation. Mobiliser les électeurs politisés est leur porte de secours. Sinon, il leur faudra leur part de notables pour espérer exister. C’est malheureux, mais c’est ainsi. Tant que la moitié des électeurs ne se déplace pas, il est impossible de faire de la politique au Maroc.