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Fabrication de batteries pour véhicules électriques, le Maroc a-t-il ses chances ?

Dans une voiture électrique (VE), la batterie reste la pièce la plus chère et constitue jusqu’à 40% de son coût. Etant donné que les constructeurs de VE ne fabriquent pas tous leurs propres batteries, une course effrénée s’est imposée entre les majors pour installer, à proximité, des gigafactories pour rester compétitifs dans ce domaine de très haute technologie.

D’après le dernier rapport de l’IEA (International Energy Agency), les ventes mondiales de VE en 2021 se sont portées à 6,6 millions d’unités, soit un triplement de la part de marché en deux ans. Et les perspectives du secteur sont prometteuses, car une étude récente estime que pour que 100% des véhicules dans le monde fonctionnent soit à l’électricité, soit à l’hydrogène, il faudrait que la capacité de fabrication des batteries soit démultipliée par 88 fois plus que la capacité installée en 2020.

En termes de CA, le marché des batteries pour VE représente une activité de 27 MM de dollars par an et le marché pourrait encore atteindre 127 MM de dollars en 2027. D’où une multiplication de projets d’usines, qui sont souvent le fruit de partenariats entre des constructeurs automobiles et des acteurs dans le domaine des batteries. 

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Le modèle des batteries pour VE le plus utilisé, est une batterie qui pèse 400 kg constituée à raison de 32% d’aluminium, 10% de nickel, 5,5% de cuivre, 3% de manganèse, 2,3% de cobalt et 2% de lithium ainsi que d’autres ingrédients. Ce qui pose problème pour les fabricants, ce sont le lithium et le cobalt à cause de l’évolution de leurs prix. En effet, le prix du lithium a été multiplié par 8 en seulement deux ans, passant de 10.000 dollars la tonne en 2020 à 80.000 dollars/T aujourd’hui.

Ce niveau de prix s’explique non pas par sa rareté sur terre, mais par le fait que la demande a explosé ces dernières années alors que l’extraction n’a pas suivi. Les compagnies minières qui maitrisent ce process n’ont pas fait suffisamment d’investissements pour développer la production. Pour le cobalt, la situation est un peu différente car, en Afrique par exemple, il n’y a que trois pays producteurs de cobalt : la République démocratique du Congo (70% du cobalt mondial), Madagascar et le Maroc. Le Royaume fait partie des dix premiers producteurs de cobalt et ses réserves sont largement suffisantes pour créer une industrie de batteries sur place. 

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Autre chance pour le Maroc, une tendance croissante dans les technologies utilisées pour les batteries des VE qui consistent à remplacer les batteries Li-ion NMC (nickel-manganèse-cobalt) par des batteries LFP (lithium, fer, phosphate), en remplaçant le cobalt et le nickel coûteux ainsi que le manganèse par du phosphate et du fer relativement moins chers. Bien qu’elles n’offrent pas les mêmes autonomies plus longues que les batteries NMC, les batteries LFP à base de phosphate sont moins chères, plus sûres et durent plus longtemps que leurs homologues à base de cobalt.

A ce niveau, il est à rappeler que la société chinoise CATL, le plus grand groupe mondial de batteries, fournit déjà des batteries au LFP à Tesla, Peugeot, Hyundai, Honda, BMW, Toyota, Volkswagen et Volvo. Ainsi, l’utilisation croissante des batteries LFP favorise le Maroc qui possède 70% des réserves mondiales de phosphate. Cela constitue une opportunité pour transformer le Maroc en un centre de production de batteries pour VE à l’échelle mondiale.

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D’après le think tank américain Middle East Institute, dans une étude parue récemment, «Les réserves minérales pour les batteries dont dispose le Maroc accélèrent aujourd’hui son entrée dans la fabrication de véhicules électriques». En effet, le Maroc a développé son industrie automobile ces dernières années, et dispose aujourd’hui de tout un écosystème sur place pour préparer l’arrivée des grands fabricants de batteries et de se convertir progressivement à la fabrication de voitures électriques. D’ailleurs, les premières voitures électriques sont déjà fabriquées au Maroc par le groupe Stellantis avec la Citroën AMI, Opel Rocks-e, et bientôt Fiat Topolino.

Sans oublier aussi que le Maroc est l’un des pays les plus avancés en matière d’électricité verte. Cette situation lui permet d’être à la fois en mesure de garantir que ses véhicules de mobilité verte soient produits de manière durable et respectueuse de l’environnement, et aussi d’être en mesure de parer à la discontinuité de la production de l’électricité à partir des ressources renouvelables (soleil, vent). En effet, le développement de la production des batteries offre des possibilités illimitées de stockage d’énergie verte sur des batteries pour la libérer durant les périodes creuses (absence de soleil et de vent). 

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Ainsi, les premiers éléments qui confortent cette vision commencent à fuiter. Le 21 juillet dernier, le ministre de l’Industrie Ryad Mezzour avait déclaré à la presse que le Maroc envisage de signer, avant la fin de cette année, un accord de 2 MM de dollars avec des fabricants de batteries EV pour établir une gigafactory au Maroc. La nouvelle giga-usine pourrait accueillir la production des 300.000 véhicules supplémentaires ciblés en tant que véhicules électriques, prévoit l’étude du Middle East Institute.

Autre information qui va dans ce sens, dans une interview avec la presse nationale le 21 août dernier, l’ambassadeur de la Chine au Maroc a annoncé : «Il y a deux entreprises chinoises qui sont en concertation avec les autorités marocaines pour la fabrication des batteries. Donc, ce sont des secteurs vraiment futuristes dont nous avons besoin et les entreprises chinoises pensent que le Maroc possède des atouts extraordinaires, à savoir la proximité avec l’Europe, avec l’Afrique et avec le monde arabe, etc. Le Maroc a une politique d’attractivité de l’investissement intéressante et possède aussi des travailleurs qualifiés».

 
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