Portrait

La femme d’affaires qui veut dominer le monde du bien-être

C’est une petite femme dynamique et qui ne se laisse pas impressionner. Cette femme d’affaires qui a fait ses preuves avec de grands noms du luxe et du tourisme continue son irrésistible ascension. Elle se concentre sur sa passion: le bien-être et le luxe et lance sa propre chaîne de SPA. par Noredine El Abbassi 

L

a vie est un combat, certains le relèvent, d’autres le refusent lorsqu’ils ne peuvent le remporter. Mais au final, si la vie distribue les cartes, il appartient à tout un chacun de les jouer. Asma Mernissi est une de ces femmes de tempérament qui ne se laissent pas impressionner et qui ne baissent pas les bras devant l’adversité. Elle a adopté le style dynamique, jean et blouse vert pâle, le pas décidé. Elle dégage le charisme d’une femme qui a négocié des affaires avec de grands noms, et qui, d’ailleurs, a su faire sa place au Maroc. C’est qu’elle est tunisienne de naissance, marocaine d’adoption. Elle est en quelques sortes le reflet de l’identité maghrébine de la génération Bourguiba, Sadate et du nationalisme arabe, lorsque le rêve était permis. Elle est née en 1962, à Tunis. Troisième des cinq enfants d’un fonctionnaire du Ministère des PTT et d’une femme au foyer. C’était la grande époque tunisienne. Après l’indépendance et avant les chocs pétroliers, le monde vivait les tensions entre les deux blocs, soviétique et occidental, lorsque le troisième parti, celui du Tiers-Monde peinait à émerger. A ce moment, la Tunisie vivait encore l’euphorie de l’indépendance récemment arrachée et prenait les mesures qui feront, par la suite, sa particularité. On se focalise sur l’éducation des jeunes, pour préparer les générations à venir. On accordait aux femmes les droits qui en feront les plus libres du monde arabe. Féminisme d’état? “Je ne crois pas que l’on puisse l’exprimer ainsi. Lorsque Bourguiba, alors amoureux de Wassila, une femme mariée, a commencé à se pencher sur la condition de la femme, ce sont ces dernières qui sont sorties dans la rue pour manifester. Elles ont eu besoin de temps pour digérer cette nouvelle situation”, explique Asma Mernissi. 

Une enfance tunisienne

Elle grandit dans un foyer traditionnel, où l’on est attaché à la religion et aux valeurs de l’islam. A cette période, toutes les villes ont leur centre culturel, où l’on initie les jeunes aux sports, aux arts et autres activités ludiques. C’est dans l’enceinte du Centre Culturel de Tunis que la jeune Asma apprend le chant et s’initie aux échecs. Elle n’a que six ans lorsqu’elle chantera à la télévision tunisienne. Mais le contexte traditionnaliste de sa famille marquera un coup d’arrêt à cette passion. A la maison, on est pratiquant, et Asma se plonge dans la religion. De peur qu’elle ne sombre dans le prosélytisme, son père marquera un nouveau coup d’arrêt.

Asma est scolarisée dans les écoles du système public qui fournit la meilleure éducation. Son Lycée, Al Omran est un établissement de jeunes filles qui s’ouvre progressivement aux garçons. En pleine évolution de la société tunisienne qui prend le chemin de la modernité, Asma est cantonnée dans une vie de famille traditionnelle, où les sorties entre filles et les cinémas sont proscrits. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle vit séquestrée chez elle. Elle est très proche de son père ,qui, à l’instar des hommes de cette époque, se montre autoritaire malgré sa culture et sa modernité. “Lorsque j’ai eu mon Baccalauréat littéraire, je lui ai demandé de faire mes études à l’étranger. J’aspirais à la liberté, et dans sa grande sagesse, il y a accédé et m’a envoyée dans une ville estudiantine, qu’étais Grenoble, plutôt qu’à Paris”, se remémore-t-elle, les yeux dans le vague et jouant avec son collier. 

Monter en France pour les études 

Nous sommes en 1980, et Grenoble déborde d’activités de tous genres. “Lorsque j’y suis arrivée, je me suis retrouvée plongée dans une ville cosmopolite et agréable. Les activités  culturelles étaient quotidiennes”, avance-t-elle dans une souvenance nostalgique. Elle étudie les langues appliquées à la gestion, l’anglais moderne et classique. Asma doit lire de volumineux classiques de la littérature anglaise indigestes, mais qui lui donneront de bonnes bases dans la langue de Shakespeare. Elle se fiance en 1985 avec son futur mari, rencontré dans le tumulte de la vie universitaire grenobloise et poursuit sa licence en langues appliquées à Lyon. “Lyon était très différente de Grenoble, une grande ville bourgeoise. Mais pendant toute l’année, j’ai fait la navette entre Grenoble et l’Université. La maîtrise en poche, j’ai suivi mon mari au Maroc où nous nous sommes mariés”, explique-t-elle en passant discrètement les doigts sur son alliance. Rapidement elle se met à la recherche d’un emploi. Sans succès, quand le Centre Américain lui propose un emploi non rétribué, qu’elle acceptera pour occuper ses journées. Finalement, Asma entre dans le monde du tourisme en intégrant un Tour Opérator. Elle est d’abord chargée d’organiser des voyages pour les clients de l’agence avant qu’on ne décèle en elle la fibre commerciale. Dès lors, sa carrière décolle puisqu’elle sera chargée de prospecter les marchés extérieurs, et de ce fait de fréquenter les salons professionnels. Cette période de contacts lui sera bénéfique, et elle sera appelée à de plus hautes fonctions. 

Débuts dans le monde des affaires 

Arrive 1989, quand elle intègre la chaîne hôtelière Salam. Elle gravit rapidement les échelons pour devenir directeur commercial avant de découvrir qu’elle attendait un heureux évènement: “Je suis allée voir le président du groupe pour lui proposer ma démission, qu’il a refusée”, dit-elle sans se départir de sa spontanéité. Mais pas question d’abandonner ses responsabilités, Asma continue de travailler jusqu’à l’accouchement et quelques jours plus tard seulement, reprend les dossiers en attente depuis son domicile. “J’y étais forcée. Le travail n’allait pas se faire de lui-même et je devait gérer 17 hôtels, quatre bureaux de vente en plus du parc roulant. Et il n’était pas question de trouver une excuse pour se défiler”, assène-t-elle d’un ton décidé. C’est alors qu’elle découvre la thalassothérapie et les produits du bien-être, au détour d’un salon professionnel. Mais le travail lui prend toute son énergie. Elle décide alors de faire une coupure. Après quoi, Asma change de métier tout en restant dans la même structure. Elle s’oriente déjà vers le bien-être. Elle ne gère alors qu’un seul hôtel, le Lido. Mais la première Guerre du Golfe met le tourisme à terre. La chaîne Salam est alors mise sous la coupe du CIH, où l’on ferme des unités et on “serre la vis”. Asma décide alors de prendre une nouvelle orientation de carrière. C’est qu’au cours d’un voyage au Canada, elle découvre une franchise de vêtements qu’elle représentera au Maroc. Avec une amie, elles sont les premières à lancer le secteur de la franchise dans le pays. L’aventure qui commence en 2002 dure trois années au bout desquelles elle décide de se consacrer au bien-être après avoir pris la direction commerciale d’une enseigne de joaillerie. Son projet est déjà ficelé, mais une marque de SPA l’en détourne. Une fois encore, elle passe cinq années à se consacrer à autre chose. Arrive 2010, et Asma lance enfin sa propre chaîne de SPA. Elle développe ses produits et ses soins avec de grands noms de la profession, veille aux normes de qualité et met du coeur à former ses employés. L’attention au détail sera payante, puisque le grand couturier japonais Takada Kenzo lui décerne le prix de la qualité. Dès lors, ses rivaux d’hier doivent reconnaître son mérite. On ne peut rien contre la passion, car c’est elle qui anime les entrepreneurs.  

 
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