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La mauvaise gouvernance : frein au développement

Il est temps d’en convenir, il y a un vrai drame de la gouvernance, ce qui affaiblit l’efficience des politiques, entrave l’essor productif et in fine, empêche l’émergence.  

Le débat public est obstrué par les questions politiques, institutionnelles. Elles ont leur importance et elle est déterminante. Mais nous devons nous poser la question de la gouvernance. Pourquoi est-ce que les décisions prises au niveau de l’exécutif n’arrivent-elle pas à se matérialiser sur le terrain sans retard ? Pourquoi est-ce que tous les projets d’infrastructures finissent par coûter plus cher que prévu ? On peut lister un nombre infini de questions. Il y a un vrai problème.

Un maquis administratif

Notre administration n’a aucune agilité. Un décret ministériel, ou même une loi, ne sont respectés par les fonctionnaires qu’une fois qu’ils ont reçu une circulaire, ce qui prend parfois des mois, sinon plus. La cohésion entre les différentes administrations n’est pas au rendez-vous. Cela crée des pertes de temps pour les citoyens en général, mais aussi pour les entrepreneurs. La création d’entreprises est toujours un casse-tête, alors que dans d’autres pays comparables, elle ne demande que quelques heures.

La multiplicité des intervenants est un autre problème. La décentralisation a créé un véritable mille-feuille. Les collectivités locales ont acquis un nombre grandissant de compétences, parfois sans les moyens correspondants pour les assumer. Seulement de déconcentration administrative, il y en a point. Les délégués régionaux des ministères doivent référer à Rabat pour toute décision, même quand le wali appuie la demande. On ne peut pas réussir la décentralisation avec une administration jacobine. Il faut noter que même les banques lui emboîtent le pas, puisque la gestion du risque est souvent hyper-centralisée.

Le pire dans la gouvernance à la marocaine, c’est le circuit qui va de la réflexion à la prise de décision et ensuite à son application. Quatre ministres ont perdu leurs postes, parce qu’ils ont signé devant le chef de l’Etat des engagements et qu’ils n’ont pas tenu les dead-lines. Or, les procédures sont complexes. Il faut acquérir le foncier, s’il est public, les domaines ne sont pas connus pour leur rapidité, s’il est privé, il faut préparer une procédure d’expropriation qui prend énormément de temps. Ensuite, il faut préparer les appels d’offres, et c’est un travail technique, les lancer, avant d’espérer ouvrir le chantier, si le budget existe. Or, rien de cela n’a été entamé avant la signature devant le SM le roi à Al Hoceïma.

À part les investissements suivis par SM le roi, tous les projets coûtent plus cher et les travaux durent plus longtemps.

Tout simplement parce que les donneurs d’ordre ne payent pas en temps voulu les tranches et que les entreprises ne peuvent pas financer l’ensemble du marché sur leur trésorerie.

Ces distorsions ont un véritable impact sur la situation économique du pays. Nous dépensons annuellement un argent fou dans des études fournies par de grands cabinets internationaux qui, souvent, ne servent à rien. Alors que l’administration a les moyens de les réaliser de manière plus réaliste grâce à sa proximité. Encore faut-il qu’il y ait des instances d’échanges entre les départements ministériels.

Nous avons eu un exemple flagrant de la mauvaise gouvernance lors de la séquence du maintien du GMT+1. Ce n’est qu’une fois que la décision a été annoncée que les ministères de l’Éducation et de l’administration s’escriment à trouver des adaptations. Cela prouve qu’il n’y a eu aucune étude d’impact. Ce réflexe n’existe pas. On construit des autoroutes qui n’apportent rien aux villages qu’elles traversent, à part les dégâts causés à l’environnement. On délivre des autorisations pour une tôlerie, hautement polluante, en dessous des immeubles, on interdit le stationnement devant les centres commerciaux, parce qu’il n’y a pas de véritable politique de la ville.

Cela fait des décennies que nous sommes dans la salle d’attente de l’émergence. Si nous ne réglons pas les questions de la gouvernance, cela risque de s’éterniser. 

 
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