L’amnistie fiscale bientôt finie
« Une morsure dans la tête du chauve vaut mieux que rien». C’est bel et bien ce dicton marocain que l’État, à défaut de vraies réformes fiscales et budgétaires, essaie d’appliquer à la lettre. Mais c’est aussi là un événement devenu récurrent, avec une moyenne tous les dix ans. Car au lieu de s’attaquer aux racines du « mal budgétaire », nos chers gouvernants se contentent de purger les conséquences. Une solution nécessairement toujours provisoire. Mais un « provisoire durable » pour mieux qualifier les politiques budgétaires conduites et reconduites avec le souci principal, voire exclusif, de maintien des équilibres macroéconomiques.
En effet, la mesure phare introduite dans la loi de finances de l’année 2018, au niveau de l’article 10, vise à encourager les contribuables à se libérer de leurs dettes, en leur accordant le bénéfice, soit de l’annulation totale des pénalités, amendes, majorations et frais de recouvrement afférents au principal des impôts, droits et taxes prévus par le Code Général des Impôts ou abrogés, mis en recouvrement avant le 1er janvier 2016 et restés impayés, au 31 décembre 2017, soit d’une réduction de 50% des amendes, pénalités, majorations et frais de recouvrement pour les redevables uniquement desdites amendes, pénalités, majorations et frais de recouvrement demeurés impayés, au 31 décembre 2017. Est-il question de « remettre les compteurs à zéro », et d’assainir la situation budgétaire de l’État, de contribuer à l’émergence de nouveaux rapports avec les contribuables et surtout d’un nouvel environnement favorable à une meilleure gouvernance budgétaire dans le cadre du processus entamé à travers la mise en œuvre de la nouvelle loi organique des finances ? Difficile de répondre négativement ou d’affirmer. En tout cas le constat est là. Les contribuables habitués à régler l’impôt dans les délais ne pourront ressentir qu’injustice. Aucune étude n’a été officiellement entamée pour essayer de comprendre les causes de cette situation des «restes à recouvrer » qui s’accumulent périodiquement, et éventuellement pouvoir accompagner l’opération d’amnistie par de vraies réformes permettant de mettre des gardes fous et d’éviter à l’avenir le retour d’une situation identique.
Est-ce un simple déficit d’ordre technique, au niveau de la gestion administrative du recouvrement fiscal ? Auquel cas, la réorganisation des administrations concernées, à travers notamment la dématérialisation et le renforcement qualitatif des ressources, pourrait y remédier. N’est-ce pas plutôt le dispositif légal et réglementaire régissant le recouvrement des créances publiques qui gagnerait à être profondément revu à la lumière des évolutions qu’a connues la réalité, ces dernières décennies ? Auquel cas, c’est au gouvernement et au Parlement de se pencher sur le texte régissant le recouvrement public et de revoir en particulier les dispositions devenues obsolescentes. Enfin, et c’est peut-être là que réside le hic, n’est-ce pas d’abord une question de volonté politique ? Car ce n’est plus un secret. Marocains et Marocaines savent très bien que derrière les grands montants des recettes à recouvrer, se cachent des potentats, parlementaires et ministres qui, tout simplement, ne se sentent pas concernés par l’impôt, quand ils ne s’accordent pas purement et légalement des exonérations. Une féodalité de fait.