Le cimetière des éléphants
L’Histoire du sport est pleine de figures, de personnages ou d’évènements que l’on oublie même si on les a glorifiés comme il se doit, quand ils étaient d’actualité.
Prenons juste l’exemple, très récent de ce Mondial brésilien qui n’en finit plus de se terminer, puisque la FIFA va désormais prendre son temps, pour faire jouer sur une durée de dix jours les demi-finales et la finale.
Près de 60 matchs se sont déroulés avant les quarts de finale programmés ce week-end !
Le plus assidu devant son écran télé, qui n’aurait rien raté de la majorité des matchs, aurait du mal à se souvenir de tous les faits et gestes accomplis au cours de cette orgie de matchs.
On dirait que plus on est gorgé d’informations, plus on a du mal à les retenir. Aussitôt avalés, aussitôt digérés, aussitôt dissous, perdus dans les méandres de nos mémoires. Peut-être à jamais…
Le temps passe vite, dit-on, et l’actualité s’enfle si bien de faits et méfaits que l’on passe notre vie à oublier des choses qu’on aurait crues… inoubliables.
Tout s’accélère, tout change, tout passe.
Ceux qui, hier, faisaient et défaisaient le sport national ne sont plus qu’un lointain souvenir dont parlent certains initiés à des générations qui n’en ont cure.
Bamous, le 3 fois capitaine, resté dans le football comme le joueur qui, tout en étant capitaine de l’équipe des FAR, l’était aussi en équipe nationale, sans oublier son grade dans l’unité de parachutistes à laquelle il appartenait.
En 1970, il a conduit le Onze national à sa première Coupe du Monde, et qui était d’ailleurs la toute première qualification africaine dans un Mondial.
Qui en parle encore aujourd’hui ? Qui le reconnaitrait dans la rue, ou même sur une photo. Il coule une retraite familiale, paisible, à Marrakech et, si modeste et si discret qu’il puisse être, il doit se désoler que ses traces se soient d’ores et déjà effacées.
Avec Bamous, on évoque le haut du panier, mais que dire des sans grade, tous ceux qui étaient dans le bon train, qui ont parcouru un bon bout de chemin, et dont on parle plus guère ?
Où sont les Fadili, Filali, Amar, Bakha Abdallah, Chicha, Zahid, Hassani, Acila et tant d’autres ?
Il faut plus de 20 joueurs pour former un club de foot. Beaucoup ont marqué leur temps sans pour autant devenir ni célèbres, ni riches.
Ils sont nombreux, ceux qui sont encore de ce monde et qui, face au spectacle du foot d’aujourd’hui, doivent se dire que le monde a bien changé, et qu’ils sont nés beaucoup trop tôt.
Mais qu’ils n’aient point de regrets, si les footeux d’aujourd’hui sont plus médiatisés, plus connus et que leurs exploits sont, numérique oblige, éparpillés et enregistrés même dans des smartphones, cela ne veut pas dire qu’ils ne seront pas oubliés, très vite, pour autant.
Ainsi vont les choses, ainsi va la vie des gens.
On croit tenir le monde entre ses mains, on se dit indispensable, on se voit inscrit dans l’Histoire pour toujours, alors que dans le meilleur des cas, on sera rangé au rayon des archives.
Aussi, faut-il raison garder et se persuader que tout ce que l’on qualifie, aujourd’hui, d’épique, de fantastique, d’historique ne sera demain que très peu de choses, de ces choses dont on a peine à se souvenir !
Qui se souvient, en cette période de Mondial, de Fayçal Dakhel ? Pourtant, ce Koweitien, pour la première et unique participation de son pays en Coupe du Monde (1982 en Espagne) avait marqué un but fantastique qui avait donné un nul « historique » face à la Tchécoslovaquie ?
Qu’est devenu le Zaire de 1974, mené par Vidinic en Coupe du Monde d’Allemagne après en avoir éliminé le Maroc ?
Qui se souvient d’avoir vu Haïti battre l’Italie au Mondial 1974 ?
Des exploits qu’on qualifie d’éternels mais qui disparaissent encore plus vite que tous les autres.
Que restera-t-il de ce Mondial brésilien ? Se rappellera-t-on de tous ceux qui ont gambadé sous la chaleur moite des villes dont les résultats nous ont occupé l’esprit, alors que quinze jours après, on n’en a rien retenu ?
Les 5 pays africains auront été les plus décevants. Alors là, c’est simple ils n’ont même pas existé et donc ils ne risquent pas de laisser un magnifique souvenir.
Longtemps on aura considéré le Cameroun, comme le Brésil de l’Afrique.
Patatras, les Camerounais seront devenus au Brésil 2014, la risée de l’Afrique. Evolution nullissime, comportement accablant. Leurs coups de poing qu’ils se sont copieusement distribués ont plus marqué les esprits que leurs coups d’éclats.
Les Roger Milla, N’Kono , Emmanuel Kundé, et autres Théophile Abega ont dû ressentir une humiliation d’autant plus cruelle, qu’ils s’attendaient à mieux, beaucoup mieux de la part de leurs successeurs, Samuel Eto’o en tête, sous le maillot des « Lions indomptables ».
Hélas, le détestable exemple des Camerounais a déteint sur le Ghana que beaucoup pensaient capable d’aller très loin. Les « Black Stars » malgré leur flopée de vedettes toutes labellisées pros se sont ridiculisés avec une sombre histoire d’argent non versé, de primes en retard, le tout saupoudré d’une prestation des plus mièvres et qui a valu au Ghana une « sortie » des plus lamentables.
Au Brésil, on parle encore d’un avion envoyé spécialement d’Accra, chargé d’Euros et de dollars, pour faire cesser la grève de ces footballeurs qui se voulaient représentants du peuple ghanéen.
Quelle bonne blague. Quelle sinistre plaisanterie. Décidément, le football a bon dos, et nos peuples sont prêts à gober toutes les balivernes et accepter tous les sacrifices dès lors qu’il s’agit de « croire » en un onze performant.
Tous nos glorieux footeux deviendraient certainement plus modestes s’ils savaient que l’oubli les guette au coin de la rue et au tournant de leur carrière.
Est-ce parce qu’ils savent que celle-ci étant courte, ils doivent la valoriser de toutes les façons possibles ? Sans doute, mais ce chantage à la performance est inacceptable. Normalement, des joueurs africains appelés par leur pays pour le représenter en Coupe du Monde, ne devraient même pas parler d’argent.
L’Afrique devrait avoir d’autres valeurs que celles matérielles, et nos pros, par comparaison à la grande majorité de leurs compatriotes, sont largement à l’abri du besoin.
Pourquoi ces simagrés, alors qu’on attend d’eux qu’ils gagnent et nous régalent.
On a raté le Brésil 2014.
Toute l’Afrique l’a raté, même la Cote d’Ivoire et son Drogba le maudit qui va se retirer sans avoir rien remporté avec la sélection.
Idem pour le Nigéria, champion d’Afrique tout de même, et qu’un arbitre partial n’a eu aucun scrupule à massacrer face à la France.
C’est-à-dire le peu de respect que les « autres » ont pour nous. Le Nigéria a été « honteusement » arbitré comme l’a clamé le coach Keshi en conférence d’après match, mais qui s’en soucie ? Allez, circulez il n’y a rien à voir.
Reste l’Algérie, voici un pays qui veut se convaincre qu’il a réussi «sa» Coupe du Monde
Comment peut-on croire ça, alors que les Fennecs, avec un tout petit peu d’application et d’organisation auraient pu éliminer l’Allemagne ?
Ils n’ont pas pu, ni su le faire.
La décence devrait leur recommander plus de modestie. Mais que voulez-vous, c’est bien de complexe qu’il s’agit, si en 2014 on peut encore s’estimer content alors qu’on a été battu.
Une défaite est une défaite, point barre.
Pourquoi ne serait-on pas capable de faire jeu égal avec les meilleurs et de venir au Mondial pour y disputer les places du podium, au lieu de se gargariser en parlant de participation honorable ? Honorable… comme s’il y avait une quelconque fierté à se voir toujours battu.
Les Coupes du Monde passent, et l’Afrique recule de plus en plus, embourbée qu’elle est dans les éternels problèmes.
Quel est ce football qui va vraiment décider de s’en sortir ? Quel est ce pays qui sera assez ambitieux pour rivaliser avec l’Argentine, l’Allemagne, le Brésil et tous les autres ?
Même si on a oublié les légendes et nos stars d’autrefois, rien ne nous empêche de décider de sortir du cimetière des éléphants, et de partir à la conquête.
Rien, en vérité ne nous en empêche.
Rien, si ce n’est nous-mêmes.