Interview

Le privé ne remet pas en cause la loi sur les délais de paiement

Un mémorandum sera présenté au Chef du gouvernement pour amender la loi et accorder
une période transitoire pour son application. PROPOS RECUEILLIS PAR SALOUA MANSOURI

Challenge. Vous venez d’organiser  une rencontre pour débattre de la loi sur les délais de paiement. Ni la loi, ni son décret d’application et  son arrêté n’apportent de réponses claires concernant son application. Chacun y va de son interprétation.  En attendant ces amendements, son application ne sera-t-elle donc pas remise en cause, que ce soit  par les opérateurs ou par le Fisc? 

Saad Hamoumi. Il est en effet apparu que les opérateurs économiques marocains  se posent beaucoup de questions, et notamment sur les aspects techniques de la loi sur les délais de paiement. Ceci  dit, il n’y a aucune remise en cause de la loi de la part du privé, bien au contraire, nous travaillons de concert avec les  pouvoirs publics pour que cette loi s’applique et donne un nouveau souffle à l’économie marocaine.  

C. Dans la loi, les délais de paiement sont comptabilisés à partir de la date de livraison. Certains préconisent qu’ils le soient  plutôt sur la facturation. Qu’en pensez- vous ? 

S.H. Je pense qu’il est opportun de s’y pencher et de trouver la bonne solution.  Nous allons, dans le cadre de la commission intersectorielle et avec l’aide de notre partenaire, l’Ordre des experts comptables, essayer de trouver la solution idoine pour notre tissu économique. 

C. Plusieurs questions tournent autour des pénalités de retard. Est-il question de pénalités ou d’intérêt dans la loi? Quelle est la différence ?
S.H. La loi parle de pénalités de retard.  La distinction est que le vocable « pénalité » montre que ce retard est à combattre et que la norme de paiement dans les
délais prévus (60 jours) devrait prévaloir dans les relations d’affaires. 

C. A partir de quand doivent-elles être comptabilisées ? 
S.H. Cette question n’est pas encore globalement tranchée. Toutefois, tous  les experts se sont accordés à dire que c’est la date du décret d’application (novembre 2012) qui devrait être prise en compte.
C. Sont-elles soumises à la TVA ?
S.H. Cet aspect technique sera encore discuté par le comité de coordination. Mais il semble clair que les pénalités de retard n’entrent pas dans le champ d’application de la TVA et ne font pas partie  des opérations soumises à cette taxe.
C. Au-delà d’une année, il y a prescription  concernant ces pénalités. Comment jugez-vous ce délai ?

S.H. Ce délai est tout à fait normal et conforme au benchemark international. Le but est de pousser toutes les parties à  adhérer à cette loi et à l’appliquer, faute de quoi ils seront pénalisés.
C. Pourquoi une entreprise n’a-t-elle pas le droit de renoncer au droit de revendiquer ces pénalités ? 
S.H.Pour la simple raison que si on accepte cette clause, il y aura de la collusion entre les parties. On ne sera plus de facto dans l’esprit de la loi qui a pour but d’assainir les relations commerciales et  partant, d’améliorer le climat des affaires dans notre pays.

C. Quels sont à votre avis les secteurs  d’activité qui nécessitent le plus que les délais soient les plus réduits ? Pourquoi ?
S.H. Certains secteurs, comme cela a  été le cas dans les pays européens, ont demandé à pratiquer des délais plus courts. Ce sont notamment, le transport et l’agroalimentaire. Nous allons étudier  le contexte marocain pour voir si cela sera le cas. Ce sera bien entendu aux secteurs de décider de cette mesure. 
C. Vous souhaitez proposer un volet médiation entre client et fournisseur. Qui s’en chargera et comment?
S.H. Cette proposition va faire partie des  propositions qui seront soumises au chef du gouvernement. En ce qui concerne l’instance qui prendra ce volet en charge, elle sera désignée ultérieurement si notre proposition est retenue par les pouvoirs publics. 

C. Globalement, les entreprises, et particulièrement les TPE/PME,  n’osent pas suivre une procédure pour dénoncer leurs clients de non paiement. Finalement, cette loi résoudra- t-elle vraiment ce problème ?
S.H. Cette loi a d’abord un rôle éducatif. Il faudra, comme cela a été répété plusieurs fois lors de la conférence sur la loi sur les délais de paiement, pallier la dérive qui a instauré un climat néfaste au climat des affaires au Maroc. Le rôle de l’entreprise et plus particulièrement la TPE/PME, n’est pas de jouer le rôle de « banquier » pour ses clients et d’impacter ainsi sa trésorerie et ses perspectives de  développement. Il a un rôle d’agent économique producteur de valeur et on doit veiller à le préserver de toutes les entraves néfastes comme celle des retards de
paiement. Cette loi, partout où elle a été  appliquée, a eu un effet bénéfique pour les entreprises et l’économie. Le Maroc a opté pour une politique d’ouverture et cette politique oblige le pays à une mise à niveau et à l’adoption des règles idoines pour développer l’économie nationale. Notre pays a fait ce choix, que nous saluons, de doter son économie de toutes les réformes de nature à assurer sa  modernité et son rayonnement à l’international. La loi sur les délais de paiement est un maillon de cette chaîne et le secteur privé doit la soutenir et veiller à son  application dans l’intérêt de tous.
C. Vous allez présenter un mémorandum au Chef du gouvernement pour amender cette loi. Est-il envisageable que vous proposiez des dispositions selon une approche par secteur, étant donné que chacun a ses propres spécificités ?
S.H. En effet, nous allons proposer un  mémorandum au Chef du gouvernement pour amender cette loi et prévoir une période de transition, comme cela a été le cas dans plusieurs pays où cette  loi a été appliquée. Pour ce qui est de la spécificité sectorielle, elle va être traitée par la commission intersectorielle qui va se réunir dans les meilleurs délais sous les auspices de la commission PME/  CGEM et qui devra statuer sur cette question. ■


 
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