Les premiers couacs de la nouvelle loi
Depuis la promulgation de la loi 32-09, les notaires commencent à en appliquer les termes même si les décrets d’application n’ont pas tous été adoptés. La pratique a vite fait de montrer quelques lourdeurs et de susciter des appréhensions aussi bien chez les notaires que chez les promoteurs immobiliers.
Décidément, la loi 32-09 n’en finit pas de faire couler l’encre? Depuis son entrée en application le 24 novembre 2012, aussi bien les promoteurs immobiliers que les notaires ont fait
part de leurs appréhensions. Toujours est-il que sur le terrain, l’application de cette nouvelle loi n’est pas sans poser de problèmes. Amal Tijani, notaire à Marrakech a estimé que la loi 32-09 est « venue avec beaucoup de formalisme. Elle est un peu contraignante. La pratique est en train de le montrer. Il y a des articles qui ne sont pas clairs. Par exemple par rapport aux annexes qui ont permis la rédaction de l’acte, on ne sait plus quoi annexer. L’article est fl ou. La loi stipule que le notaire doit s’assurer de l’identité des parties, or il n’en a pas les moyens ». Autre aspect soulevé par les notaires, après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, celui de l’interdiction faite au notaire de se déplacer en dehors de son étude.
Modalités contraignantes
« On nous parle de signature au sein de l’étude sauf autorisation exceptionnelle de la Chambre régionale de la Cour d’appel. Pourquoi les avocats et les adouls se déplacent-ils ? Nous n’allons pas parler d’injustice, mais il faut quand même une certaine égalité. (…) Les promoteurs vont préférer les adouls et les avocats », soutient Amal Tijani, notaire à Marrakech. Cette limite est également abordée par Amine Zniber, Président du Département de communication de la Chambre nationale du notariat du Maroc (CNNMM). «Selon les termes de l’article 12, le notaire ne peut sortir pour recueillir des signatures. Cela nous pose des problèmes surtout quand il s’agit d’offices comme l’ONHYM, l’ONCF ou Al Omrane. Nous avons commencé à voir avec le GPBM comment débloquer la situation et nous nous sommes mis d’accord sur une procédure pour avoir une procédure et un montage uniformes ne pas bloquer la situation. Les banques ont donné leur accord de principe, mais nous avons des soucis avec des établissements étatiques en raison de la concentration des pouvoirs entre les mains des directeurs généraux et des PDG et nous avons préconisé une délégation des pouvoirs, mais cela ne s’est pas encore concrétisé».
En outre, le notaire n’a plus une compétence territoriale nationale. Son ressort se limite à la juridiction couverte par la Cour d’appel régionale. Or, les notaires demandent à ce qu’ils aient une compétence nationale. Dans le même sillage, Youssef Iben Mansour, président de la FNPI souligne que les banques doivent se déplacer chez le notaire. Pour les banquiers, quand il y a cinq dossiers avec des entités différentes avec deux mandataires, le notaire peut se retrouver avec dix personnes qui ont les actes. Qu’en sera-t-il s’il s’agit de 50 contrats?»Dans le cadre des nouvelles dispositions, le notaire doit désormais souscrire une assurance responsabilité civile. «Tous les notaires seront obligés d’avoir une assurance responsabilité civile qui sera fixée par décret. Cela n’existait pas auparavant», confie Amine Zniber.
La CDG, unique dépositaire
Il faut dire que les promoteurs ne cachent pas que l’entrée en vigueur de ce texte suscite au sein de leur corporation des craintes. Youssef Iben Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI) a déclaré que les professionnels sont gênés par trois choses. « Premièrement, il y a un certain nombre de documents annexes qui sont devenus obligatoires avec des actes qui entraînent des coûts supplémentaires et cela constitue un coût financier pour les petits acquéreurs. Deuxièmement, il y a des annexes obligatoires comme le certificat de propriété, le cahier des charges, le règlement de copropriété et les documents énumérés dans la loi 32-09.
Troisièmement, la rédaction en arabe de tous les actes est une complication ». Un autre sujet d’inquiétude des notaires a trait à la capacité de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), désignée unique dépositaire des fonds donnés par des tiers aux notaires par la loi 32-09, d’agir avec la même diligence et la même promptitude que les autres banques commerciales. Amal Tijani soutient: « sans dénigrer la CDG, je pense que les banques sont plus rodées pour les virements de l’étranger. La CDG doit faire ses preuves. Nous commençons à travailler avec eux en l’absence de décret d’application ». De son côté, la CDG a expliqué avoir conçu, « dans le cadre d’un projet d’implémentation d’un nouveau système d’information dédié, un modèle de tenue de comptes et de gestion spécifique aux notaires.
Ce modèle innovant, construit avec et pour les notaires,vise, d’une part, une meilleure protection et sécurisation des fonds de tiers, et d’autre part à faciliter pour le notaire le suivi de sa comptabilité en l’individualisant et en mettant à sa disposition des reportings adaptés aux pratiques de la profession ». Et d’ajouter que la stratégie de la banque «s’appuie, par ailleurs, en matière de distribution sur un réseau dense de correspondants qui sera renforcé par l’ouverture de succursales CDG dans les principales villes administratives du Royaume et accompagnant ainsi le projet de régionalisation ».
A cet égard, la loi 32-09 exige l’indication du nom et du nombre des bénéficiaires de chaque dépôt.« C’est un dispositif un peu sévère. Le versement ne se fera qu’au profit de ce bénéficiaire. Nous avons reproché la lourdeur de cette procédure. On ne sait pas dans la pratique ce que cela va donner », confie Amine Zniber. Globalement, les différentes parties concernées par cette nouvelle loi s’accordent à dire qu’il est encore tôt pour se prononcer et que seule la pratique permettra de détecter les éventuelles améliorations à apporter à cette loi, surtout une fois que des décrets d’application auront été promulgués. ■