Les TPE et PME, principales victimes des retards
Rien ne semble arrêter l’hémorragie dans le secteur privé. Deux ans dans certains cas, trois ans dans d’autres cas, les délais de paiement se creusent et obligent des milliers de PME et TPE notamment à fermer chaque année. Une situation devenue presque normale pour tout le monde.
C’est presque un sujet tabou entre entreprises. Un terrain glissant sur lequel il ne faut surtout pas s’aventurer. Il s’agit bien des délais de paiement entre entreprises privées au Maroc. Les statistiques officielles pointent bien l’hécatombe. Mais, que faire ? C’est, aujourd’hui, presque une fatalité que les PME marocaines, dans leur immense majorité, sont obligées d’accepter, parce que n’ayant aucune autre alternative.
D’après le ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, Mohamed Benchaâboun, l’Etat voudrait bien agir, «mais ne peut dépasser certaines limites en ce qui concerne les contrats noués entre entreprises privées».
Même si le ministre a récemment appelé le privé à publier la liste de ses bons et mauvais payeurs, comme il l’a fait récemment avec les entreprises publiques, il va sans dire que la situation aujourd’hui a atteint un niveau inimaginable. «Les TPE-PME vivent une situation chaotique», confirme Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine des PME-TPE.
Le règlement à l’amiable, malgré tout
«Les délais de paiement atteignent parfois 2 ans entre nos TPE-PME et les grandes entreprises privées. Des fois, ces grandes entreprises font recours à des pratiques frauduleuses pour éviter de payer. Elles créent, en effet, des PME intermédiaires et ce sont donc ces PME qui offrent des commandes à nos TPE-PME. Après exécution des commandes, les PME intermédiaires créées déclarent faillite. Et, du coup, cela rend le recouvrement encore plus compliqué et ce, même en ayant recours à la justice. Voici un exemple très concret. Nous avons un regroupement d’entreprises de plus de 35 TPE-PME qui ont été arnaquées par un groupe immobilier très connu au Maroc. Alors que les diverses prestations ont été formellement exécutées, cet opérateur immobilier n’a pas payé la facture qui s’élevait à plus de 50 millions de DH. Nous avons écrit au président de ce groupe immobilier, qui était actionnaire gérant des deux PME intermédiaires qui ont déclaré faillite, mais rien», témoigne Abdellah El Fergui.
Lire aussi : Vidéo. Benchaâboun : « Le secteur privé doit à son tour publier les délais de paiement »
La situation de Mohamed El Harara, patron d’une PME dans la région de Tanger-Tétouan, n’est pas non plus différente. «Mon entreprise est souvent confrontée à cette problématique. J’ai des délais de paiement de 2 ans avec certaines grandes entreprises. Et, on préfère souvent régler la situation à l’amiable, parce que même quand on va en justice cela prend du temps, et en fin de compte, le donneur d’ordre nous met sur sa liste noire. Donc, l’entreprise est doublement perdante. Cette situation nous plonge souvent dans des problèmes de trésorerie. Certaines entreprises sont obligées de fermer», soutient-il.
«Actuellement, j’ai 4 millions de DH à recouvrir et plusieurs factures en souffrance. Mais, lorsque nous allons taper à la porte des entreprises, elles disent qu’il faut revenir plus tard. Dans le même temps, nous devons payer la CNSS, les impôts, les salaires, etc. Nous privilégions le règlement à l’amiable parce que nous avons besoin de continuer à travailler avec ces grandes entreprises», poursuit le chef d’entreprise. Cela explique, dans une large mesure, pourquoi le Maroc enregistre plus de 6.000 entreprises en faillite chaque année, majoritairement des petites et moyennes entreprises.
Face à cette situation, qui ressemble pratiquement à une fatalité, Inforisk propose une alternative qui pourrait permettre d’y voir plus clair. Mais, les patrons de TPE et PME attendent des actions fortes de la part du gouvernement.