Maroc. A quoi sert encore le Parlement ?
Des islamistes du Parti de la Justice et du Développement, vent debout contre toute modification des lois électorales pourtant désuètes, des partis qui appellent à une suppression du seuil électoral ou du moins son abaissement à 3% au lieu de 6% actuellement, d’autres formations qui exigent que la cagnotte distribuée par l’Etat soit plus généreuse. Bref, l’approche des échéances électorales aiguise les appétits et montre que pour une grande majorité de politiques, les élections se limitent à une opération purement commerciale où chacun doit trouver son compte.
Pourtant, l’année 2021 mérite bien plus qu’une simple guéguerre d’intérêts partisans. C’est une année qui devrait tout changer, et pas seulement parce que tous les scrutins devraient être menés en même temps dans la même journée, mais surtout parce que les élections interviennent dans un contexte sanitaire exceptionnel, il s’agit là d’une séquence politique extraordinaire.
Crise de représentation
Le décalage entre cette situation exceptionnelle , le discours et les tentations unilatérales des partis politiques montre l’ampleur de la crise de représentation dont souffre le Royaume. Pourtant, au vu des expériences passées, on ne pas passer à côté de cette question lancinante qui revient comme un leitmotiv : au final, à quoi sert le Parlement ?
Si la réponse est évidente, on poussera le bouchon plus loin pour savoir si la démocratie parlementaire marocaine avait vraiment besoin de deux assemblées !? Puisqu’il s’agit de deniers publics, avant d’élire ces députés, il est indispensable de préciser ce que l’on attend d’eux. Avant même de croiser le fer pour gagner quelques strapontins de plus, les partis politiques gagneraient à exister aussi par un débat franc sur l’avenir du Parlement et sur le travail de ces « élus » du peuple à l’irrédentisme partisan bien coriace. Dans cette exception marocaine, le citoyen est pris en otage par des candidats à la députation, véritables maquignons de scrutin, qui ont banalisé le recours à l’argent sale et aux magouilles pour décrocher un siège et son acceptation comme naturels par une partie de l’opinion en disent long sur la perversion démocratique qui frappe la représentation.
Corruption rampante
Quel est le député qui peut se targuer aujourd’hui d’avoir lu Montesquieu pour savoir que la séparation des pouvoirs se décline entre un pouvoir exécutif, un pouvoir législatif et un pouvoir judiciaire ? La Constitution accorde aux députés un pouvoir de contrôle sur le gouvernement, or quel parlementaire est-il assez clean pour oser « contrôler » un pouvoir exécutif ?
Au-delà de ces sempiternelles questions du type de scrutin, on observera aussi que les députés qui se plaignent toujours d’être considérés comme la cinquième roue du carrosse démocratique ne font rien pour mener un travail législatif fécond comme ils ne représentent en rien ce contre-pouvoir pour lequel ils ont été élus. Face aux errances des islamistes au pouvoir, où sont ces vigies politiques qui se distinguent par des discours fins et mordants ?
En conclusion, face aux cumuls des mandats, au clientélisme des uns et au corporatisme des autres, dans une institution où la corruption rampante le dispute à l’omerta sur les vrais sujets qui intéressent les citoyens, la disparition du Parlement ne serait ni plus, ni moins qu’un grand pas vers le progrès démocratique.
Par El Azizi Abdellatif , Directeur de la rédaction du Courrier de l’Atlas