Les chroniques de Jamal BerraouiPolitique

Maroc : Vers un changement du mode électoral

Encore une fois, la société dépasse les partis politiques. Elle réclame un scrutin uninominal à deux tours pour permettre l’émergence d’une majorité inhérente.  

Abderrahmane Youssoufi, animé des meilleures intentions, a imposé contre l’avis de son ministre de l’Intérieur de l’époque Driss Jettou, le scrutin de liste. Il pensait que cela politiserait les élections et que les électeurs voteraient pour un parti et non plus pour une personne et que cela éliminerait les achats de voix.

Trois législatives après, l’on se rend compte que cette approche a failli sur toute la ligne. Le niveau de participation étant très bas, on s’est retrouvé avec des cantons. Au Parlement actuel, nous avons des parlementaires élus avec 6.000 voix alors que la base électorale officielle, c’est-à-dire sans compter les non-inscrits, est de 500.000 votants.

Le système s’est révélé redoutablement pervers. Non seulement il n’a mis aucunement fin aux achats de voix, mais il n’a pas du tout politisé les élections. Les candidats ne font campagne que dans une partie de la circonscription, l’objectif étant que la tête de liste gagne un siège.

Sauver la démocratie

Ceci aboutit à une situation dramatique : au Maroc, il est impossible de sortir des élections législatives avec une majorité cohérente. La balkanisation y est pour beaucoup, et elle est favorisée par le mode de scrutin. Cela laisse la voie ouverte aux triturages et à « la main invisible » qui établit les équilibres.

Il y a une solution unique et salvatrice : l’uninominal à deux tours. D’une part, cela répondrait au besoin de l’électeur marocain d’une proximité avec son candidat, en l’absence d’une véritable vie politique et de clivages partisans s’appuyant sur un débat public. D’autre part, cela recomposerait le champ politique.

Les partis seront obligés de nouer des alliances pré-électorales pour les soutiens au deuxième tour. Cela ne peut pas être une cuisine électoraliste, elle devra s’appuyer sur des accords, on peut l’espérer, programmatiques. Cela nous permet de savoir le soir même des élections, quelle est l’alliance vainqueur et quelle sera donc la majorité. Cela renforcera la crédibilité de l’exécutif et donc sa capacité à gouverner, à assumer sa responsabilité constitutionnelle.

Il suffit d’une proposition de loi, votée par la majorité pour effectuer ce changement. Il n’y a besoin ni de l’accord du ministère de l’Intérieur, ni de celui des forces occultes. Mais les parlementaires réfléchissent à leur situation personnelle. Les acheteurs de voix doivent débourser beaucoup plus, les autres doivent convaincre plus de la moitié des votants, alors ils préfèrent un système où avec 6.000 voix, ils ont un siège. La classe partisane veut-elle vraiment faire avancer la construction démocratique ?

 
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