Médicaments Les détails de la baisse des prix
En exclusivité, nous vous présentons l’analyse du contenu de la liste des 320 médicaments qui ont vu leurs prix diminuer.
Depuis plusieurs semaines que le ministère de la Santé a annoncé la baisse des prix de 320 médicaments, tout le monde cherche à en savoir plus sur cette fameuse liste qui circule au compte-goutte. Nous avons pu en avoir une copie. Elle est pleine d’enseignements. Le département du professeur Louardi avait déclaré que l’objectif de cette première étape concerne particulièrement les pathologies lourdes et que la majorité des médicaments concernés par la baisse étaient commercialisés à plus de 500 dirhams. Au vu des données de la liste qui comprend 314 médicaments, sauf erreur ou omission dans tous les calculs, nous ne pouvons que constater que 60% sont en fait mis sur le marché à un prix inférieur à 500 dh (cf tableau). Sur le plan des variations des prix, on pourrait être loin de l’imaginaire du commun des mortels. Un peu moins d’une vingtaine de médicaments ont vu leur Prix Public Maroc (PPM) baisser de plus de 45%. Il s’agit, entre autres, de médicaments pour les troubles d’estomac comme Mopral 20 mg ou Omepral, et d’autres comme Levitra comprimés pour des dysfonctionnements érectile, Ovitrelle pour des traitements d’endocrinologie, Inegy pour le métabolisme et nutrition… Concernant les médicaments vendus que dans les auspices, les plus importantes évolution à la baisse ne dépassent pas les 50% et ne concernent que deux produits pour soigner des infections causées par des bactéries comme le Cipro Lp (-48%) ou des dysfonctionnements érectiles comme le Vigorex (-44%). Ce qui pourrait être étonnant, c’est que cette liste comporte également quelques médicaments dont le prix a diminué de… moins de 3%. C’est le cas de Flodil Lp (pour l’hypertension artérielle), Xylocaine (anesthésie, réanimation), Levemir (pour le diabète), Pavulon (anesthésie, réanimation), Lescol Lp, Hyperium (cardiologie) etc… Pour ce dernier, la réduction est de 2,7 dirhams. Il y a moins. Le PPM du Levothyrox 25 ug (endocrinologie) est passé de 7,28 à 6,8 dirhams, soit une réduction de…48 centimes. Pour ce cas particulier, Abdelhakim Zalim, chef de division des médicaments au département de la Santé explique en fait que le prix de 6,8 dirhams reste quand même en deçà du niveau du même médicament qu’en France (environ 11 DH) et que si le prix est resté à ce niveau c’est parce qu’il y a eu un changement au niveau du nombre des comprimés de la boîte qui est passé de 28 à 30. Et qu’en est-il pour le Xylocaine Visuqueuse 2%, où le PPM est passé de 35,7 à 32,2 dirhams ? Là encore, le responsable au ministère argumente : « c’est un produit qui est très utilisé dans le domaine dentaire. Et le laboratoire en question n’a pas pu aller en deçà de cette baisse. Ceci étant, le médicament reste moins cher qu’en France». Autre cas alors, celui de l’Unasyn Injectable dont le prix est passé de 77,5 à 73,6 DH. «Ce prix reste moins cher que les autres pays de notre benchmark », convient Zalim. Dans cette liste, on retrouve aussi un médicament, mais selon trois dosages différents (donc comptabilisé trois fois dans la liste) dont le PPM n’a tout simplement pas bougé. C’est toujours le cas du Levothyrox (de 50 ug à 200 ug) du laboratoire Cooper.
Impossible de baisser plus ?
Bref, ceux qui pensaient que la majorité des prix des médicaments de la liste avaient baissé de moitié n’ont qu’à se résigner. Les laboratoires n’auraient pas pu faire plus. «Nous ne pouvons pas obliger un laboratoire à vendre à perte un médicament», admet le chef de la division médicaments du ministère de la Santé. En fait, les laboratoires se retrouvent dans leurs comptes et disposent toujours d’une carte à jouer lorsque les pouvoirs publics leur demandent de faire « un geste ». Pour ne pas passer en dessous d’un certain seuil où ils ne deviendraient plus rentables, un industriel admet que les laboratoires peuvent mettre en garde contre la rupture d’approvisionnement desdits médicaments sur le marché. Une autre lecture de la liste des 320 médicaments révèle aussi que les prix hôpitaux (PH) des médicaments sont inférieurs aux PPM. Exemples : le nouveau PH du Gardasil (vaccin contre les génotypes) est de 5.291,3 dirhams alors que son PPM est de 7.999 DH, le PH de l’Eloxatine (traitement de cancérologie et hématologie) est de 4.189,9 DH alors que le PPM est de 6.334 DH. Cette différence des prix est-elle justifiée? Pour Abdallah El Bourkadi, président de la Commission parlementaire d’information sur le médicament menée en 2009 et pharmacien, elle n’a pas lieu d’être. Du côté du ministère de la Santé, on justifie qu’elle est bel et bien réglementée par des textes. «Les hôpitaux ou la pharmacie de la Caisse Nationale des Organismes de Prévoyance Sociale (Cnops) ne dégagent pas de marge. Les laboratoires leur accordent des prix préférentiels car ils réalisent du volume », avance Zalim.
Impact à mesurer sur l’ensemble de la cure
Cette baisse des prix des 320 médicaments, qui s’ajoute à celle consentie sur les 400 médicaments du temps de l’ancienne ministre Yasmina Baddou, fait couler de l’encre. Et les avis sont autant assez partagés sur son réel impact. Du côté des organismes de prévoyance, on préfère ne pas s’exprimer comme c’est le cas de la Cnops qui nous répond : « la Caisse étudie encore la liste et ne peut, à l’heure actuelle, se prononcer sur son impact. Il s’agit de 320 médicaments pour lesquels tout un travail de recoupement doit être fait ». Du côté d’El Bourkadi, il la juge pour sa part sans réelle conséquence ni sur le citoyen, ni sur les Caisses, ni sur les laboratoires eux mêmes qui « ne font pas réellement de geste». Pourquoi ça ? Le président de la commission parlementaire explique qu’un médicament de 1.000 DH par exemple (acheté par la CNOPS à 300 dh) qui baisserait de moitié serait toujours plus cher que le niveau avec lequel la Caisse achetait. « Cette nouvelle baisse n’en est pas réellement une », admet-il. Qu’en pensent les pharmaciens, partie prenante dans ce dossier? Pour le secrétaire général du syndicat des pharmaciens, Mounir Tadlaoui, le grand perdant dans cette affaire, c’est la classe moyenne. Le citoyen le plus démuni lui importe peu qu’on baisse de 5, 10, 20 ou 50 dirhams le prix d’un médicament puisque, de toutes les manières, il n’a pas les moyens de financer sa santé. Et c’est là où le Ramed devra intervenir. Pour les autres, et selon l’expérience propre du pharmacien, le citoyen lambda supporte financièrement des ordonnances de 200 à 500 dirhams.
Dès lors où ce montant est dépassé, cela commence à déranger. Or, en prenant en compte la liste des 320 médicaments, et comme annoncé plus haut, ce ne sont pas la majorité des médicaments qui dépassent ce prix qui ont été concernés par la baisse. Cela viendra t-il lors de la prochaine étape qui devra porter sur la révision des prix d’un millier de médicaments l’an prochain ? En tous les cas, et malgré tout, notons que cette première liste comprend des baisses de prix non négligeables non plus, surtout lorsqu’il s’agit de pathologie lourdes. Il est vrai qu’en valeur, elles peuvent ne pas sembler très significatives. Prenons le cas du Nexavar comprimé administré pour un traitement de cancérologie. Son prix hôpital a baissé de 23.000 à 21.362 dh. La différence de 1638 dirhams peut paraître minime, mais imaginons que le patient doive acheter plusieurs boîtes, il sentira alors la différence. C’est ce qui fait dire à Mounir Tadlaoui qu’il est important de ne pas oublier que les prix concernent un dosage particulier (une boîte par exemple). « Pour bien mesurer l’impact de la baisse, il faut tenir compte de toute la cure à faire par le patient». Comme toujours, cette décision prise par le département de Louardi fera des heureux mais aussi des moins heureux. Insatisfait, le Marocain demandera toujours plus.
Six médicaments introduits dans les officines...
De nouveaux médicaments disposeront désormais d’un PPM alors qu’auparavant, ils n’étaient commercialisés qu’au sein des hôpitaux. Il s’agit en fait d’un seul médicament, mais sous plusieurs formes (dosage) du laboratoire Polymedic. C’est un anticoagulant: l’Innohep. Son PPM varie entre 327 et 2.160 DH alors que les nouveaux prix hôpitaux oscillent entre 216,3 et 1.428,1 Dh.
… et 22% des médicaments ne concernent que les hôpitaux
Ce sont près de 71 médicaments dont les prix hôpitaux ont baissé mais qui n’existent pas en pharmacie. C’est le cas par exemple de produits comme l’Octanate pour les hémophiles A, du Rebif pour des traitements neurologiques, du Mivacron pour les anesthésies et réanimation, de l’Hycamtin pour les maladies de cancérologie ou hématologies, du Neoral pour les classes thérapeutiques comme la dermatologie, l’immunologie….
Quelles familles de médicaments ?
Sur la liste des médicaments dont les prix ont baissé, on retrouve, en plus des pathologies comme le cancer, pneumologie, endocrinologie…, un peu de tout. Des médicaments concernent les troubles d’érection comme l’Erector, les troubles d’estomac comme Omegen, Azantac ou Omepral, les troubles psychologiques comme Requip ou ceux d’exploration cérébrale, vasculaire ou du corps entier, comme le Magnevist.