Mobile banking : un retard à combler
Le Maroc accuse un retard criant dans le domaine du mobile banking.
Cette situation n’est pas justifiée vu la vitalité des deux secteurs concernés par cette problématique, à savoir la banque et les télécommunications. Et ce n’est pas le cadre juridique qui manque non plus. Au contraire, la loi bancaire de 2014 a déjà préparé le terrain aux moyens de paiement ayant un support technologique. Comment expliquer ce retard ? Est-ce le résultat d’une mésentente entre les banques et les opérateurs téléphoniques, ou tout simplement parce que le mobile banking ne figure pas parmi les priorités de la banque centrale qui a d’autres projets dans le pipeline: banques participatives, établissements de paiement, flexibilisation du dirham etc.
Mais quelle qu’en soit la raison, ce retard est préjudiciable aux intérêts du pays. En effet, le mobile banking est pour le moment la solution la plus appropriée pour améliorer l’inclusion financière de la population qui demeure insuffisamment bancarisée. Le taux de bancarisation de 69% dont fait état le dernier rapport de la banque centrale (exercice 2016) mérite d’être regardé de près. Comme le précise ce rapport, ce taux est calculé en rapportant le nombre de comptes bancaires à la population totale. Quand on sait que beaucoup de personnes détiennent plus d’un compte, on s’aperçoit facilement de la limite de cette approche qui mérite d’être affinée si on veut avoir une idée plus proche de la réalité. Et comme l’a démontré une enquête réalisée par le cabinet Kantar TNS, ce taux ne serait que de 37% sachant qu’un marocain bancarisé sur 10 est client de 2 banques et qu’il détient en moyenne 1,7 compte bancaire. Le taux de bancarisation ne serait selon le même cabinet, que de 24% en milieu rural contre 45% en milieu urbain.
Sur un autre plan, les paiements au Maroc demeurent dominés par le cash et les moyens classiques (chèques, virements et prélèvements). Selon toujours les données de la banque centrale, la demande de la monnaie fiduciaire (pièces et billets de banque) continue de progresser (5,3% en 2016) et ce, contrairement aux pays du Nord où les moyens de paiement numériques dominent.
En face de ces données qui traduisent les limites de l’inclusion financière de la population, le téléphone portable présente un potentiel énorme de nature à permettre aux Marocains de différentes couches sociales d’accéder aux moyens modernes de paiement. Depuis de nombreuses années, le taux de pénétration du téléphone mobile dépasse les 100%, offrant par là une opportunité technologique pour améliorer le niveau de bancarisation sans ouverture d’agences physiques. Et dans ce cadre, il est important de signaler que le mobile banking connaît depuis une dizaine d’années un développement fulgurant dans les pays africains. Le Kenya est devenu même un exemple au niveau mondial; plus de la moitié de sa population est dotée de cette technologie qui lui permet d’effectuer des paiements et de transférer les fonds grâce à l’appareil téléphonique. Même plus, l’État kenyan a utilisé ce canal au mois de mars dernier pour effectuer une levée de fonds. Le citoyen prête de l’argent à l’État via son téléphone.
Au moment où à l’étranger, la numérisation atteint des niveaux très avancés, il devient urgent pour le Maroc de s’inscrire dans ce processus pour faire accéder ses habitants à l’ère moderne des moyens de paiement. Le mobile banking constitue un potentiel énorme qui jusqu’à présent, n’est que très peu exploité dans le domaine bancaire. Certes, on note des tentatives de la part de certaines banques de la place, mais elles restent très timides en l’absence d’un cadre réglementaire clairement défini par le régulateur.
Cependant, une lueur d’espoir pointe à l’horizon, car selon certaines informations qui ont circulé dernièrement, le régulateur bancaire et l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT) travaillent sur le projet depuis quelques mois et qu’il est envisagé que le mobile banking soit lancé dès la première moitié de l’année 2018. Affaire à suivre.