Livre

«Mon histoire avec les médicaments»,une autobiographie de feu Omar Tazi [Chapitre 16]

Son enfance, sa bataille contre le trust des multinationales qui dominaient le marché des médicaments à l’époque, son militantisme pour l’industrie pharmaceutique marocaine, plus épanouie, innovante et compétitive, son engagement pour un entrepreneuriat citoyen et responsable…« Mon histoire avec les médicaments », l’autobiographie de feu Omar Tazi publiée à titre posthume, véhicule des leçons aussi bien dans le champ managérial que sur le registre des valeurs morales et citoyennes ou encore pour les perles sur l’histoire économique et sociale du Royaume, que vous propose CHALLENGE à travers 19 chapitres. Capitaine d’industrie, feu Omar Tazi qui nous a quittés le 20 mars 2020, faisait partie de cette génération de grands industriels qui ont contribué à façonner l’industrie marocaine.

L’entrée en Bourse
Une des manifestations de la prospérité de Sothema fut son entrée en bourse. En 2004, j’ai été approché par Souad Benbachir, dirigeante associée de CFG [1], qui me proposa son accompagnement au cas où Sothema voudrait s’introduire en Bourse. Intelligente en négociations, Benbachir réussit à me vendre son idée, même si Sothema n’avait pas besoin de financement.
– « Pourquoi ferai-je appel à l’épargne publique si je n’ai pas besoin d’argent ? », lui demandai-je.  
– « En entrant en Bourse, vous gagnerez en image et vous montrerez à tout le monde que vous êtes transparent », rétorqua-t-elle.
Son argument me convint. Après tout, je ne perdais rien à ouvrir une petite partie du capital.

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Le conseil d’administration de Sothema se réunit extraordinairement pour étudier la question. Les actionnaires furent tentés par l’aventure boursière. Ils y trouvaient plusieurs intérêts dont celui de bénéficier d’un abattement de 50% sur l’IS. A la fin de notre réunion, la décision était prise : Sothema cédera 15% de son capital. Comme l’avait prédit Benbachir, l’annonce eut un énorme retentissement médiatique.

Pour la première fois au Maroc, une entreprise de la taille de Sothema s’introduit en Bourse. L’opération fut communiquée lors d’une conférence de presse tenue au siège de la Bourse de Casablanca sis à l’avenue des Forces armées royales. Les journalistes et analystes financiers présents ce jour-là remplissaient la salle. Ma présentation dura plusieurs minutes. Mon défi était d’expliquer le business model de Sothema dans des termes compréhensibles. Benbachir me rejoignit au podium afin de répondre aux questions. Ses interventions étaient pertinentes.

Souad Benbachir répondant aux questions des journalistes.

La conférence se termina par un cocktail servi à l’entrée de la salle. Les journalistes se précipitèrent vers moi, chacun me tendant un micro ou un dictaphone. Pendant que je répondais à leurs questions, Benbachir me fit signe de la rejoindre. Je compris de sa mimique que le temps était venu pour la symbolique sonnerie de cloche. Je pris congé des journalistes et me rendis à la salle de cotation. Une fois devant la cloche, une appréhension inhabituelle m’envahit. Jusqu’à aujourd’hui, je n’arrive pas à expliquer ce soudain trac. Serait-ce à cause des nombreux regards qui me couvaient à cet instant ? Je n’en sais rien.

Avant de sonner la cloche, un souvenir jaillit dans ma tête. Je revoyais l’image de cet arrogant banquier de la BNDE qui s’était moqué de moi quand je détaillais mes ambitions pour Sothema. J’avais envie qu’il soit présent en ce moment pour assister aux nombreux actionnaires, institutionnels et particuliers, qui attendaient la première cotation pour acheter nos actions. Après un moment d’attente, j’actionnai la poignée de la cloche.

Son bruit se mélangea avec celui des applaudissements. L’action de Sothema fut souscrite six fois, un record d’après la communauté financière. Après notre succès, plusieurs entreprises de taille moyenne furent tentées par l’aventure boursière. C’est comme si Sothema leur ouvrait la porte. L’enchaînement des introductions qui suivirent celle de Sothema firent vivre ses années de gloire à la Bourse de Casablanca.

Néanmoins, un problème subsista. Le capital des laboratoires pharmaceutiques n’étant pas libéralisé (50% devront être détenus par des pharmaciens), la Bourse avait créé deux lignes de cotation, à savoir la ligne A réservée aux pharmaciens et la ligne B pour le grand public. Cette contrainte rendait l’action de Sothema peu dynamique. Heureusement, la situation fut corrigée après mon élection en tant que président de l’AMIP [2].


[1] Casablanca Finance Group, une des premières sociétés de gestion au Maroc.

[2] Association Marocaine de l’Industrie Pharmaceutique aujourd’hui appelée Fédération Marocaine de l’Industrie et de l’Innovation Pharmaceutiques (FMIIP).    

 
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