Interview

Mounir Houari, DG du CRI de la région Dakhla-Oued Eddahab : «Nous avons vu des projets se concrétiser avec des concepts innovants»

La région Dakhla-Oued Eddahab est plus que jamais sous les projecteurs. L’occasion pour Mounir Houari de revenir plus en détail sur les projets stratégiques de développement en cours et donner plusieurs pistes quant aux possibilités d’accompagnement en matière d’investissement dans la région pour les opérateurs économiques. 

Challenge : Comment l’ouverture d’un consulat américain à vocation économique à Dakhla permettra à la ville, et par extension aux régions du Sud, de se positionner sur les agendas économiques des décideurs internationaux ?

Mounir Houari : L’ensemble de la communauté d’investisseurs et de partenaires économiques sont unanimes quant à l’importance de cette décision. En effet, l’impact à court terme que nous avons ressenti consiste en cet engouement de la part de plusieurs investisseurs, qu’ils soient locaux ou étrangers, qui commencent à prospecter et à évaluer les opportunités d’investissement dans la région. La décision américaine de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud est importante également pour les investisseurs américains, car cela constitue pour eux un gage de confiance et de sécurité. S’agissant du volet business, cette reconnaissance favorise aussi l’ouverture et l’accessibilité aux instruments de financement américain. Par ailleurs, elle va permettre aux banques et aux fonds d’investissement américains d’effectuer des levées de fonds, de façon à accompagner des projets qui se réalisent dans les provinces du Sud.

Challenge : Justement, depuis cette annonce, le Centre Régional d’Investissement a-t-il eu des contacts avec des entreprises américaines souhaitant investir dans la région Dakhla-Oued Eddahab ?

Mounir Houari: Absolument ! Avant cette décision importante, nous étions en train de travailler avec un investisseur américain sur la mise en place d’un parc éolien de 900 mégawatts qui va permettre d’alimenter un data center utilisant la technologie de la blockchain. La reconnaissance américaine a permis également à ce même investisseur, d’avoir une meilleure accessibilité aux outils et aux instruments financiers au niveau des États-Unis, chose qui n’était pas possible auparavant. Et pour cause ; le business model était porté par une combinaison entre fonds propres et leviers financiers locaux. Après la décision de la reconnaissance des États-Unis, nous avons reçu la visite d’investisseurs américains qui opèrent dans différents secteurs, notamment ceux de l’énergie ou de l’exploration minière. 

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Challenge : La région Dakhla-Oued Eddahab est-elle dotée suffisamment d’infrastructures à même de faciliter l’investissement des porteurs de projets nationaux ou étrangers d’une manière générale ? 

Mounir Houari: Il faut tout d’abord expliquer l’effort qui a été réalisé par l’État en termes d’investissement, s’agissant des infrastructures sous l’égide et le leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Le développement de la région, qui ne date pas d’hier, se poursuit. L’infrastructure est un élément déterminant pour encourager et attirer de nouveaux investisseurs. Dans cette perspective, les chantiers des voies expresses Tiznit-Laâyoune et Tiznit-Dakhla avancent à un rythme soutenu. Autre projet important ayant trait au secteur de l’agriculture, c‘est celui du dessalement de l’eau de mer alimentée par un parc éolien qui est en phase d’autorisation et de signature de convention d’investissement avec l’État. Ajoutez-y le grand projet du nouveau port Dakhla Atlantique, sachant qu’une zone industrielle et logistique de plus de 1000 hectares y sera annexée, sans compter la mise en chantier de zones logistiques au niveau de Bir Gandouz et du poste frontalier d’El Guergarat. D’autres projets sont en cours de développement, notamment dans le secteur de l’aquaculture. Souvenez-vous de ce projet qui a été dévoilé devant Sa Majesté le Roi Mohammed VI courant 2015 et qui concerne la création de 500 projets liés, entre autres, à l’élevage des huîtres, des ormeaux, des algues… Il faut souligner que la région Dakhla-Oued Eddahab abrite 80% des projets aquacoles à l’échelle nationale. Donc, autant de secteurs et de créneaux de développement assez diversifiés qui vont permettre à la région d’être une plaque tournante et de jouer un rôle de hub vers le continent africain.

Challenge : Outre les investisseurs étrangers, des investisseurs locaux s’intéressent également à développer des projets dans la région de Dakhla-Oued Eddahab. Quels sont les projets d’investissement en cours dans la région menés par des Marocains ?

Mounir Houari: Le premier choix n’est autre que le secteur du tourisme, notamment pour les PME marocaines. Nous avons vu des projets se concrétiser avec des concepts innovants, qui respectent l’environnement. Faut-il préciser qu’un des défis majeurs de la région, c’est de pouvoir conjuguer développement économique, durabilité et respect de l’environnement. La vocation de Dakhla en tant que destination de choix pour le sport  nautique, et notamment le kitesurf, va lui permettre de consolider un tel positionnement et à travers les différents acteurs, dont l’Office national marocain du tourisme et la Société Marocaine d’Ingénierie Touristique. Par ailleurs, nous sommes en train de travailler sur le développement de nouvelles niches qui n’ont pas encore été exploitées jusqu’ à présent, afin de diversifier cette offre et permettre d’attirer un nombre de touristes locaux ou étrangers. 

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Challenge : Peut-on avoir une idée sur ces niches potentielles de développement qui peuvent être encore exploitées ? 

Mounir Houari : Nous devons travailler sur une offre d’animation de la région qui n’est pas encore disponible pour le moment. Par exemple, nous devons être en mesure d’attirer des cadres, des consultants, afin de pouvoir développer l’hôtellerie d’affaires, d’encourager des niches de type «team building», de créer des centres de conférences afin d’attirer des conférenciers. Il faut également poursuivre la valorisation sur le volet touristique et développer l’arrière-pays et son patrimoine en créant par exemple une offre pour le tourisme désertique. Il en est de même pour la pêche sportive qui peut constituer un vecteur de développement non négligeable. Nous y travaillons. 

Challenge : Quid des avantages pour les PME nationales en matière d’investissement et désireuses de pouvoir s’installer dans la région ? 

Mounir Houari: L’un des avantages clés dont dispose la région, c’est l’accès au foncier et c’est surtout l’accompagnement à travers différents mécanismes financiers de type prêt d’honneur. Des mécanismes de formation permettent également de les accompagner. Certes, il y a toujours des défis liés aux parcours de ces jeunes entrepreneurs, qu’il s’agisse de leur formation initiale, ou de leur capacité de gérer un projet. Nous sommes en train de travailler avec de nombreux opérateurs économiques pour produire des modules de formation, afin de maximiser leurs chances de réussite sur le terrain. 

Challenge : En juin dernier, la nouvelle plateforme «Dakhlaconnect.com», dédiée à la promotion de l’investissement et au marketing territorial, a été présentée au siège de la Wilaya de la région de Dakhla-Oued Eddahab. Quel est l’objectif de cette plateforme et qu’est-ce qu’elle offre concrètement aux investisseurs ?

Mounir Houari: Cette nouvelle plateforme a été développée en collaboration avec le bureau d’études et de Conseil international JE Austin Associates. Financée par le gouvernement américain, Bureau des Affaires du Proche-Orient (NEA), à travers sa branche de l’Initiative de Partenariat des États-Unis au Moyen-Orient (MEPI), l’objectif de cette plateforme consiste à promouvoir et à effectuer un marketing territorial de la région. Elle permet d’informer les porteurs de projets sur les différents indicateurs économiques clés de la région et met en relief les différentes opportunités d’investissement dont dispose la région. Autre objectif de cette plateforme : encourager les échanges B to B et permettre la création de partenariat entre les sociétés locales et les sociétés internationales. Vous l’aurez compris, «Dakhlaconnect.com» permet de renseigner toute personne qui souhaite investir dans la région. Elle va pouvoir trouver plusieurs indicateurs macro-économiques relatifs à la région, voire des indicateurs liés à chaque secteur. Possibilité est également donnée de se connecter sur le site du Centre régional d’investissement pour avoir plus de détails afin de démarrer son projet d’investissement et de commencer à instruire le processus administratif.

Challenge : Globalement, le secteur touristique a été impacté par la pandémie. Quel est votre sentiment sur le plan de relance touristique pour redonner de l’intérêt à la destination des provinces du Sud ? 

Mounir Houari: Justement, cette pandémie que nous vivons a permis à de nombreux Marocains de découvrir la région de Dakhla. Nous avons d’ailleurs remarqué cet engouement durant la période estivale où le taux de remplissage dans certains hôtels avait atteint les 90%. Je crois qu’il s’agissait là d’une aubaine permettant de faire découvrir la région aux Marocains. Maintenant, ce sont aux opérateurs de mettre en place des produits qui sont adaptés à ce type d’offre touristique pour pouvoir encore capitaliser sur cette clientèle. Pour ce qui est de l’impact de la Covid-19, l’État a mis en place plusieurs outils d’appui et d’accompagnement, à l’instar des plans «Damane Relance», «Damane Oxygène», pour faire face à cette crise générée par la pandémie. En tout cas, il y a un vrai appétit des investisseurs pour capitaliser sur cette région, compte tenu de ses potentialités, de sa saisonnalité puisque nous disposons de plus de 300 jours de soleil, ce qui constitue un avantage compétitif et un potentiel majeur par rapport à d’autres régions. Il faut donc capitaliser sur ces avantages et travailler sur des projets structurés. 

Challenge : Quelles seront les principales priorités du Centre Régional d’Investissement pour les mois à venir ? 

Mounir Houari: A court terme, c’est de pouvoir créer un tissu économique diversifié, porté par la PME et par la TPE. Cela donne plus d’assurance, de garanties et de solidité à l’économie régionale et je crois qu’il s’agit là d’un chantier très important, tant pour le Centre Régional d’Investissement que pour les différents acteurs. Nous devons travailler sur le renforcement de cette catégorie d’entrepreneurs, surtout en les accompagnant dans leur phase d’étude et dans leur financement, de façon à ce qu’ils deviennent pérennes. L’autre chantier important qui nous tient à cœur, a trait à l’industrie. Nous croyons fermement aux potentialités de la région en termes d’agriculture et de pêche. Nous sommes d’ailleurs en train de travailler sur une valorisation optimale des produits, mais aussi sur une bonne gestion des outils de production afin d’assurer une meilleure compétitivité à l’échelle internationale, de telle sorte que la région de Dakhla soit bien placée sur l’échiquier de l’industrie nationale. Toujours est-il que ce développement de la région ne peut pas se reposer sur un seul acteur, ou bien sur une seule administration. Il faut qu’il y ait un engagement de l’ensemble des intervenants publics et privés.

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Autres sujets du dossier :

– Tout sur ces entreprises qui comptent :

– Driss Senoussi, PDG du groupe MaadOspitality et propriétaire de Dakhla Attitude

– Maoulaïnine Maoulaïnine, Président du Conseil d’administration de Phosboucraa

– Sidi Hamdi Ould Errachid, Président de la holding Myher

– Mohamed Zebdi, Président de King Pélagique Group

– Ahmed Bouaïda, PDG du holding Holsatek

– Mohamed Sbayou, Président de Mina Holding

– Dahmane Derham,  Président du groupe Derham Holding

– Hassan Sentissi, Président du Groupe Sentissi

– Mohamed El Imam Maelainin, Président du Groupe Cheikh Malainin  d’Investissement (GCMI)

– Hicham Seghir,  Président du Groupe Aaakar Chark

– Mohamed Nabil Tazi, PDG de Iglo Fish

– Ali Oukacha, DG du groupe Alia Pêche

– Mohamed Tazi,  Président fondateur du Groupe Azura

– Sébastien Deflandre, fondateur d’Océan Vagabond

– Jérôme Schanker, fondateur de La Tour d’Eole

– Interview avec :

– M’hammed Belarbi, Enseignant-chercheur, Université Cadi Ayyad, Marrakech, Maroc « La ruée des opérateurs privés vers les provinces du Sud est l’événement phare attendu »

– Mounir Haouri, DG du CRI de la région Dakhla-Oued Eddahab « Nous avons vu des projets se concrétiser avec des concepts innovants »

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